« La vie meilleure » d’Étienne Kern : professeur d’optimisme
La vie meilleure
par Etienne Kern
Gallimard, 192 p., 19,50 €
Étienne Kern a fait irruption sur la scène littéraire en 2021 avec un joli roman sur la vie d’un inventeur malheureux, celui qui pensait avoir mis au point le parachute en 1912 et qui est tombé du haut de la tour Eiffel. Cette époque, au tournant du XXe siècleet Le siècle semble convenir parfaitement à l’écrivain. C’est en partie celui de son nouveau héros : le pharmacien Émile Coué. Si nous avons tous entendu parler de sa fameuse méthode d’autosuggestion, rares sont ceux qui connaissent sa vie. Ce roman nous fait découvrir, avec stupeur, à quel point elle fut loin d’être joyeuse. Il faut sans doute être bien triste pour chercher à tout prix un remède consolant.
Une affaire de famille
Émile Coué naît en 1857 à Troyes. Il est le fils unique d’Exupère, qui n’est pas dans la fleur de l’âge, employé des chemins de fer et dépressif chronique, qu’il faut suivre au gré de ses affectations. L’argent manque souvent dans ce foyer et, jeune homme, Émile, qui rêve d’étudier la chimie, doit se contenter d’une formation de pharmacien, plus ou moins sur le terrain. Ne manquant pas d’énergie, le jeune homme ambitieux monte rapidement sa propre pharmacie. L’envie de participer à la découverte des nouveaux remèdes de son temps lui vient très tôt puisqu’il publie bientôt un Guide du patient pour les pharmacies, dont les conseils n’étaient pas encore révolutionnaires pour l’époque.
Émile rencontre Lucie, la fille d’un horticulteur de Nancy. Le bonheur pourrait enfin s’immiscer dans cette vie austère. Le jeune homme attend avec impatience l’annonce de son premier enfant. Hélas, déceptions et drames le guettent. Alors qu’Émile vient de se disputer avec son père, il contracte une fièvre mortelle. Pas le temps de se réconcilier, ni même de parler. La culpabilité le ronge. La tristesse s’installe. Quand l’enfant tant attendu arrive enfin, il doit disparaître avant même d’avoir vécu. Lucie se replie sur son chagrin. Son mari se réfugie dans le travail. Là, un petit miracle se produit enfin : pour répondre à la hâte aux injonctions d’une cliente, il lui concocte un produit sans principe actif. La cliente revient enchantée et guérie. Émile Coué vient de découvrir l’effet Placeboce qui lui fait dire : « Avant la guérison, il y a le désir de la guérison.. »
La leçon du bonheur
A Nancy, Coué suit une séance d’hypnose et se lance à son tour dans cette nouvelle thérapie. Et petit à petit, il développe sa propre méthode dont nous pouvons encore bénéficier aujourd’hui : « On veut être bien, on va mal. On veut faire, on ne fait pas. On veut. Tout le problème est là, la volonté nous oppresse, elle nous épuise, elle nous ronge. Vouloir faire, c’est échouer. Plus on veut dormir, moins on dort. Où trouver le sommeil alors ? Émile a la réponse : par l’imagination. Imaginer qu’on est au mieux de sa forme. Imaginer qu’on est exactement là où on veut être.. »
En 1921 paraît le manuel autoédité qui fera de Coué une star. La maîtrise de soi par l’autosuggestion consciente. S’il n’a pas joui longtemps de sa gloire puisqu’il est décédé en 1926, il serait sans doute heureux de savoir à quel point ses intuitions avaient marqué les processus de guérison. La lecture de cette biographie délicate est à la fois une leçon et un plaisir qui nous donne envie de nous replonger au plus vite dans des images de bien-être. À ne pas manquer.
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