la voix de la mélancolie s’est envolée
C’est son fils Thomas Dutronc qui a annoncé la triste nouvelle en postant sur les réseaux sociaux une image de lui enfant, avec sa mère, et ce message suivi de coeurs : « Maman est partie… » La chanteuse Françoise Hardy, icône yé-yé, est décédée à l’âge de 80 ans, ce mardi 11 juin 2024.
« Même si je dois lâcher ta main/Sans pouvoir te dire « à demain »/Rien ne brisera jamais nos liens/Même si je dois aller plus loin »elle a chanté dans Tant de belles chosestitre sublime, très spirituel, évoquant l’au-delà.
Avec la mort de Françoise Hardy, la mélancolie n’est plus tout à fait ce qu’elle était… Sa meilleure ambassadrice a disparu.
Aucune chanteuse française n’a porté aussi haut cette tristesse rêveuse qui a animé Françoise Hardy tout au long de sa carrière, elle qui n’a cessé de chanter la quête de l’amour inaccessible, sa source d’inspiration unique ou presque. Pour cela, elle disposait de trois atouts : une plume d’une rare élégance, un amour de la mélodie entraînante, une voix envoutante.
Chanter l’amour avec un A majuscule
Françoise Hardy a ainsi prouvé qu’il n’était pas nécessaire d’avoir un chant puissant pour toucher l’auditeur. La sienne, cristalline, douce, mélodieuse, a su porter à merveille ce sentiment puissant qu’est l’Amour.
Sa voix, immédiatement reconnaissable, toujours bien placée, était d’une grâce et d’une délicatesse infinies. Dans le classement des deux cents plus grands chanteurs de tous les temps, réalisé par le magazine Pierre roulante début 2023, la France n’est représentée que par Françoise Hardy, 162 ans e … La musicalité de sa voix a également ému les Anglo-Saxons.
Tout commence réellement pour elle en juin 1962 lorsque, jeune femme de 18 ans, elle apparaît avec l’irrésistible Tous les garçons et les filles. « Une chanson unique et pas du tout intemporelle, dirait-elle plus tard. Une petite chanson… »
Il ne fallait évidemment pas y croire tant ce titre marquait son époque avec déjà, en filigrane, l’attente de l’amour. Une chanson qui l’a propulsée vers la gloire et a fait d’elle une pionnière : les femmes qui écrivaient leurs propres chansons et en faisaient des tubes étaient rares au début des années 1960. Barbara n’arrivera que quelques années plus tard.
Icône des années soixante
C’est durant ces années qu’elle rencontre son premier amant : Jean-Marie Périer, photographe star du salut les copains, ce qui l’aide à grandir et valorise son image. Françoise Hardy est devenue une icône des années soixante, y compris en Angleterre. Grâce à ses chansons, mais aussi à son élégance et son goût pour les tenues sexy que lui font porter les grands couturiers. Bob Dylan, Mick Jagger et tant d’autres… sont sous le charme.
Elle a publié six albums (dont un en anglais) en six ans, sortant des succès (Le premier bonheur de la journée, Mon amie la rose…), donne des concerts dans le monde entier. De cette période (1962-1966), Françoise Hardy ne conserve qu’une seule chanson (Amitié) dans une compilation (Messages personnels) de 2002 qu’elle considère comme un bon résumé de son palmarès : « Dans ce que j’ai enregistré, il y a beaucoup de gaspillage »elle se jugeait comme toujours si dure avec elle-même.
Sa rencontre avec Jacques Dutronc
Ma jeunesse s’en va (1967), sorti à 23 ans, est son adieu aux années yéyé. C’est aussi l’année de sa rencontre avec Jacques Dutronc, avec qui elle aura un fils, Thomas, également musicien et chanteur. L’année suivante, fatiguée des tournées, elle arrête de se produire. Elle ne sait pas qu’elle n’y reviendra plus.
A partir des années 1970, si l’album Soleil marque, Françoise Hardy a surtout retenu La question, enregistré avec son ami le guitariste brésilien Tuca. Son disque préféré, enveloppé d’un voile de tristesse, son amoureux étant le plus souvent absent.
Markant est l’album qu’elle a réalisé avec Michel Berger, qui lui a offert ce chef-d’œuvre qu’est Message personnel (1973). A l’image de la période Gabriel Yared, un grand compositeur qui lui livre de splendides ballades et l’entraîne vers des musiques plus rythmées, des arrangements parfois jazzy-funky et des textes (avec la complicité de Michel Jonasz) jouant davantage avec les mots. Cinq albums (1977-82), pas mal de succès, mais une collaboration houleuse.
De 1988 à 1996, rien. Avant la nuit Le danger (1996), à la pochette rouge sang, enregistré avec le guitariste rock Rodolphe Burger, où elle se déchaîne sur ses frustrations amoureuses. Ses cinq derniers albums (2004 à 2018) sont des sommets d’élégance mélancolique.
Car ce « introverti sentimental »comme elle s’est présentée, « avec des larmes faciles quand le sentiment est touché », aimait se laisser séduire par la belle musique – son plaisir coupable – qui lui inspirait invariablement de nouveaux mots, d’amour évidemment, flirtant avec l’extraordinaire musicalité de sa voix. « Ma voix, oui, elle nous l’a dit un jour. Je sais qu’il a un côté médium, qui peut se rapprocher des fréquences de certaines cordes comme le violoncelle. »
Françoise Hardy souffrait d’un lymphome depuis 2004. Et depuis 2019, d’un cancer du pharynx. Très diminuée ces dernières années, elle ne sortait plus. Mais, chaque jour, depuis son appartement parisien, elle communiquait par mail avec celui qui était encore son mari, Jacques Dutronc, resté en Corse. La chanson française vient de perdre l’un de ses plus grands artistes.
Françoise Hardy a raconté son histoire dans deux livres : Le désespoir des singes… et autres bagatellesRobert Laffont, 2008 et Un cadeau du ciel… Équateur, 2016.
Il existe deux coffrets de ses albums : La collection 62-66 (6 albums), Vogue/Sony ; Le coffret indispensable (1976-2006, 10 albums), Parlophone/Warner.