L’ablation du frein de langue chez le nourrisson, une intervention encore trop pratiquée et (très) inefficace
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L’ablation du frein de langue chez le nourrisson, une intervention encore trop pratiquée et (très) inefficace
MÉDECINE – Une intervention chirurgicale pratiquée trop souvent, sur des parents mal informés, et le plus souvent sans résultats : c’est ce que révèle une étude, publiée ce lundi 29 juillet dans la revue américaine Pédiatrie décrit l’ablation du frein de langue (ou frénectomie) et plus rarement du frein labial ou maxillaire chez le nourrisson. Cette pratique s’est toutefois généralisée au cours de la dernière décennie, notamment pour répondre aux difficultés d’allaitement.
Le frein de langue est le tissu situé sous la langue, qui a pour fonction de la retenir. Chez certains nourrissons, il peut être trop court, ou légèrement déformé : on parle alors d’ankyloglossie. Cela peut ou non poser des problèmes, notamment lors de la prise du mamelon en bouche, qui peut être douloureuse pour le bébé ou pour la maman. Pour tenter d’y remédier, on peut pratiquer une incision pour couper ce morceau de peau, la fameuse frénectomie. Une opération qui ne nécessite pas forcément d’anesthésie, et qui ne prend qu’une minute (et une grosse frayeur pour le bébé). Mais souvent, le jeu n’en vaut pas la chandelle.
« Presque une épidémie »
Les auteurs de l’étude, des chercheurs de plusieurs universités américaines, se penchent sur cette pratique pour dresser un portrait très critique. Leurs travaux mettent d’abord en lumière un paradoxe : sur les 100 000 bébés américains qui subissent chaque année une opération pour frein de langue, seulement la moitié ont des difficultés à téter. Il faut dire que cette pratique est parfois un remède universel.
Selon l’étude, un nombre croissant d’enfants sont opérés pour des problèmes de langage ou d’apnée du sommeil. Cependant, le fait que l’ablation du frein de langue soit une solution n’est tout simplement pas une bonne idée. « fondé sur des preuves ». Au mieux, son efficacité reste à démontrer ; au pire, cela s’apparente davantage à du charlatanisme. « Ceux qui diagnostiquent cela, » dénonce à HuffPost Andreas Werner, président de l’AFPA, « puis se tourner vers d’autres traitements coûteux. »
Pédiatrie
Nombre de cas d’ankyloglossie diagnostiqués chaque année aux États-Unis.
Quant aux bébés qui ont effectivement des difficultés à téter, ils paient souvent le prix d’une procédure dont ils pourraient se passer. « L’allaitement maternel inadéquat est un problème complexe, et chaque cas d’allaitement inefficace ou douloureux doit être entièrement diagnostiqué avant qu’un traitement ne soit proposé », explique l’étude. Mais aux Etats-Unis, comme ailleurs, cette pathologie est très souvent diagnostiquée… Ce qui conduit presque automatiquement à une frénectomie.
Selon l’étude, le nombre de cas d’ankyloglossie recensés par les médecins américains a tout simplement été multiplié par dix entre 1997 et 2012, passant de 10 000 à 100 000 par an. « C’est presque une épidémie »s’inquiète l’un des co-auteurs du texte auprès de l’agence de presse AP.
Un manque de soutien pour celles qui allaitent
En France, ce constat est partagé depuis plusieurs années. Même si, là encore, le nombre exact d’interventions est difficile à connaître, des milliers de frénectomies ont lieu chaque année, et depuis le début des années 2020, de nombreux professionnels tirent la sonnette d’alarme. En 2022, l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) a publié une tribune dénonçant « une pratique qui se développe de manière anormale » dans le« Manque de consensus des experts », « actions sans bénéfices accrus » et même « des effets secondaires à ne pas négliger. »
Faut-il pour autant interdire cette pratique ? Bien sûr que non. Mais son augmentation, apparemment liée à la fois à un certain renouveau de l’allaitement et à la diffusion de traitements « miracles » via les réseaux sociaux, n’est pas justifiée. L’ablation du frein de langue et/ou du frein labial et maxillaire ne doit pas être la première solution, et encore moins la seule, face à un problème d’allaitement.
Le problème à cet égard est que les jeunes parents, souvent fatigués et inquiets, manquent de soutien. Quitte à s’appuyer sur un diagnostic posé trop rapidement par un professionnel pas assez spécialisé, explique Andreas Werner : « Ce qui est déjà bien, c’est de ne pas croire que l’allaitement est quelque chose d’inné. Il y a des professionnels, des consultantes en lactation, qui sont là pour les parents. » Rompre l’isolement et la peur lorsque votre bébé a un problème est avant tout une question d’entourage.
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