L’actrice Christine Boisson est décédée à l’âge de 68 ans
L’actrice Christine Boisson est décédée le 21 octobre à l’âge de 68 ans, des suites d’une maladie pulmonaire. Un corps de guerrier, un regard de feu et une voix sourde qui a su contenir le cri : cette actrice tempétueuse n’a pas laissé les spectateurs indifférents. Alors qu’elle débute une carrière de mannequin, elle n’a que 17 ans lorsque Just Jaeckin lui propose de jouer dans Emmanuelle (1974). Il s’agit de Marie-Ange, une adolescente dénuée d’inhibitions. La scène où elle se masturbe sous le regard de Sylvia Kristel marquera les esprits. C’est l’éternelle histoire d’une actrice à qui, parce qu’elle s’est déshabillée une fois au cinéma, d’ailleurs dans un film érotique immensément populaire, se voit constamment proposer le même rôle.
Lassée de ne devoir offrir que son physique, Christine Boisson tente et réussit un virage à 180 degrés grâce au théâtre, qui lui ouvre les portes du cinéma d’auteur international. Les spectateurs resteront marqués par ce visage frêle au front arrondi, ces pommettes saillantes et ces yeux d’encre, fixes, éblouissants, enfantins – Boisson, ou la jumelle secrète de Jeanne Moreau, qui porte son visage comme un masque.
Sur scène, elle faisait partie de ces interprètes imprévisibles dont on ne sait pas de quoi ils sont capables. Franchir ou ne pas franchir les limites ? Avec elle, les balançoires ne prévenaient pas. Douceur puis violence, masculin et féminin entremêlés, sensualité et brutalité, lenteur ou rapidité. Elle a apprivoisé sa sauvagerie sur scène. « C’était une reine », témoigne sur les réseaux sociaux Jean-Marie Besset, traductrice d’une pièce de Tennessee Williams qu’elle a interprétée en 2011 (Bar de Tokyo). Ce sera la dernière grande apparition au théâtre de cet interprète formé au Conservatoire National d’Art Dramatique (promotion 1977). Elle était là, ajoute Besset, « incandescent et magistral ».
Le goût du risque
Un tel tempérament n’était sans doute pas facile à gérer. Quand elle le filme dans Le Bal des Actrices (2009), la réalisatrice Maïwenn lui donne le rôle d’une professeure de théâtre dure, violente et abusive qui exige de ses élèves un don effréné pour le jeu et les textes. Ce portrait lui était-il fidèle ? Christine Boisson n’aimait pas les demi-mesures. Elle l’était, a-t-elle confié à Monde en 2004, « actrice avant tout, avant même d’être une personne individuelle, entrant très tôt dans sa carrière ».
Entré très tôt, il est vrai, et très vite coopté par la crème des réalisateurs. Roger Planchon, pape de la décentralisation dans les années 1970, l’a dirigé à trois reprises dans son fief, le TNP de Villeurbanne (Périclès, prince de Tyrde Shakespeare, en 1977, Antoine et Cléopâtrepar le même Shakespeare, en 1978, Andromaque, par Racine, en 1988). Elle collabore également avec Robert Gironès, artiste vif, radical et avant-gardiste. Elle a le goût du risque et choisit de s’orienter vers les auteurs de son temps. C’est dire qu’elle accepte le saut dans le vide de l’écriture contemporaine.
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