L’agence de notation Moody’s offre un sursis à la France
L’agence de notation Moody’s vient d’offrir un répit au gouvernement de Michel Barnier, qui tente de faire accepter au Parlement un effort de 60 milliards d’euros dans le projet de budget pour 2025. Elle maintient en effet la note de crédit de la France à « Aa2 ». » mais prévient dans le même temps qu’elle risque de la dégrader dans les mois à venir en plaçant la note sous perspective « négative ».
Dans un communiqué diffusé vendredi soir, l’agence a expliqué sa décision par « le risque croissant que le gouvernement ne parvienne pas à mettre en œuvre les mesures qui permettraient d’éviter des déficits budgétaires durablement plus importants que prévu ». Bref, comme si cela donnait l’occasion au gouvernement de faire ses preuves et de boucler un budget susceptible de changer la trajectoire des finances publiques.
De son côté, Bercy a « a pris note de la décision de l’agence », et je me suis souvenu « que la France dispose d’une vraie puissance économique et est également capable de mener des réformes majeures ».
Une décision surprenante
Le gouvernement est d’autant plus soulagé que la vision du marché s’orientait clairement vers une dégradation de la note de Moody’s, compte tenu de la dégradation du climat politique et des dérapages budgétaires répétés. La dernière fois que Moody’s a confirmé la notation, c’était en décembre 2022.
La prime de risque payée par la France sur les marchés (écart de rendement entre une obligation française à 10 ans et une obligation allemande de même maturité), qui oscille entre 70 et 80 points de base, ne correspond plus en fait à la notation de la France, mais plutôt celle de l’Espagne ou du Portugal. Les analystes s’attendaient au moins à ce que Moody’s aligne sa note sur celles de Fitch et S&P Global, qui sont un cran en dessous.
L’émergence du risque politique
Mais ce soulagement pourrait être de courte durée. Dans son communiqué, Moody’s explique clairement que les chances de voir cette perspective » négatif » se stabiliser l’année prochaine sont proches de zéro. L’acte d’accusation est définitif : « Il est peu probable que cet objectif (de réduction des déficits, ndlr) soit atteint en raison de l’ampleur de la consolidation budgétaire qu’elle nécessiterait » ; « Dans toutes les catégories de dépenses, la France dépense actuellement plus que la moyenne de la zone euro » ; « Il sera difficile de réduire les dépenses à grande échelle » ; « Un certain nombre de mesures proposées par le gouvernement en termes de dépenses et de recettes ne sont pas de nature structurelle ».
Et l’agence Moody’s pointe également le risque politique, tout comme l’agence de notation Fitch, lorsqu’elle a abaissé la perspective de sa note de « AA- » à » négatif » il y a quinze jours.
« La situation politique actuelle en France est sans précédent et fait naître des risques quant à la capacité des institutions à réduire durablement le déficit. » écrit Moody’s.
C’est du jamais vu depuis que la France est notée par les agences. L’incapacité du pays à trouver un consensus sur la réduction du déficit est une source croissante de stress pour les investisseurs et devrait maintenir la prime de risque élevée. Autre point inquiétant : l’agence Moody’s évoque également la guerre en Ukraine qui pourrait peser sur la note de la France en cas d’extension du conflit à l’Otan.
Alignement des perspectives ?
La prochaine réunion de revue des notations souveraines, celle de S&P Global, agence de notation aussi importante que Moody’s, devra être suivie de près fin novembre. D’autant que le budget sera voté et que la Commission européenne aura donné son avis sur la trajectoire budgétaire de la France.
Le marché s’attend à ce que l’agence, qui a abaissé d’un cran la note de la France en mai dernier à « AA-« , abaisse également sa perspective à » négatif « . Dans ce scénario, la France se retrouverait dans une situation instable où les trois principales agences de notation ont placé sa notation souveraine sous cette même perspective.
Il est assez rare que les agences de notation soient unanimes à ce stade, ce qui laisse présager de nouveaux changements de notation en 2025 ou 2026, si la situation financière ne se redresse pas. Une nouvelle dégradation de la note de Fitch ou de S&P Global ferait également passer la France dans la catégorie d’investissement de « Simple A », ce qui pourrait changer la nature des investisseurs qui achètent de la dette française. Rappelons que le Trésor dispose d’un programme d’émission record de 300 milliards d’euros en 2025. Et comme toujours, c’est l’avis le plus négatif qui remporte toujours, par précaution, l’assentiment des investisseurs.
La véritable rencontre de la France avec les agences de notation est donc reportée à 2025. Car l’agence Moody’s prévient qu’elle envisage de dégrader la note d’ici six mois, lors de la prochaine revue des notes souveraines de la zone. euro en avril prochain, face au dérapage des déficits budgétaires.