Læticia le choisit pour être Johnny Hallyday au cinéma
Samedi 15 juin, Johnny aurait eu 81 ans. Le lendemain, Laeticia Hallyday est à Paris, vibrante, pour clôturer « Johnny Hallyday, l’exposition », une immersion dans l’univers de la star sur laquelle elle a travaillé pendant quatre ans. Merci à l’équipe, à Jade et Joy qui sont venues le soutenir, à la nuée de fans, au dernier carré de fidèles venus l’embrasser. Une page se tourne.
Mais ici, au nom de la promesse qu’ils ont faite et qu’elle invoque, comment continuer à faire vivre l’idole ? Gardienne de la mémoire – une mission à plein temps – elle a choisi de nous dévoiler le même jour le projet suivant : « Un film digne du rockeur et de l’homme que j’ai aimé à la folie, parfois dans la douleur, pendant vingt-trois ans. » Elle glisse, avec enthousiasme : « Le biopic officiel, oui, vous pouvez le présenter comme ça. »
L’idée flottait depuis longtemps. Des négociations avaient été entamées avec certains producteurs qui l’avaient approchée. Tentant… mais jamais concluant. « Quelque chose n’allait pas, les échanges étaient compliqués, explique Laeticia. J’avais l’impression de trahir Johnny en me lançant dans des projets qui me semblaient manquer d’un peu de folie, de rock’n’roll. »
J’ai été bluffé par sa performance, son look, sa façon d’occuper l’espace, de parler, sa spontanéité, son charisme presque animal…
Laeticia Hallyday
Pour que les planètes s’alignent enfin, il aura fallu la rencontre de trois étoiles montantes : le « nouveau golden boy du cinéma » Hugo Sélignac, à la tête des productions Chi-Fou-Mi (Groupe Mediawan), Cédric Jimenez, le réalisateur de « La Français », « Bac Nord », « Novembre », entre autres, et le comédien Raphaël Quenard. « Le projet, l’envie… Tout part de là, de lui », confie-t-elle.
En décembre dernier, dans l’avion qui l’amenait de Los Angeles à Paris pour inaugurer l’exposition sur Johnny, Laeticia a passé en revue le catalogue des films, s’arrêtant à celui de Quentin Dupieux, « Yannick », dans lequel Raphaël Quenard tient le rôle principal. « J’ai été émerveillé par son jeu, son look, sa façon d’occuper l’espace, de parler, sa spontanéité, son charisme presque animal… Je me suis dit que si un acteur pouvait jouer Johnny au cinéma, c’était lui. »
L’image de Raphaël incarnant Johnny me paraissait évidente
Cédric Jiménez
Quarante-huit heures plus tard, par hasard, elle rencontre Hugo Sélignac à l’hôtel Costes : « Il était tard dans la nuit, il n’aurait pas dû être là, je n’aurais pas dû être là. » Elle lui parle de Quenard, il évoque le nom de Cédric Jimenez. Le projet voit le jour. «Quand Hugo m’a appelé le lendemain pour me raconter sa rencontre avec Laeticia, poursuit le réalisateur, il ne m’a fallu qu’une demi-seconde pour dire oui, parce que l’image de Raphaël dans le rôle de Johnny m’apparaissait comme une évidence et parce que je me sentais comme une évidence. capable de cela. Raconter le rock à travers Johnny est un projet extraordinaire, exceptionnel, celui d’une vie. C’est un rêve et une énorme responsabilité de porter à l’écran un personnage qui a enflammé les foules et compté dans la vie de quatre générations au point de la changer pour certaines. Pour lui rendre pleinement grâce, il faudra se permettre, comme lui, de s’affranchir des conventions. »
Première rencontre presque immédiatement. Un déjeuner à Saint-Germain-des-Prés, au bar de l’Atelier Robuchon, « le restaurant préféré du chanteur ». Autour de la fameuse purée qui y est servie – « son plat préféré » – tout s’enchaîne rapidement. « Je rencontrais Raphaël pour la première fois, mais j’avais l’impression de le connaître depuis toujours », raconte Laeticia. « C’est vrai, reconnaît-il, entre nous, c’était tout de suite simple »
Après l’apéritif, le plat principal… ou comment aborder le monument ! Un défi. Des quatre, Quenard est le seul à ne jamais l’avoir rencontré. « Mais, explique-t-il, nous avons tous été bercés par Johnny dans le ventre de nos mères ! » Il avoue lui-même avoir souvent fredonné sous la douche « Oh Marie si tu savais »…
Pour faire vivre cet être de lumière, à la hauteur de la notion de partage et de communion, il faudra beaucoup de travail.
