Le plan hydrogène vert du gouvernement est utopique
Le rêve du gouvernement d’hydrogène vert vient de prendre un sacré coup. Marc Fontecave, professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences, ne tourne pas autour du pot. Selon lui, « les projets du gouvernement n’ont aucune chance de se réaliser, et si nous ne priorisons pas les usages que nous ferons de cet hydrogène vert, il sera impossible de changer d’échelle « . Comme le rappelle un professeur, l’Académie des sciences dans son rapport rendu le 9 avril 2024, l’hydrogène vert, bien que prometteur, nécessite une production massive d’électricité bas carbone : pour chaque million de tonnes d’hydrogène vert, il faut produire au moins environ 55 TWh d’électricité. Pour donner une échelle, cela équivaut à la production de 5 réacteurs EPR d’au moins 1 600 MW chacun.
Avec un objectif de production de 4 millions de tonnes d’hydrogène vert fixé par l’exécutif d’ici 2035, cela signifie qu’il faudrait un parc nucléaire composé de 20 réacteurs nucléaires supplémentaires. Et sans surprise, l’éolien offshore, bien que en développement, est incapable de produire une telle quantité d’électricité. Selon les avis des scientifiques, cela ne serait possible qu’à travers la construction de 36 à 40 nouveaux parcs éoliens d’ici 2035. Une utopie donc, d’autant plus que la filière nucléaire, bien qu’ayant été relancée en 2022 par Emmanuel Macron, après sa fermeture en 2017, il manque cruellement de financement : EDF a dépassé son budget de 16 milliards d’euros pour la construction de nouveaux réacteurs EPR…
Des défis techniques, mais aussi économiques
Outre les objectifs du gouvernement, le rapport l’Académie des sciences ne manque pas de souligner les défis techniques posés par une autre méthode de production d’hydrogène vert : l’électrolyse, procédé qui permet de le produire à partir de l’eau. Comme le rappelle le conseil des scientifiques français, en 2023, la France ne disposait que de 0,03 GW de capacité d’électrolyseurs installés, contre un objectif de 6,5 GW pour 2030. Atteindre ces objectifs nécessite des avancées significatives en termes d’efficacité, de stabilité et de coût des électrolyseurs.
Et c’est précisément sur ce point que les enjeux économiques s’avèrent particulièrement importants. Le prix de l’hydrogène gris, produit à partir de méthane, oscille entre 1 et 2 euros le kilogramme. A l’inverse, la production d’un kilogramme d’hydrogène vert coûte le double, voire le quadruple.ce qui refroidit de facto les investisseurs dans le développement de cette technologie, et qui à son tour limite toute demande.
Un appel au pragmatisme
Face aux objectifs du gouvernement et aux enjeux techniques liés au développement de l’hydrogène vert, l’Académie des sciences exhorte le gouvernement à cesser de multiplier les projets – ce qui impliquerait de jeter de l’argent par les fenêtres : 2 milliards annoncés en 2021, auxquels s’est ajoutée une enveloppe de 9 milliards d’euros dans le cadre du plan France 2030. Les scientifiques appellent l’exécutif à recentrer ses efforts sur la décarbonation de l’hydrogène grisnotamment dans certains secteurs comme la production d’acier et de ciment, ainsi que le transport lourd.
En plus de ces recommandations, l’Académie des sciences exhorte l’exécutif à réévaluer de manière pragmatique ses objectifs, et à prendre en conséquence des décisions claires et affirmées : » Aujourd’hui, les milliards du plan France Relance sont dispersés sur des dizaines de projets sans avenir et dont l’impact climatique sera ridicule. Aucun arbitrage n’est effectué », regrette Marc Fontecave auprès de nos confrères de Indiquer. Le conseil des scientifiques préconise également une plus grande soutien aux projets d’exploration de l’hydrogène naturelainsi que l’augmentation des capacités de production d’électricité décarbonée et la poursuite des recherches dans ce domaine.
