Est-ce parce que le Covid ne leur fait plus peur ou parce qu’ils en ont assez des injections ? Sur les 17 millions de Français invités à se faire vacciner contre les infections respiratoires, seuls deux millions ont reçu une injection, selon les chiffres communiqués la semaine dernière par le ministère de la Santé. C’est deux fois moins qu’à la même période en 2023, année où les taux de vaccination n’étaient déjà pas très élevés : à peine 30 % chez les 65 ans et plus, cible prioritaire.
Pourquoi un tel désintérêt ? Selon une étude de Santé publique France publiée au printemps dernier, cette baisse ne doit pas être attribuée à une méfiance de la population à l’égard des vaccins en général, mais à l’égard de ceux ciblant le Covid en particulier. Ainsi, 29 % des Français de 18 à 75 ans résidant en France métropolitaine y sont opposés, contre seulement 6 % pour le vaccin antigrippal ou 4 % pour celui protégeant contre le papillomavirus.
Des femmes enceintes hésitantes
« Une certaine méfiance persiste, confirme Fabien Dutet, pharmacien en Mayenne. Certains clients ont des doutes sur l’efficacité du produit, d’autres craignent qu’il soit dangereux. Il y a aussi ceux qui disent qu’ils ne veulent pas nourrir le « machine à sous» de l’industrie pharmaceutique… »
Depuis 2020, année record pour la vaccination contre le Covid et la grippe, le pharmacien voit la demande diminuer d’année en année. « Je pense que nous aurons vacciné 20 % de l’objectif d’ici fin 2024, contre 23 ou 24 % l’an dernier. Pour la grippe, cela devrait être autour de 45 %, soit des taux proches de ceux de 2019, avant la pandémie. »
Depuis 2022, l’injection, gratuite en pharmacie et chez le médecin généraliste, peut être combinée avec celle contre la grippe saisonnière, évitant ainsi de devoir voyager deux fois. Axée principalement sur les personnes vulnérables et les aînés, la campagne s’adresse également aux femmes enceintes. Mais ce dernier « il n’y a plus beaucoup de gens qui veulent se faire vacciner »note Adeline Duranthon, sage-femme dans l’Allier. « Elles ont entendu beaucoup de retours négatifs et on leur propose déjà d’autres vaccins pendant la grossesse, notamment contre la grippe et coqueluche. »
Pour Fleur, dont le deuxième enfant doit arriver dans les tous premiers jours de 2025, c’est un vaccin de trop. « Je ne suis pas anti-vax, loin de làprécise-t-elle d’emblée. Je me suis fait vacciner contre la grippe, parce que je le fais depuis deux ans et j’en garde de très mauvais souvenirs. J’ai aussi tout fait nouveau vaccin contre la bronchiolite (recommandé depuis juin pour protéger le nouveau-né dans les premiers mois de la vie, NDLR). Mais Covid, je me sentais moins menacé. Et puis j’habite à la montagne, je ne prends pas les transports bondés tous les matins. »
Un séjour à Paris pendant la Toussaint le fait changer d’avis. «Tous ces gens, ça m’a fait peur. J’ai fini par entrer dans une pharmacie, presque sur un coup de tête. Et je ne l’ai pas regretté, car depuis, j’ai rencontré beaucoup de malades. Ce n’était pas si superflu. » Son compagnon lui emboîtera le pas.
« Il n’est pas trop tard! » »
A moins de trois semaines de Noël, le manque d’enthousiasme des Français pour la vaccination inquiète les autorités. « Il n’est pas trop tard! » « , ils répètent. Si Fabien Dutet ne s’attend pas à un raz-de-marée, il dit ressentir un léger tremblement. « Un pic de Covid et de grippe a été annoncé dans les médias ce week-end, en général, cela remobilise. »
Pour le moment, l’épidémie est toujours à un niveau faible et stable, selon Santé Publique France. Parmi les patients vus par le médecin généraliste pour une infection respiratoire aiguë entre le 25 novembre et le 1er décembre, le taux d’incidence du Covid est estimé à 21 cas pour 100 000 habitants. Sur cette même période, 321 personnes positives au Covid ont été hospitalisées, soit 0,5% des hospitalisations. La maladie représentait 1,4% des décès à l’hôpital.