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« L’accord UE-Mercosur nourrit le sentiment que Bruxelles favorise de plus en plus l’industrie, au détriment de l’agriculture »

Professeur au Conservatoire national des arts et métiers, Sébastien Jean a été membre de la commission d’évaluation du projet d’accord entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) mise en place par Edouard Philippe, alors Premier ministre. , qui a remis son rapport en septembre 2020. Pour cet économiste, l’accord de libre-échange, dont la conclusion des négociations a été annoncée vendredi 6 décembre, profiterait surtout aux pays de la péninsule ibérique, proche de l’Amérique latine, ou industriel, comme l’Allemagne.

En quoi cet accord, dont les négociations ont duré vingt-cinq ans (depuis 1999), est-il différent des autres ?

Il s’agit d’un accord unique en raison de la puissance exportatrice du Mercosur dans le secteur agricole, un secteur politiquement très sensible en Europe. Cet accord a également marqué un tournant. Historiquement, l’UE a d’abord conclu des accords pour gérer les liens postcoloniaux et ses relations de voisinage, qui ont permis de structurer le régionalisme, notamment à travers des chaînes de valeur communes dans l’industrie. Les négociations avec le Mercosur ont été parmi les premières avec des partenaires lointains, où la motivation réside davantage dans la spécialisation selon les avantages comparatifs. A cela s’ajoute la situation actuelle de l’Europe, fragilisée par la guerre sur son sol. (en Ukraine) et la crise énergétique qui s’ensuit, la révolution de la décarbonation qui déstabilise des secteurs comme l’industrie automobile, la concurrence chinoise frontale et les tensions imminentes avec l’administration Trump. L’UE espère se renforcer grâce à cet accord.

Qui sont les perdants et les gagnants de cet accord ?

L’industrie en serait la principale bénéficiaire, en particulier l’automobile, les machines, les cosmétiques et la chimie, secteurs dans lesquels le Mercosur constitue l’un des grands marchés les plus protégés au monde. Les constructeurs automobiles français ne seront pas forcément les grands gagnants puisqu’ils produisent déjà localement. Les prestataires de services devraient également bénéficier de l’ouverture des marchés publics. Les secteurs susceptibles de souffrir sont le sucre, la volaille et la viande bovine, même si la libéralisation y est plafonnée à des niveaux correspondant à environ 1% de la consommation européenne. On y retrouve également des secteurs défavorisés dans la répartition des aides agricoles essentiellement basées sur la superficie, par rapport aux grandes cultures comme le blé, dont l’Europe et la France sont exportatrices nettes.

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Eleon Lass

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