la Turquie restreint ses exportations vers l’Etat hébreu
La guerre entre Israël et le Hamas met à mal la normalisation des relations turco-israéliennes, entamée en 2022 après des années de tensions. En réponse à la colère croissante de la population turque contre le maintien de relations commerciales avec Israël, Ankara a décidé mardi 9 avril de restreindre les exportations vers Israël de nombreux biens.
« Cette décision restera en vigueur jusqu’à ce qu’Israël déclare un cessez-le-feu immédiat et autorise la poursuite de l’accès humanitaire à Gaza », a écrit le ministère turc du Commerce dans un communiqué. La restriction concerne cinquante-quatre produits, dont de nombreux matériaux de construction en acier, fer ou aluminium, ainsi que le carburant aviation. Le ministère précise que « la vente de produits ou services susceptibles d’être utilisés à des fins militaires par Israël » n’était plus autorisé » depuis longtemps « .
Cette annonce intervient après qu’Ankara a annoncé lundi qu’Israël avait bloqué une demande turque d’abandon de l’aide humanitaire à Gaza. « Il n’y a aucune excuse pour qu’Israël bloque notre tentative de parachuter de l’aide aux Gazaouis affamés »a déclaré Hakan Fidan, le ministre turc des Affaires étrangères, en annonçant l’imminence de« une série de nouvelles mesures contre Israël ».
« Nous continuerons à soutenir (les Palestiniens) jusqu’à ce que l’effusion de sang cesse à Gaza et que nos frères palestiniens parviennent à un État palestinien libre avec Jérusalem-Est pour capitale. »a déclaré mardi le président turc Recep Tayyip Erdogan dans un message à l’occasion de l’Aïd-el-Fitr, qui marquera mercredi la fin du mois de Ramadan.
« La Turquie viole unilatéralement les accords commerciaux avec Israël et Israël prendra toutes les mesures nécessaires en réponse » à cette décision, a prévenu le ministère israélien des Affaires étrangères dans un communiqué.
Les exportations de la Turquie vers Israël se sont élevées à 5,43 milliards de dollars en 2023, contre 7,03 milliards de dollars en 2022 et 6,36 milliards de dollars en 2021, selon l’Union des exportateurs turcs et l’agence de statistiques Turkstat.
La colère à l’origine de la débâcle de l’AKP en mars
Le président turc est l’une des voix les plus critiques à l’égard de la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza ; il a qualifié à plusieurs reprises Israël de« État terroriste ». M. Erdogan, qui a rappelé début novembre l’ambassadeur de Turquie en Israël, a toutefois jugé impossible de « casser complètement » avec Tel-Aviv.
Mais les critiques se sont intensifiées en Turquie ces dernières semaines contre la poursuite des échanges commerciaux avec Israël. Selon les analystes, cette colère a contribué à la débâcle historique du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan lors des élections municipales de mars. Un parti islamiste turc, Yeniden Refah, a fait une percée lors de ces élections locales en misant sur ce thème, remportant deux provinces, Sanliurfa et Yozgat, jusqu’alors dirigées par l’AKP.
Des manifestations dénonçant la poursuite des relations commerciales avec Israël ont eu lieu ces derniers jours dans plusieurs villes turques, dont une samedi sur l’une des principales artères d’Istanbul. La dispersion violente de cette manifestation a suscité une grande émotion. Les images diffusées par les médias locaux, montrant un policier giflant un manifestant, ont été vivement critiquées par l’opposition turque.