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La violence, mal endémique d’un hôpital en crise


« Deux heures après la minute de silence pour notre confrère tué à Reims, j’ai été menacé par un patient qui voulait me planter. J’ai déposé plus de plaintes au cours des six derniers mois qu’en dix-sept ans de carrière. « Infirmier aux urgences du centre hospitalier de Péronne (Somme), Antoine Vinchon constate une recrudescence des violences.

Un sentiment partagé par une majorité de soignants et qui fait tristement écho à l’assassinat de Carène Mezino, 37 ans, infirmière au CHU de Reims, victime, le 22 mai, d’un patient atteint de troubles psychiatriques. Ce drame a une fois de plus mis en lumière les risques encourus par les blouses blanches dans l’exercice de leurs fonctions.

« En ce moment, j’appelle la police tous les soirs »

Les chiffres de l’Observatoire national des violences en milieu sanitaire (ONVS), basés sur des déclarations d’incidents, donnent une idée partielle d’un phénomène qui serait sous-estimé. Dans son dernier bilan, 19 328 signalements ont été recensés en 2021, dont 17 756 atteintes aux personnes.

34 550 professionnels ont déclaré avoir été victimes de ces violences aux personnes et aux biens. Des chiffres sensiblement stables par rapport à 2020. Dans huit cas sur dix, les auteurs sont des patients ou leurs proches.

Insultes, menaces de mort, parfois coups semblent être devenus un lot quasi quotidien dans un hôpital public au bord de l’implosion. « En ce moment, j’appelle la police tous les soirssoupire Pierre Schwob, infirmier urgentiste à l’hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine) et vice-président du Collectif inter-urgences (CIU). Avec des temps d’attente qui augmentent, l’augmentation de la violence est stupéfiante. Lorsque certains patients restent attachés vingt-quatre à quarante-huit heures sur une civière, nous devenons aussi la cible des familles. Nous avons lancé le CIU après l’attaque contre des collègues à l’hôpital Saint-Antoine en 2019, mais rien n’a changé. »

Dans ce service, le nombre de passages aux urgences est passé de 25 000 à 35 000 en un an, sans renforts. Idem au centre hospitalier de Péronne, qui comptabilise 18.000 passages, soit deux fois plus qu’en 2006, sans que l’équipe double.

La tension monte « crescendo, non plus seulement les alcooliques et les malades psychiatriques, mais tout le monde »

Des dizaines de lits ont également fermé. Audrey, infirmière, qui travaille dans cette petite structure de la Somme a aussi l’impression que la tension monte « crescendo. Cela ne vient plus seulement des alcooliques et des patients psychiatriques, mais de tout le monde ! Surtout ceux qui attendent longtemps pour des pathologies mineures ».

Le 24 mai, le ministre de la Santé, qui reconnaît « un contexte de violence accrue envers les soignants »a formulé des propositions pour sensibiliser les patients, former le personnel, sécuriser les bâtiments et fluidifier le dépôt des plaintes. « Tout existe déjà, lance Olivier Cammas, secrétaire général de l’Usap-CGT, qui précise que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a perdu 20.000 emplois permanents depuis 2007. C’est sympa de filmer l’entrée de l’hôpital, d’y mettre des vigiles, ce qui compte c’est d’avoir une densité humaine dans les couloirs. »

La semaine dernière, un rapport sur la sécurité des soignants a été remis à la ministre déléguée à l’Aménagement du territoire et aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, dans la lignée des annonces de François Braun.

Pour quelle efficacité ? A l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne (Hauts-de-Seine), début 2023, trois agents ont été agressés au cutter par un patient atteint de pathologies psychiatriques. « Le personnel a été invité à une formation spécialisée extraordinaire qui n’a abouti à rien. Alors qu’ils appelaient des renforts, ils avaient droit à un travail supplémentaire d’agents de sécurité. », précise Olivier Dahuron, soignant et représentant de l’Usap-CGT.

Les jeunes recrues prennent la tangente

Outre la pénurie de médecins en ville et à l’hôpital, la volonté persistante de réduire les coûts (4.300 lits fermés en 2021), le Covid a contribué à exacerber le mal-être, notamment aux urgences où il n’est pas rare d’attendre dix à douze heures avant d’être traité : « C’est très clair depuis la pandémie. Les patients doivent se rendre compte que nous sommes de vraies personnes avec de bas salaires. Nous méritons le respect », raconte Corine, aide-soignante à Saint-Louis et membre du CIU, qui n’hésite pas à avoir un garant quand les soins dégénèrent.

Face à ces tensions, les jeunes recrues, déjà difficiles à retenir, sont tentées de prendre la tangente. « Ceux qui ont été formés pendant le Covid ont été dégradés. Ils sont moins prêts explique Antoine Vinchon, à Péronne.

Pour les acteurs de santé, le drame de Reims en dit aussi long sur l’état catastrophique de la psychiatrie. En 2021, 22,2 % des déclarations à l’ONVS concernaient ce secteur, suivi des unités de soins de longue durée, 12,5 %, et des urgences, 12,2 %.

Laura, infirmière depuis plus de quinze ans en psychiatrie, rappelle que les patients arrivant à l’hôpital « sont plus violents parce qu’ils sont en crise. Il manque une dizaine de psychiatres dans mon établissement. De nombreuses personnes sont relâchées dans la nature et moins suivies qu’avant. Leur accompagnement, qui passe par des relations, s’est détérioré. »

« Choisir une psychiatrie ouverte sur la société, accessible sur tout le territoire »

Faute de ressources humaines, elle s’est retrouvée dans des situations pénibles. « Je travaillais dans un centre médico-psychologique (CMP) où nous n’étions que deux infirmières au lieu de quatre. Pas de psychiatre ni de psychologue. Je me suis enfermé au CMP quand j’étais tout seul. Je laissais également la baie vitrée ouverte pour pouvoir m’échapper si besoin lorsque nous recevions certains patients. »

Selon la CGT, plutôt que de multiplier les unités pour malades difficiles, les vigiles et de stigmatiser les malades, « il appartient au choix d’une psychiatrie ouverte sur la société, accessible sur tout le territoire. Les choix qui nous sont imposés s’opposent à cette vision humaniste ».

Antoine Vinchon souhaite que cela s’applique à l’ensemble du service public de santé : « Nous, soignants, ne sommes pas seulement un levier émotionnel pour argumenter des décisions politiques. On ne peut pas calibrer un hôpital avec le même impératif de rentabilité qu’un hypermarché. »


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Cammile Bussière

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