l’accusation de génocide à Gaza, un test sans précédent pour la justice internationale
C’est un texte sérieux et implacable, dont on sent que l’auteur a pesé chaque mot avec une infinie précaution. Dans cette longue chronique publiée par Le gardien (disponible en français sur le site de la revue L’Orient XXI), intitulé « Un historien du génocide auquel est confronté Israël », l’historien israélo-américain Omer Bartov témoigne, avec un mélange d’horreur et d’abattement, de l’ampleur des dégâts causés, au plus profond de la société israélienne, par l’attentat terroriste du 7 octobre. , 2023. Il déplore également la violence de la réponse militaire israélienne à Gaza ainsi que « l’indifférence totale de la plupart des citoyens d’Israël face aux actes commis en leur nom ».
Professeur d’histoire contemporaine à l’université Brown de Providence (États-Unis, Rhode Island), le chercheur a été invité en Israël en juin 2024, pour intervenir à l’université Ben Gourion du Néguev, à Beer Sheva. Mais grâce à la mobilisation des étudiants, « des militants d’organisations d’extrême droite »il confie, « rien ne s’est passé comme prévu ». Né en Israël en 1954, après avoir servi dans l’armée et même connu l’épreuve du feu lors de la guerre du Kippour (1973), Bartov possède pourtant tous les antécédents militaires pour se sentir autorisé à s’exprimer, mais cela ne le protège pas des critiques, insultes et slogans hostiles. Et c’est avec consternation qu’il décrit un pays où la guerre est devenue « une fin en soi »avant d’observer « l’incapacité totale de la société israélienne à ressentir la moindre empathie pour la population de Gaza ».
Puis, au terme d’une démonstration minutieuse, soulignant le fossé infranchissable qui s’est creusé entre l’opinion publique israélienne et nombre d’observateurs extérieurs du conflit, Bartov finit par conclure que son opinion a changé et qu’à ses yeux, « depuis au moins l’offensive contre Rafah le 6 mai 2024, il n’(était) il n’est plus possible de nier qu’Israël(était) reconnu coupable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’actions génocidaires systématiques.
Un principe sans exception
Si les qualifications de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité sont aujourd’hui avancées par de nombreux juristes et spécialistes des violences de masse, compte tenu de l’ampleur des destructions à Gaza, du bilan effroyable des opérations de l’armée israélienne et de la situation humanitaire qui prévaut dans l’enclave, le dernier terme, « actions génocidaires systématiques »est plus discuté. Parce qu’il fait référence à l’un des piliers de l’ordre mondial établi à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la notion de « génocide », néologisme forgé par le juriste Raphael Lemkin (1900-1959) et inscrit dans le droit international par une convention signée à Paris en 1948 pour qualifier le« intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », que ce soit par meurtre ou « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence destinées à entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».
Il vous reste 64,62% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.