Vandaliser une tombe sous prétexte d’une « performance » artistique ? Ni le public ni la justice française n’ont apprécié l’idée. D’autant plus que l’enterrement en question n’est autre que celui, très émouvant, du peintre légendaire Vincent van Gogh à Auvers-sur-Oise (Val-d’Oise), où il repose aux côtés de son frère Théo sous un simple tapis de lierre (décoré récemment de quelques tournesols en hommage à sa célèbre série de tableaux), à deux pas du champ où il avait installé son chevalet peu avant son suicide présumé en 1890…
La scène est surréaliste. Le 29 juillet, jour anniversaire de la mort du célèbre peintre hollandais émigré en France, le « performer » de 36 ans Alexeï KouzmitchOriginaire de Biélorussie, il s’est rendu au cimetière armé d’une pelle, tout habillé et barbouillé de blanc. « Je ne peux pas vivre dans un monde où les artistes ont disparu. Mais aujourd’hui, tout va changer. L’artiste revient ! », a-t-il déclaré en anglais avec un fort accent slave, filmé par ses proches, devant une poignée de touristes médusés. Accompagné d’un réveil qui sonne en continu, et de tout en criant « Artiste, lève-toi ! »il a alors commencé à creuser la tombe furieusementenvoyant des mottes de terre voler autour de la tombe…
Une action critique de l’art contemporain
« Attaquer une tombe ? En quoi est-ce de l’art ? »
Alexei Kuzmich affirme avoir voulu « Résurrection » de Van Goghqui représente pour lui les vrais artistes aujourd’hui disparus. « Avec cette action, il voulait interpeller la communauté artistique sur la vacuité de l’art contemporainoù l’on ne crée plus pour créer mais pour répondre aux commandes des grandes institutions », a-t-il expliqué à Libérer Le photographe Jan Schmidt-Whitley, venu immortaliser l’action. Échec : aux yeux du public, le « vide » semble plutôt être du côté de Kuzmich… « S’attaquer à une tombe ? En quoi est-ce de l’art ? », s’indigne un internaute. « Pourquoi appeler « artiste de performance » tout ce qui cherche à se faire remarquer ? », s’interroge un autre.
Son geste n’a pas non plus été du goût de la justice française. 20 minutes plus tard, Kuzmich était plaqué au sol, emmené par la gendarmerie et placé en garde à vue. Jugé en comparution immédiate Le 31 juillet, pour violation d’un enterrement et destruction de biens publics, il a été condamné à un mois de prison avec sursis et à une amende de 3 000 euros, dont la moitié avec sursis. Mais surtout, il a été immédiatement condamné à une peine de prison ferme. obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui lui donne la possibilité de retourner dans son pays d’origine (la Biélorussie), ou dans tout autre pays qui l’acceptera, en dehors de l’Union européenne.
Il risque la mort en Biélorussie
Recherché par le KBG En Biélorussie, suite à une action dans un bureau de vote en 2020 pour dénoncer les élections truquées du président de la république Alexandre Loukachenko, pour lesquelles il avait été emprisonné et violemment battu, Kuzmich risque la mort s’il retourne dans son pays. Mais, pour les autorités françaises, le réfugié aurait dû y réfléchir avant de provoquer son pays d’accueil.
D’autant plus que ce n’est pas sa première action problématique sur le territoire. En avril 2021, il s’était avancé devant l’Élysée armé d’un faux cocktail Molotov en assurant vouloir « accomplir une révolution » dans un pays « au bord du fascisme », ce qui lui avait valu une fiche S – un point qui risque de ne pas jouer en sa faveur lorsqu’il déposera un recours.
Un ami proche du controversé Piotr Pavlenski
Fils d’un artiste empêché de créer par le régime soviétique, Kuzmich se présente comme un adepte de l’actionnisme viennois. Il est leami de l’artiste russe Piotr Pavlenski (né en 1984), réfugié politique en France depuis 2017, connu entre autres pour s’être cousu les lèvres en soutien aux Pussy Riot en 2012, et avoir cloué ses testicules sur la Place Rouge en 2013. Ce personnage très controversé, dont l’ex-compagne Oksana Chaliguina a déclaré en 2021 l’avoir violée et torturée, et qui a été accusé d’agression sexuelle en 2016 sur l’actrice russe Anastasia Slonina (ce qu’il nie comme étant un complot du Kremlin), s’est fait remarquer en France en 2017 pour avoir mis le feu à l’entrée d’un bâtiment d’une succursale de la Banque de France à Paris, et pour avoir diffusé des vidéos à caractère sexuel impliquant l’homme politique Benjamin Griveaux – ce qui lui a valu une peine de prison et de lourdes amendes mais aucune OQTF.