La trêve olympique terminée, Emmanuel Macron nommera-t-il un Premier ministre à la mi-août ?
Le président de la République n’a toujours pas pris de décision sur le successeur de Gabriel Attal à Matignon. Maintenant que les Jeux olympiques sont terminés, la gauche entend remettre la pression, espérant toujours obtenir la nomination de Lucie Castets.
L’unanimité ne dure jamais très longtemps en politique. Quelques heures seulement après la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris, le dimanche 11 août, nous avons vu « Trêve olympique » Un gouvernement décrété par Emmanuel Macron pour briser le blocus. Plus d’un mois après le second tour des législatives du 7 juillet, le président de la République n’a toujours pas nommé de nouveau Premier ministre. Durement sanctionnés dans les urnes, les députés macronistes ne sont désormais que le deuxième groupe à l’Assemblée nationale, derrière les 193 élus du Nouveau Front populaire (NFP).
L’hypothèse Lucie Castets, désignée le 23 juillet comme candidate de la coalition de gauche pour Matignon, a été aussitôt balayée par le chef de l’État avant les Jeux. Désormais en vacances au fort de Brégançon (Var), Emmanuel Macron poursuit les consultations. Les rumeurs fusent, mais rien ne filtre. Officiellement, le président de la République attend toujours une coalition, réunissant les « « les forces politiques se reconnaissent dans les institutions républicaines »se dessine. Certains espèrent encore une coalition allant du PS aux LR, mais cette option est toujours rejetée par les socialistes, qui n’entendent pas, à ce stade, quitter le NFP.
Cinq semaines après l’appel du chef de l’Etat aux partis, sa stratégie n’a rien donné et il ne lui reste plus qu’à espérer qu’un climat de concorde nationale gagne la classe politique. « Les Jeux Olympiques sont la démonstration que la France, lorsqu’elle se rassemble, peut faire de grandes choses »il a plaidé avec L’équipe dans une interview publiée lundi. « Il y a trois ans, le maire de Paris (Anne Hidalgo)le président de la région Ile-de-France (Valérie Pécresse) et moi étions en compétition pour l’élection présidentielle. Et pourtant, nous avons travaillé ensemble. »a souligné le président de la République.
Certains dans le camp présidentiel espèrent une décision rapide, dès la semaine du 19 août. D’autres plaident pour un peu plus de temps. « Nous sommes dans un nouveau contexte politique, où nous devons apprendre à travailler ensemble »souligne la porte-parole du gouvernement démissionnaire, Prisca Thevenot, à franceinfo. « C’est normal que cela prenne du temps, même si nous sommes habitués à un temps politique rythmé par les urgences »elle explique, rappelant que « dans d’autres pays européens (comme l’Allemagne ou l’Espagne)« Former des coalitions prend du temps ».
Le président de la République, qui joue depuis plus d’un mois le « maître des horloges », ne pourra pas laisser la situation traîner indéfiniment, préviennent certains de ses partisans. Le prochain gouvernement devra par exemple travailler en urgence sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui doit être présenté au Parlement avant le 1er octobre, tout en transmettant un plan à la Commission européenne avant le 20 septembre après l’ouverture d’un délit de déficit excessif.
« Il ne faut pas jouer la montre, ce serait incompréhensible pour les Français »a jugé le sénateur macroniste François Patriat à parisien Mardi. « Tout le temps passé à chercher un accord entre les parties est du temps perdu »a estimé pour sa part le président du MoDem, François Bayrou, à la MondeLe maire de Pau veut mettre en place un gouvernement « représentant des nuances de l’Assemblée ».
Face à l’attentisme de l’Elysée, la gauche espère toujours pouvoir imposer Lucie Castets à Matignon. La haute fonctionnaire de 37 ans a adressé lundi une lettre à tous les parlementaires, « sauf le Rassemblement national »son entourage a confié à franceinfo, détailler les priorités de son mandat si elle devenait Première ministre. Une manière de montrer « Une fois les Jeux Olympiques terminés »l’économiste « est au travail, pour présenter un projet qui répond aux urgences », ajoute la même source.
Celle dont le nom a fini par mettre d’accord les quatre composantes du NFP, au premier rang desquelles le PS et La France Insoumise, peut compter sur le soutien d’élus de gauche. Plusieurs d’entre eux, comme le député Alexis Corbière, ont ainsi appelé Emmanuel Macron à nommer Lucie Castets, jugeant « qu’il n’avait plus de prétexte » des Jeux Olympiques, dans un message publié lundi sur le réseau social X. « Emmanuel Macron n’a pas le choix, nous sommes dans une situation de cohabitation inédite »estime le député Génération S, Benjamin Lucas, auprès de franceinfo. Le porte-parole du groupe écologiste à l’Assemblée considère que la gauche est la plus légitime pour former un gouvernement.
« Dans un moment de confusion politique, avec une situation qui n’est prévue nulle part, il faut respecter les principes : c’est la force qui sort en tête qui doit former un gouvernement et essayer, texte par texte, de gagner des majorités. »
Benjamin Lucas, député vertà franceinfo
Alors que le chef de l’Etat ne semble pas plus enclin qu’il y a un mois à changer de position en affirmant qu’aucune majorité ne se dessine, la gauche dispose de peu d’outils pour maintenir la pression. Lucie Castets doit faire plusieurs apparitions médiatiques dans les prochains jours et participera aux universités d’été des quatre principales composantes du PFN.
Alors que la session parlementaire n’aura pas lieu avant septembre (au plus tard le 1er octobre), les élus de gauche entendent mener la bataille sur les réseaux sociaux et dans les médias pour « Maintenez la pression et refusez-le » (à Emmanuel Macron) le droit de choisir le Premier ministre comme s’il avait la majorité absolue »prévient Benjamin Lucas. Certains, comme la députée LFI Gabrielle Cathala, n’hésitent pas à qualifier le chef de l’Etat « autocrate » sur X. Un terme que l’entourage de Lucie Castets se garde bien d’utiliser, tout en estimant que « si Emmanuel Macron cSi nous continuons à faire la sourde oreille, la question du respect du vote des citoyens se posera. »
Un argument rejeté par le camp macroniste qui rappelle que, selon la Constitution, le chef de l’Etat est seul à décider du nom du futur Premier ministre. « Ne pas voler le vote c’est le respecter et l’entendrerépond Prisca Thevenot. Il n’y a pas eu de vainqueur à ces élections, nous avons trois blocs représentés à l’Assemblée nationale et aucun d’entre eux n’a de majorité. Il faut maintenant construire des pactes politiques pour agir ». La droite, par la voix de Laurent Wauquiez, a proposé une « pacte législatif » au camp macroniste en juillet. Mais, même alliés, les deux camps seront très loin d’une majorité absolue au Palais-Bourbon.
Conscient de cette réalité mathématique, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a adressé mardi une lettre proposant aux dirigeants des forces politiques, hormis le RN et LFI, une « pacte d’action » se concentrant sur quelques mesures majeures. Le nouveau président du groupe Renaissance à l’Assemblée a déclaré « disponible » pour une collaboration sans « effacer nos différences et nos désaccords »mais en eux « dépassement »C’est aussi ce que réclament depuis longtemps Edouard Philippe et son groupe Horizons. Mais la proposition a peu de chances d’aboutir.
Toutefois, sans hypothétique coalition, le futur Premier ministre risque d’être très vite censuré par une majorité de députés. « Nous devrons utiliser tous les leviers juridiques à notre dispositiondit Benjamin Lucas. DDans une démocratie mature et fonctionnant normalement, la question de la destitution du président se poserait, car il bloque les institutions pour s’emparer du pouvoir.