La vie difficile des paysans lors de l’élection de leurs députés
Qu’ils produisent du lait de vache, de la viande bovine, des céréales ou des fruits et légumes, les agriculteurs français ont souvent subi d’importantes pertes de revenus ces dernières années, malgré le vote de deux lois Egalim en 2018 et 2021. Auditionnés le 4 juin par une commission d’enquête parlementaire, Michel-Edouard Leclerc a cyniquement revendiqué ce pillage au nom de la défense du pouvoir d’achat des consommateurs.
Alors que nous allons voter les 30 juin et 7 juillet pour élire les députés, la situation économique et sociale reste difficile pour la grande majorité des agriculteurs en France. Le prix de la tonne de blé livrée au port de Rouen pour l’export était de 217 € le 11 juin. Depuis avril 2023, le prix atteint rarement 220 € alors qu’il s’établissait à 280 € quand on prend la moyenne des douze mois précédents. La même tendance baissière a été observée pour le maïs à 205 € la tonne le 11 juin après être tombé sous la barre des 200 € en février et mars. Depuis plus d’un an, la tonne de colza est quasiment toujours sous la barre des 500 €, la cotation au 11 juin étant de 468 € contre plus de 800 € en moyenne entre décembre 2022 et mai 2023.
Les 1 000 litres de lait de vache étaient payés 463,92 € en mars 2024 dans les pays membres de l’Union européenne, soit 7,7 % de moins qu’en mars 2023. En France, ce prix moyen était de 465,70 €. Lorsque les vaches laitières de réforme arrivent à l’abattoir à la fin du printemps 2024, le prix du kilo de carcasse payé au producteur de lait est de 4,35 € en moyenne, contre 4,50 € en juin 2023 et 4,80 € en juin 2022.
Quand les distributeurs contournent les lois Egalim
Dans l’éditorial publié « La France agricole » du 14 juin en page 9, Eric Roussel a analysé les conclusions d’une récente rencontre entre Emmanuel Besnier, PDG de la société laitière Lactalis, ainsi que Jean-Paul Bigard, PDG du groupe Bigard qui commercialise de la viande, avec des députés de la commission de enquête sur la perte de souveraineté alimentaire de la France. Ces deux patrons de l’agroalimentaire sont les plus gros fournisseurs d’enseignes comme Auchan, Carrefour, Casino, Intermarché, Leclerc, Système U et quelques autres. Il est donc plus difficile de se tordre le bras que pour les patrons de PME de ce même secteur au moment de la négociation annuelle sur les volumes et les prix des produits référencés depuis douze mois en magasin. Tous deux ont néanmoins indiqué que les marques « sont capables de modifier leur cahier des charges pour passer d’une matière première française à une origine européenne pour des raisons de prix. Ils échappent ainsi à l’application des lois Egalim et, pour Emmanuel Besnier comme pour Jean-Paul Bigard, c’est un point que devraient garder à l’esprit les parlementaires lorsqu’il s’agissait avant la dissolution de l’Assemblée nationale d’ajouter un épisode aux lois Egalim. saga », écrit Eric Roussel.
Michel-Edouard Leclerc avait, en 2007, obtenu du nouveau président de la République Nicolas Sarkozy qu’il modifie la législation française afin de permettre aux enseignes de la grande distribution de payer moins cher leurs fournisseurs, à commencer par les agriculteurs qui produisent les matières premières. . Sarkozy avait mis en place une Commission présidée par Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand à l’Elysée. Le rapport final de cette commission a été rédigé par l’énarque Emmanuel Macron qui a osé écrire dans ce rapport que « la revente à perte n’est généralement qu’un prix de collusion entre certains producteurs et certaines grandes surfaces ».
Le cynisme assumé de Michel-Edouard Leclerc
À la page 19, « La France agricole » du 14 juin informe ses lecteurs que Michel-Edouard Leclerc a été « entendu le 4 juin par une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Interrogé sur les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France, il a notamment justifié la création, avec d’autres distributeurs européens, d’une centrale d’achat basée en Belgique par ces mots : « Nous avons créé nos alliances avant la loi Egalim, alors ne parlons pas d’évasion. Notre modèle économique nous permet d’être moins chers. Les pouvoirs publics parfois, et les parlementaires parfois aussi, nous permettent de vendre moins cher, mais sans nous donner la possibilité d’acheter au meilleur prix. Le passage par l’Europe a donc été une bouffée d’oxygène. il ajouta.
Quitte à ruiner peu à peu ceux qui travaillent dur pour produire du lait, de la viande, des céréales mais aussi des fruits et légumes, Michel-Edouard Leclerc a donc gardé la même stratégie depuis la rédaction par Emmanuel Macron du rapport de la commission Attali pour servir la stratégie de un pillage en amont par les distributeurs malgré le vote de deux lois Egalim en 2018 et 2021 par lesquelles le Président de la République promettait aux agriculteurs de prendre en compte l’évolution des coûts de production dans la formation des prix lors d’un discours prononcé à Rungis le 11 octobre 2017.
Rappelez-vous la loi Chassaigne lors du vote
Enfin, la seule mesure positive pour les agriculteurs depuis 2017 a été le vote en décembre 2021 du texte de loi porté depuis cinq ans par André Chassaigne, député communiste du Puy-de-Dôme et président du groupe de la Gauche démocratique et sociale. Par deux recours successifs à ce que l’on appelle la procédure de niche parlementaire, il a pu débattre puis faire voter une loi qui améliore les retraites des paysans de plus de 20 %. Celle des chefs d’exploitation est portée à 85 % du Smic, dès lors qu’ils occupent ce poste depuis 17,5 ans. Ceux des conjoints collaborateurs et des aidants familiaux ont également augmenté de manière significative. Ceci justifie également un vote « Front populaire » dans les campagnes lors des prochaines élections des députés les 30 juin et 7 juillet.