Malgré ce débat, tous les scénarios, y compris ceux du GIEC1Nous sommes d’accord : l’électrification des véhicules est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques et réduire notre dépendance au pétrole. Au-delà des enjeux environnementaux entourant son déploiement, nous souhaitons aujourd’hui dans cette lettre nous interroger sur les nombreux défis sociétaux liés au développement de cette industrie.
Des voitures électriques pour tous ?
Tandis que de l’autre côté de l’Atlantique, le plan astronomique d’options sur actions2 proposé à Elon Musk a été validé par les actionnaires de Tesla, au grand dam des investisseurs responsables, en Europe se pose le défi de l’accessibilité financière des véhicules électriques, indispensable à leur démocratisation. Si le coût d’achat d’une voiture électrique est estimé entre 25 et 50 % plus cher qu’un véhicule thermique équivalent, son utilisation serait 36 % moins chère.3Face à ce défi, le gouvernement français a mis en place un système de leasing social permettant aux ménages à faibles revenus d’accéder à une voiture électrique fabriquée en Europe, pour 100 € par mois. Victime de son succès, ce programme a dû être suspendu en février 2024, soit deux mois après son lancement. L’idéal de la voiture électrique pour tous semble s’éloigner.
Un outil pour la souveraineté économique
Face aux subventions que Pékin accorde à ses constructeurs, l’Europe et les États-Unis ont déployé des mesures protectionnistes taxant les importations de véhicules électriques chinois. L’objectif de cette augmentation des droits de douane est de donner le temps aux constructeurs de travailler sur leurs coûts et ainsi rester compétitifs dans la bataille commerciale pour l’accessibilité de ces véhicules. Cela devrait également contribuer à accélérer la relocalisation de cette chaîne de valeur, en créant des emplois en Europe, en réduisant la dépendance à l’égard de l’Asie et en réduisant l’impact de la fabrication des véhicules grâce à un mix énergétique moins carboné.
Accessibilité, guerre des prix et effet rebond
Dans un contexte de guerre des prix, certains constructeurs adoptent des techniques de conception qui rendent les réparations économiquement inintéressantes, voire techniquement impossibles. C’est le cas par exemple du « giga-casting », procédé consistant à produire l’équivalent de plusieurs pièces automobiles à partir d’un seul bloc. Ces pratiques, qui mettent à mal la thèse de l’impact environnemental positif de ces véhicules du fait de leur obsolescence programmée, soulèvent des questions sociales liées à l’inflation du coût de l’entretien des véhicules – réparations, assurances… Un coût qui pourrait fragiliser les propriétaires de cette nouvelle génération de véhicules plus accessibles à l’achat. L’absence de normes pour garantir la durabilité des véhicules vendus sur le marché européen risque de conduire à l’adoption généralisée de ces pratiques, créant un modèle de voiture électrique jetable. Une action urgente est nécessaire auprès des régulateurs et des entreprises pour limiter la propagation de ces pratiques néfastes.
Chez LFDE, nous nous efforçons d’accompagner la transition de cette filière, en accompagnant différents acteurs de la chaîne de valeur. Nous analysons en détail les entreprises ciblées – notamment via notre méthodologie propriétaire « Maturité Climat et Biodiversité » – pour nous assurer que leurs externalités environnementales négatives sont maîtrisées et que les enjeux de transition juste sont correctement pris en compte dans leur modèle économique. Ces thématiques, essentielles à la pérennité de leurs modèles économiques, font l’objet d’engagements approfondis, notamment dans le cadre de nos fonds d’impact, afin de favoriser l’adoption de bonnes pratiques.
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1 Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques.
2 Le plan validé lors de l’assemblée générale de 2024 est valorisé à près de 56 milliards de dollars.
3 Pourquoi les voitures électriques coûtent moins cher que les thermiques ? lacentrale.fr 17/06/24.