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« La Tunisie est embourbée dans l’autoritarisme le plus ignoble, le plus bas, le plus kafkaïen »

LLe 6 octobre 2024 aura lieu une élection présidentielle en Tunisie. Alors que la réélection du président semble outrageusement planifiée, nous, personnalités, défenseurs des droits de l’homme, intellectuels et militants, condamnons le retour de l’autoritarisme et l’étouffement des voix dissidentes en Tunisie. Réunis au sein d’un nouveau comité international de soutien aux libertés en Tunisie, nous alertons sur la gravité des atteintes à la démocratie.

Nous rappelons vivement au Président tunisien, Kaïs Saïed, qu’il est tenu de respecter la dignité des citoyens et de garantir des élections libres, transparentes et pluralistes. Nous proclamons notre solidarité sans faille avec ceux qui s’opposent à lui, bien souvent au prix de leur liberté. Nous exprimons avant tout notre indignation face à l’indifférence des démocraties occidentales quant au sort de la Tunisie.

Personne ne peut cependant se faire d’illusions sur la nature du régime de Kaïs Saïed. En trois ans, les derniers espoirs de « transition démocratique » ont disparu. Le pays qui, en 2010, a initié un mouvement révolutionnaire dans tout le monde arabe est aujourd’hui embourbé dans l’autoritarisme le plus ignoble, le plus bas, le plus kafkaïen. Pour Kaïs Saïed – constitutionnaliste devenu apprenti dictateur en 2021 – aucun espace de contestation ne devrait exister. Et certainement pas à l’approche de l’élection présidentielle.

L’État policier de Kaïs Saïed

Parmi les quinze candidats qui se sont présentés à lui, deux seulement ont vu leur dossier accepté par « l’Instance supérieure indépendante pour les élections ». Le premier, Ayachi Zammel, a été arrêté après avoir résisté aux pressions et inculpé devant cinq tribunaux différents pour falsification de parrainage. Ses auditions se tiennent actuellement, parfois simultanément. Moins d’une semaine avant les élections, il a été condamné à douze ans de prison. Le second, Zouhair Maghzaoui, est un nationaliste arabe qui a soutenu le coup d’État de Kaïs Saïed. Il sert aujourd’hui d’alibi et de repoussoir démocratique, une formule – le candidat fictif – bien connue en Tunisie car déjà pratiquée sous l’ancien président dictateur Ben Ali.

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Dans le même temps, des centaines d’opposants, magistrats, journalistes, militants et défenseurs des droits humains sont harcelés, poursuivis et emprisonnés. Le pouvoir judiciaire, désormais à la solde du président, utilise tous les moyens pour poursuivre les délits d’opinion. En 2023, au moins soixante personnes ont été poursuivies sur la base du décret-loi n° 54 de 2022 sur la cybercriminalité. C’est le cas par exemple de l’avocate Sonia Dahmani, condamnée à un an de prison pour avoir dénoncé sur un plateau de télévision les mauvais traitements subis par les migrants subsahariens.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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