Raphaël Quenard
Au fil de la conversation avec Laeticia, des points communs ressortent. Même fascination pour « Le Bigdil », de Vincent Lagaf’, par exemple. Dans son bureau de Marnes-la-Coquette, Johnny Hallyday menaçait de « sortir » qui osait l’interrompre lors de l’émission que Raphaël, enfant, suivait chaque jour avec son frère, dans leur banlieue grenobloise. Se glisser dans la peau du rockeur reste néanmoins sacrément vertigineux. « Quelle était sa taille ? » » demande l’acteur de 33 ans.
« 1,83 mètre, vous avez à peu près la même stature », répond Laeticia. « Je mesure 1,88 mètre, mais pour rentrer dans le costume, je suis prêt à me faire scier les tibias », rétorque cet as de la répartie décalée. L’acteur, qui incarnera la star de ses débuts jusqu’à sa fin, a déjà fait des tests de maquillage. « Très concluant », selon Cédric Jimenez. Quenard, qui vient de recevoir le César de la meilleure révélation masculine pour son rôle dans « Scrapyard Dog », est conscient de l’ampleur du défi : « Donner vie à cet être de lumière, au paroxysme de la notion de partage et communion, cela demandera beaucoup de travail. »
Rien qui lui fasse peur. Au contraire, le défi le galvanise : « Je vais me consacrer pleinement, méthodiquement, à cette préparation, pour une petite année sans doute. » Cédric Jimenez, avec qui il a déjà travaillé dans « Novembre », lui fait confiance à 100 % : « Raphaël va commencer par s’immerger, semaine après semaine, mois après mois, en mangeant, en buvant et en pensant Johnny pour s’en approcher. Il n’est pas obligé de jouer, il doit être Johnny à la fin. C’est un grand voyage. Il couvrira seul 85% du trajet. Je l’aiderai avec les 15 % restants. La magie du cinéma, des décors, des costumes viendront encore enrichir cette œuvre. »
Pour ce film, j’ai décidé de mettre à disposition les archives, la musique, les bijoux, les objets de Johnny.
Laeticia Hallyday
Des coachs physiques, vocaux et chorégraphiques sont évidemment prévus. Mais aussi la visite de l’antre de Marnes-la-Coquette, où le chanteur a vu grandir et mourir Jade et Joy, un séjour à Saint-Barth, où il repose – un autre à Los Angeles, où il avait choisi de s’exiler. , peut-être même un road trip sur la Route 66… Laeticia vous servira de guide tout au long de ce pèlerinage. Elle est prête à aller encore plus loin : « Pour ce film, j’ai décidé de mettre à disposition les archives de Johnny, la musique, les bijoux, les objets, tout ce qui raconte son histoire et sa vie, ses secrets, les lieux et les décors dans lesquels il a vécu. »
Tout le monde sait qu’un autre acteur, le Belge Matthias Schoenaerts, aura bientôt lui aussi le défi de ressusciter Johnny sur grand écran. Selon le distributeur Universal Pictures International France, « Phoenix » devrait être tourné entre septembre et mi-novembre 2024, pour une sortie espérée en 2025. Laeticia Hallyday ne sait rien de cet autre opus : il est à l’origine de sa rencontre avec son directeur, Jalil Lespert, il y a quatre ans. « Jalil écrivait déjà et m’a contacté à l’époque pour avoir les droits. Trois mois de discussions ont suivi, puis il s’est passé quelque chose entre nous. Jalil a poursuivi son envie et son travail autour de ce film. »
Loin d’elle l’idée d’empêcher l’homme avec qui elle a vécu sa plus longue histoire d’amour après Johnny – trois ans – avant de le quitter, en 2023 : « C’est normal qu’un destin suscite des vocations. Je pourrais interdire certaines choses, mais je n’ai pas l’intention de le faire. » Finalement, le fait qu’il y ait deux films rendant hommage à son mari devrait la flatter.
