La variole du singe : l’OMS prête à donner l’alerte
Face à l’épidémie de Mpox ou variole du singe, actuellement en cours dans plusieurs pays africains, le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé dimanche 4 août son intention de réunir dans les prochains jours un comité d’experts pour déclarer « urgence internationale »l’alerte la plus élevée que l’agence des Nations Unies puisse émettre en termes de contrôle et de prévention des maladies.
Un scénario que la planète avait déjà connu entre juillet 2022 et mai 2023 suite à la propagation – alors appelée « extraordinaire » – du virus dans plus de 75 pays, dont la France, et qui pourrait réapparaître aujourd’hui. En cause, l’infection qui a déjà touché plus de 11 000 personnes, dont 450 sont mortes en République démocratique du Congo (RDC) et s’est depuis propagée dans les pays environnants – Rwanda, Burundi, Ouganda, Kenya – où quelques cas sporadiques ont été signalés fin juillet et début août.
Un virus transmis des animaux aux humains
Bien qu’il prenne le risque au sérieux, Antoine Gessain, professeur à l’Institut Pasteur et l’un des rares spécialistes de cette zoonose émergente – une maladie transmise à l’origine de l’animal à l’homme -, déconseille toute inquiétude excessive. « Pour le moment, on ne sait pas vraiment si le grand nombre de cas signalés en RDC est dû à une flambée épidémique, à une capacité accrue des autorités sanitaires à diagnostiquer et enregistrer les patients ou à une combinaison des deux. De plus, il n’a pas encore été démontré scientifiquement que le nouveau variant – Clade Ib – est plus virulent et plus mortel que le précédent. »il explique.
Apparenté à la variole, le virus Mpox a été isolé pour la première fois en 1958 dans une colonie de singes de laboratoire au Danemark, d’où son nom commun « variole du singe ». Mais ce n’est qu’en 1970 qu’elle a été découverte pour la première fois chez l’homme, en RDC, foyer historique et endémique de la maladie. « Le réservoir animal d’origine n’est pas connu, mais on pense que ce n’était pas un singe, mais un écureuil des forêts d’Afrique centrale et occidentale qui a transmis le virus à l’homme par contact. »rappelle Antoine Gessain.
Durant plusieurs décennies, ces régions connaîtront plusieurs foyers épidémiques localisés qui finiront par se résorber d’eux-mêmes. « Dans sa forme classique, le Mpox provoque de la fièvre, des ganglions lymphatiques enflés et des éruptions cutanées qui ne sont normalement pas graves si les symptômes sont correctement gérés. »poursuit le spécialiste.
Tout change en 2022 lorsque le virus quitte son berceau africain pour se propager dans le monde entier, provoquant 100 000 maladies et 150 décès en deux ans, les plus touchés étant les hommes homosexuels ayant de multiples partenaires. Ce qui conduit l’OMS à déclarer pour la première fois « urgence internationale ».
En France, une maladie qui circule silencieusement
Dans les pays développés comme la France, c’est une mobilisation générale. « Grâce aux traitements antiviraux, à la prévention par la vaccination et à l’isolement des patients, la vague épidémique sera maîtrisée en quelques mois, même si le virus continue de circuler discrètement : depuis le début de l’année, Santé publique France a recensé 107 cas, dont aucun mortel. »il se souvient.
L’Afrique, de son côté, est à nouveau confrontée à une menace de grande ampleur. Un risque qu’Antoine Gessain nous invite, là encore, à replacer dans son contexte. « Le nombre de victimes en RDC est certes important, mais une grande partie des décès est causée moins par la virulence du virus que par les surinfections des lésions cutanées qu’il provoque et la fragilité des populations les plus à risque, les enfants mais aussi les homosexuels déjà atteints du sida, le tout dans des pays où les systèmes de santé sont largement sous-équipés pour prendre en charge correctement les malades. »il souligne.
Comment alors comprendre l’avertissement lancé par l’OMS ? « C’est d’abord un appel à la mobilisation générale de la communauté internationale pour aider l’Afrique. Déclarer l’urgence, c’est lever des fonds, envoyer des missions, des médicaments et des vaccins, consolider les réseaux de collecte de données et d’information. Bref, soutenir les acteurs locaux de santé publique qui, pour l’instant, bénéficient surtout du soutien des ONG pour faire face au problème, décrypte Antoine Gessain. Mais c’est probablement aussi un message dicté par la prudence car personne n’est en mesure de prédire ce qui pourrait arriver. »