La TVA a 70 ans : à quoi ressemblerait la France sans cette taxe ?
Par Raphaël Lardeur
Publié le
10 avril 24 à 18h30
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La France fête les 70 ans de la TVA. Cocorico. Créée en 1954, la taxe sur la valeur ajoutée reste un système de importance capitale dans l’économie du pays. Cet impôt indirect représente près de 37,5% des recettes fiscales brutes du budget général de l’État, selon l’Insee en 2023. Soit environ 202 milliards d’euros. Autrement dit, une somme colossale.
Que se passerait-il si, un beau jour, la France se retrouvait sans cet impôt magique ? Pour répondre à cela scénario d’économie de fictionPhilippe Légé, professeur d’économie à l’ISST (Institut des sciences sociales du travail) de l’Université Paris 1, a pris part au jeu. Et spoiler : privé de son principal revenu, le système français serait beaucoup moins solidaire.
Adieu universités et hôpitaux gratuits
Difficile de savoir concrètement où finiront les quelques centimes payés pour l’achat d’une banane. « Par principe constitutionnel, cet impôt n’est pas particulièrement concerné », rétorque l’économiste à actu.frauteur de Pensez à l’alternative(2024, Fayard).
Ce que l’on sait cependant, c’est qu’une partie de cette taxe est affectée à organismes de sécurité sociale et à fonctionnement des autorités locales. Pour le reste, impossible de déterminer où va l’argent des contribuables.
Cependant, « l’État doit faire fonctionner l’ensemble de ses services publics », il explique. Hôpitaux, universités, police et pompiers… « Il faut payer tous les salaires des fonctionnaires », poursuit Philippe Légé. Et les Français bénéficient de tous ses services (presque) gratuitement. Ce qui n’est pas le cas dans tous les pays.
Aux États-Unis, par exemple, de nombreux Américains aux revenus modestes paient leurs factures. plusieurs milliers de dollars à la sortie de l’hôpital. Outre-Atlantique, payer une mutuelle au prix exorbitant : c’est presque une obligation. Sans TVA donc moins de solidarité. « Une véritable catastrophe », résume Philippe Légé.
Le portefeuille français est plus léger
Mais au niveau du porte-monnaie français, que serait la suppression de ce fameux changement fiscal ? Une économie de 370 euros en moyenne par moissoit 4 440 euros pendant l’année.
Cette somme a été calculée par les économistes Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez dans Pour une révolution fiscale, un impôt sur le revenu pour le 21ème siècle (2010, Édition Seuil). Cela vous semble énorme ? Selon Philippe Légé, ce ne serait rien comparé à « les bénéfices que la taxe apporte à la société », comme nous l’avons vu ci-dessus.
En fait, il faut comprendre que cette taxe de 20% est partout. Omniprésent et invisible, ce impôt neutre (comprendre, qui ne varie jamais) inventé par Maurice Lauré est « considéré comme un atout décisif pour la modernisation et le développement de l’économie française », commente l’Etat.
Pendant achatsça crie.
- LE produits alimentaires et boissons. Une boîte de maïs ? 5,5% sur un produit conditionné dans un contenant permettant sa conservation. Vous allez au restaurant ? 10% de TVA. L’État prélève 20 % sur les ventes de boissons alcoolisées, quel que soit le mode de consommation.
- LE produits cosmétiques (crème de jour, crème de nuit, etc.) et d’hygiène (savon, shampoing, etc.) sont soumis à la TVA à 20 %.
- LE drogues utilisés en médecine humaine qui ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale sont soumis à la TVA à 10 %. Et c’est 2,1 % pour les médicaments « nécessitant une autorisation temporaire d’utilisation ».
- LE services d’hébergement fournis dans un hôtel classé tourisme ou dans un village de vacances classés ou agréés sont soumis à 10% TVA. Même tarif si vous souhaitez faire du camping : dix%.
Sans le savoir, la TVA nous traque, nous suit. « C’est la force de cette taxe, avec le temps, elle est devenue invisible », poursuit l’économiste.
Quel est le problème avec la taxe ?
Souvent critiquée, la TVA contribue au sentiment d’injustice fiscale. Car en réalité, cela pèse plus lourd chez les ménages les plus modestes.
C’est assez simple à comprendre. Le tarif est indifférencié, 20% en règle générale, quel que soit le lieu, quelle que soit la localisation. Les ménages les plus modestes, qui ne peuvent pas épargner et sont contraints de consommer pour se nourrir et sortir, paieront cet impôt sur la totalité de leurs revenus.
Les ménages les plus riches pourront épargner leur argent et donc échapper proportionnellement à l’impôt. « La TVA, du point de vue des inégalités, est régressive, elle tend à accroître les inégalités », résume Philippe Légé à actu.fr.
En revanche, nuance l’économiste, l’argent collecté par le TVA contribue aussi à réduire les inégalités. En effet, comme dit précédemment, il contribue à hauteur de plus de 37% au paiement des services publics, gratuits pour les contribuables.
En aucun cas, nous ne pouvons supprimer la TVA
Et de toute façon, La TVA ne peut pas être supprimée, à moins d’un renversement du pouvoir, d’un changement de constitution ou d’un Frexit. Les règles viennent d’en haut ; d’Europe. Une directive européenne impose à ses membres d’avoir un seuil minimum de TVA qui ne peut être inférieur à 15 %.
La fiscalité indirecte étant une prérogative de l’Union européenne, les règles sont les suivantes depuis 1993. La raison ? « Pour que les régimes fiscaux ne soient pas trop hétérogènes », développe Philippe Légé.
En fait, c’est possibilité d’ajuster le taux de TVA de quelques points. Mais nous avons besoin de l’accord unanime de tous les membres de l’Union européenne. « Autant dire que c’est difficile, et que d’autres Etats peuvent demander des compensations. » En France, la TVA, il va falloir s’y habituer. On se retrouve pour le centenaire ?
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