La vie de Nelly (5/6) : tendre la main
Benjamin Illy vous raconte « la vie de Nelly », 73 ans, modeste retraitée à Saint-Denis et fan absolue de Johnny Hallyday. Mais Nelly est bien plus que cela. A travers elle, un bout de France se dessine, avec des rires, des larmes, du rock’n’roll et de Laura Smet.
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Tôt le matin à Saint-Denis. Je retrouve Nelly en pleine discussion avec Hassan, un de ses amis. Rien de préparé évidemment. Hassan est un ancien collègue de Nelly aux Restos du coeur. Sans rien demander, il veut témoigner : « Grâce à elle, je suis aussi devenue bénévole », mais Hassan en était au départ bénéficiaire, même s’il avait du mal à demander de l’aide. Là encore, Nelly lui tend la main, et le convainc de se tourner vers les Restaurants : « Grâce à elle ! », « aucun problème mon chéri ! »répond Nelly.
Allons-y. Direction les Restaurants du cœur de Saint-Denis, où Nelly a fait du bénévolat pendant sept ans. Elle aussi en était bénéficiaire : « Je n’ai pas honte de le dire ! » Ici, nous servons plus de 900 repas par semaine. Toujours plus de repas. Et pas assez de dons pour répondre aux besoins. Toujours plus de retraités, d’étudiants, de réfugiés qui ont besoin d’être aidés. Les anciens camarades de Nelly lui ont organisé un comité d’accueil avec des câlins chaleureux et des mots doux : « Tu nous manques », « on a toujours ton badge », « on l’appelle maman ». Nostalgique. Et bien sûr, Nelly leur a chanté Johnny.
Nelly a pris du recul, elle a quitté les Restaurants il y a un an. Les bénévoles autour de lui comprennent sa décision. Même eux, quand il n’y a plus rien à donner, ont « Le moral vacille ». Nelly parle aussi du manque de reconnaissance de la part de certains bénéficiaires qui ne disent même plus « Bonjour » Ou « MERCI ». Fati, la bénévole, nuance : « Il y a ceux qui ne peuvent pas accepter de devoir venir au restaurant », « nous prenons sur nous et nous essayons d’être gentils avec les gens ».
« Pour travailler aux Restos du cœur, il faut avoir un meilleur caractère qu’un visage !
Nelly a du caractère, c’est sûr, et n’a certainement pas renoncé à tendre la main aux plus démunis. Elle s’est tournée vers une autre association de Saint-Denis, Marhaba, ce qui signifie « Accueillir ». L’association a notamment mis en place une épicerie solidaire et c’est Nelly qui tient la caisse. Dans cette structure plus petite, Nelly se sent mieux : moins de pression, et la possibilité d’avoir un véritable échange avec les bénéficiaires. Surtout, elle s’est fait une amie, Souad, la fondatrice de Marhaba. « Une tornade », comme elle se définit. Une deuxième Nelly. Souad porte son association à bout de bras, mais défend fièrement son credo : « Donner une chance à chacun »sa France : « C’est la fraternité et la gentillesse. »
Avant de partir, Nelly m’a dit « appelez-moi ». J’obéis. La sonnerie est Retiens la nuit de Johnny. Nous ne pouvions pas partir sans lui.