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L’Afrique du Sud, défenseur de la cause palestinienne, sur la voie d’un rééquilibrage diplomatique

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa à la tribune lors de la 79e session de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, le 24 septembre 2024.

Neuf mois après avoir mené la croisade contre Israël en déposant une plainte pour génocide contre l’État juif auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ), l’Afrique du Sud est-elle en train de recalibrer sa politique étrangère ?

S’exprimant devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 24 septembre, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a répété ceci : « Nous, les Sud-Africains, savons à quoi ressemble l’apartheid (Et) nous ne resterons pas silencieux devant la perpétration de l’apartheid contre d’autres. » Tout en soulignant que son pays était à l’aube d’une « nouvelle ère » depuis la formation d’un gouvernement d’union nationale en juin.

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Figure montante de ce nouvel exécutif, Ronald Lamola, 40 ans, a pris la tête du ministère des Affaires étrangères dans un style qui contraste avec celui de son prédécesseur, Naledi Pandor. Issu de la vieille garde de l’African National Congress (ANC), le mouvement de libération de l’Afrique du Sud marqué par une conception du monde héritée de la guerre froide, Mmoi Pandor n’a jamais cessé de dénoncer avec véhémence le « deux poids, deux mesures » nations occidentales, notamment en matière de droit international, tout en affichant sa proximité avec la Russie et l’Iran.

Lors d’une visite aux Etats-Unis en mars, elle a notamment refusé de qualifier l’Iran de régime autoritaire. Le Wall Street Journal a ensuite publié un éditorial expliquant que « L’Afrique du Sud a rejoint l’axe anti-américain ». A l’inverse, Ronald Lamola, également membre de l’ANC, a insisté sur le « valeurs partagées » avec les États-Unis lors d’un voyage dans le pays en septembre.

Une légère inflexion

Dans le même temps, Anthony Blinken, le secrétaire d’État américain, s’est félicité du partenariat «extraordinaire et important» entre les deux nations. Les États-Unis sont le deuxième partenaire commercial de l’Afrique du Sud et l’Afrique du Sud est le plus grand partenaire commercial des États-Unis en Afrique.

« Ronald Lamola est plus ouvert à l’importance de la diplomatie économique, par opposition à la diplomatie purement idéologique »souligne Jakkie Cilliers, directeur de l’Institut d’études de sécurité, un groupe de réflexion panafricain. Avec ce jeune avocat spécialisé en droit des sociétés et des marchés financiers, il constate que « des propos très durs qu’on a vu avec le précédent ministre » ne sont plus d’actualité. Une légère inflexion, qui reflète aussi la diversité des points de vue au sein du nouveau gouvernement d’union nationale.

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Après avoir perdu sa majorité absolue au Parlement pour la première fois depuis la fin de l’apartheid à la suite des élections du 29 mai, l’ANC partage désormais le pouvoir avec une dizaine de partis. Proche des démocraties occidentales, l’Alliance démocratique (AD), adversaire historique de l’ANC, est devenue son principal allié.

Parti libéral, l’AD défend une approche modérée des relations internationales fondée sur la défense des intérêts économiques du pays. Son leader, John Steenhuisen, défend également une position « mesuré, rationnel et raisonnable sur le Moyen-Orient ». Tout en estimant que l’Afrique du Sud est « dans ses droits » en déposant une plainte auprès de la CIJ, il expliquait en mars que « Ce n’est pas le lieu de s’agiter et de crier « génocide » ».

« La position de principe n’a pas changé »

La formation du gouvernement d’union nationale a également rassuré les 50 000 membres de la communauté juive sud-africaine, la plus importante d’Afrique subsaharienne, qui se sentaient « totalement abandonné » par le gouvernement après le 7 octobre 2023, explique Wendy Kahn, directrice du Conseil des députés juifs sud-africains, l’organe représentatif des organisations juives du pays. « Pendant plus d’une semaine, il n’y a eu aucune condamnation des attentats »se souvient-elle, soulignant qu’au même moment, Naledi Pandor s’était entretenue au téléphone avec un leader du Hamas avant de s’envoler pour l’Iran le 22 octobre.

Alors que les relations avec l’ANC ont atteint leur paroxysme « un plus bas historique » après le 7 octobre, le Conseil des députés juifs sud-africains assure qu’il « échanger davantage » avec le gouvernement depuis les élections. « Il est encore tôt, mais l’arrivée de différentes parties, dont plusieurs ont une approche plus nuancée du conflit, nous laisse espérer que la politique étrangère du pays sera plus équilibrée »poursuit Wendy Kahn.

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« La position de principe de l’Afrique du Sud n’a pas changé »cependant Jakkie Cilliers nuance. Ministre de la Justice avant de prendre en charge les Affaires étrangères, Ronald Lamola a suivi de près la plainte déposée auprès de la CIJ. « Nous continuons d’appeler la conscience collective de la communauté mondiale à se montrer solidaire du peuple palestinien et à appeler Israël à mettre fin au génocide en cours »a-t-il déclaré récemment. L’Afrique du Sud se prépare également à déposer de nouveaux documents auprès de la CIJ afin de « prouver qu’Israël commet un génocide en Palestine ».

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Mais le sujet pourrait bien être relégué au second plan alors que le pays s’apprête à assumer la présidence du G20 en 2025. « Il semble que l’Afrique du Sud, dans une certaine mesure, soit allée aussi loin qu’elle le pouvait avec sa plainte auprès de la CIJ. Le sujet ne va pas disparaître mais tant qu’il n’y aura pas de mouvement, l’attention devra se porter sur le G20”estime Jakkie Cilliers.

Boycott d’Israël

Considérée comme un succès par Pretoria, la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël a projeté le pays sur la scène diplomatique mondiale en renforçant son image de porte-parole du Sud. « Cela a contribué à faire pression sur Israël. Des millions de personnes dans le monde manifestent en brandissant le drapeau de l’Afrique du Sud »se réjouit Roshan Dadoo, coordinatrice sud-africaine du BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), un mouvement appelant au boycott d’Israël.

« Cela a également montré au monde l’étendue de l’impunité d’Israël et souligné que les puissances occidentales lui permettent d’agir comme un État voyou en refusant de se soumettre aux mesures provisoires ordonnées par la Cour. »continue-t-elle. En janvier, la CIJ a ordonné à Israël de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir les actes de génocide et autoriser l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. En mai, elle a également ordonné à Israël de cesser  » immédiatement  » son offensive militaire à Rafah.

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Mais le mouvement appelant au boycott d’Israël, très puissant en Afrique du Sud, n’est pas entièrement satisfait de la position sud-africaine. « Nous pensons que le gouvernement doit être cohérent »estime Roshan Dadoo. L’organisation appelle l’Afrique du Sud à suivre l’exemple de la Colombie en arrêtant ses exportations de charbon vers Israël. Sans succès jusqu’à présent.

BDS appelle également au boycott d’Israël dans les domaines culturel et sportif. Des secteurs dans lesquels il se heurte désormais à un ministre pro-israélien, le leader de l’Alliance patriotique, Gayton McKenzie. Chrétien pratiquant, celui qui explique défendre Israël pour des raisons religieuses a fait connaître, fin juillet, son « mécontentement » après la publication d’une déclaration de son ministère condamnant la participation d’Israël aux Jeux Olympiques.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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