La Tour Eiffel, un monument historique ? Un dossier toujours pas clos
La tour la plus célèbre du monde est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991 mais n’est toujours pas classée monument historique. Un feuilleton sans fin sur fond de rivalité politique entre Rachida Dati et Anne Hidalgo.
Publié le 9 octobre 2024 à 18h03
Dans une entrevue à parisien Le 8 octobre, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a annoncé les principaux projets de son groupe d’opposition Changer Paris en vue du conseil de Paris. Entre autres, sa ferme intention de faire classer la Tour Eiffel aux monuments historiques, à ce jour seulement inscrite à l’inventaire. Une volonté déjà évoquée à plusieurs reprises par la ministre, récemment confirmée dans son poste au sein du gouvernement Barnier. Le problème, c’est que Sète (la société exploitante de la Tour Eiffel), dont l’actionnaire majoritaire à 99 % est la Mairie de Paris – et donc Anne Hidalgo –, y est ardemment opposée.
Étonnamment, la tour la plus célèbre du monde, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991, n’est toujours pas classée. Il existe deux niveaux de protection pour les monuments historiques, les bâtiments, les espaces ou les objets protégés en raison de leur intérêt patrimonial : l’inscription et le classement. Les bâtiments dont l’intérêt historique ou artistique rend souhaitable leur conservation sont inscrits à l’inventaire. Le classement, niveau de protection le plus élevé, met l’accent sur la dimension d’intérêt public de l’œuvre. L’État subventionne alors 30 à 40 % des travaux contre 15 à 20 % pour une personne inscrite.
Une bataille d’égos
Si l’on replonge dans l’histoire de la Dame de fer, sa protection intervient en 1964 lorsqu’André Malraux, ministre chargé des Affaires culturelles, intègre pour la première fois les notions d’inscription et de classement aux Monuments Historiques. La Tour Eiffel a été construite entre 1887 et 1889 par Gustave Eiffel pour l’Exposition universelle. En 1964, elle était encore considérée comme une œuvre emblématique de l’ère industrielle. Or, à l’époque, la plupart des monuments classés en France, églises médiévales ou châteaux, dataient de plusieurs siècles. Ce qui permet à Anne Hidalgo de rappeler que « André Malraux lui-même avait écarté cette idée de classement » pour justifier son opposition aux vœux du ministre. Lors de sa visite sur le plateau de TF1 en février dernier, l’édile avait également souligné l’enveloppe de plus de 360 millions d’euros débloquée par la Ville afin de préserver le bâtiment.
Généralement, la demande de classement patrimonial d’un immeuble est demandée par son propriétaire. Toutefois, dans la législation française sur le patrimoine, si le propriétaire n’est pas d’accord, le classement peut être exceptionnellement décidé par le ministère de la Culture. Ce que Rachida Dati n’a pas hésité à rappeler parisien : « Le préfet de région a adressé un courrier à Anne Hidalgo en ce sens. En cas de refus de sa part, je prendrai la décision de classement automatique. »
Cette demande fait suite à de nombreuses mises en garde du ministre, qui s’est notamment exprimé lors du mouvement social des travailleurs de Sète au début de l’année. Les organisations syndicales ont déploré, entre autres, une dégradation du monument et de la gestion financière de l’entreprise. Rachida Dati estime donc que« une procédure de classement lui permettrait de bénéficier du contrôle scientifique et technique de l’Etat, et, le cas échéant, d’engager automatiquement les travaux ».
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Ce mercredi 9 octobre, à l’issue du conseil de Paris, le président de Sète, Jean-François Martins, a répondu aux déclarations du ministre : « Nous avons un programme pluriannuel en cours de 400 millions d’euros. Avec le classement, on pourrait demander à l’Etat jusqu’à 100 millions (…) Nous ne voulons pas demander (plus) de l’argent à l’État. Quand on voit les coupes budgétaires dans le domaine du patrimoine… Il y a déjà de nombreux monuments historiques en danger. Mme Dati devrait penser plus nationalement. » Un argument qui a tendance à faire sourire, compte tenu du déficit de la Ville de Paris, estimé à plus de 8,8 milliards d’euros cette année… Une recette de 100 millions d’euros ne serait pas négligeable.
Rachida Dati sait que classer la Dame de Fer prendrait du temps. Si prélever une telle somme sur le budget actuel du ministère de la Culture ne lui conviendrait pas, en revanche, en 2026, dans l’hypothèse – à laquelle elle croit fermement – où elle serait élue à la Mairie de Paris, cette aide de l’État serait alors plus que bienvenu. Il s’avère que, plus qu’une volonté de protéger la Tour Eiffel et son patrimoine, cette histoire de classement est avant tout une affaire de grosses sommes et d’ego sur fond de rivalité politique.