Yves Saint Laurent a connu les mêmes hommages au cinéma, l’un de Bertrand Bonello, l’autre d’ailleurs de Jalil Lespert. « Les deux films seront très différents », explique Laeticia Hallyday, « celui de Jalil se concentre sur trois années de carrière de Johnny, de 1995 à 1998, depuis sa descente aux enfers de Las Vegas, durant laquelle il s’est détruit jusqu’à se détériorer, lors de son retour en force au Stade de France avec, en toile de fond, notre rencontre. Celui de Cédric, que j’ai décidé de soutenir, couvrira toute sa vie, avec ce look rock’n’roll puissant qu’il aurait voulu… »
Sans les avoir appris, je connais ses chansons par cœur, elles font partie de ma vie
Cédric Jiménez
Lorsque Hugo Sélignac évoque le nom de Jimenez à Laeticia, elle se souvient surtout de « la fascination de Johnny pour Cédric lors de leur rencontre un soir de Nouvel An chez nous à Gstaad ». Le réalisateur, qui venait de terminer le tournage de « La French », était arrivé dans le sillage de deux de ses acteurs, Jean Dujardin et Gilles Lellouche, amis du couple. « Au début, se souvient Jimenez, nous étions nombreux et au fur et à mesure de la soirée, le Taulier, qui en avait un peu marre, a vidé la maison, donnant congé à ceux qu’il voulait voir partir… Gilles , Jean et moi sommes restés tard, nous avons discuté cinéma, nous avons dansé, nous avons rigolé. Ce soir-là, j’ai aperçu l’homme derrière la star. Et ce qui m’a frappé, c’est son immense humilité. Johnny se montrait excessivement sympathique, détaché de lui-même. Il répond aux questions en vous regardant droit dans les yeux. Je me souviens de ce regard… »
« Il me parle », répète-t-il. Sans les avoir appris, je connais ses chansons par cœur, elles font partie de ma vie. » Le réalisateur, né en 1976, précise, en guise de note d’intention : « Je veux qu’au final, on aime l’homme autant que sa musique. » Devenu fan de Jim Morrison à l’âge de 13 ans en le découvrant dans le film « The Doors », il rêve que son « Johnny » affronte une nouvelle génération qui n’a sans doute jamais vu le Taulier sur scène.
La date de sortie du film est fixée : 8 décembre 2027
« Faire un grand film », telle est l’ambition de tous les quatre. Son financement est déjà assuré, et de nombreux partenaires seraient au rendez-vous. « Il y aura une équipe solide, un budget à la hauteur. Nous n’en sommes qu’au début : nous devons dessiner les plans d’une maison avant de la construire », explique Jimenez.
Le temps d’écrire le scénario, de réaliser un casting hors du commun pour mettre en scène les célébrités qui ont compté dans la vie de la star, le tournage est prévu pour 2026. Il devrait durer entre trois et cinq mois, dans plusieurs territoires, pour synthétiser en quelques heures soixante-dix- quatre années d’un destin hors du commun. La date de sortie du film est fixée : le 8 décembre 2027, dix ans, à trois jours près, après le décès du chanteur. D’ici là, la France aura changé de président et peut-être de destin… Voir Johnny renaître devrait lui faire du bien. Laeticia Hallyday sourit : « On peut continuer à s’accrocher au rêve. »