La température de l’océan Atlantique chute à une vitesse record
Bonne nouvelle après treize mois de chaleur record ? De juin 2023 à juin 2024, les températures de l’air et de la surface de la mer ont battu d’un quart de degré les records établis quelques années plus tôt. Et non seulement cette mauvaise passe s’est terminée en juillet 2024 (0,04°C de moins qu’en juillet 2023), mais l’océan Atlantique entre aussi dans un phénomène de refroidissement inattendu : La Niña atlantique. Au cours des trois derniers mois, la température des eaux de l’Atlantique a chuté à une vitesse record.
La Niña se produit normalement dans l’océan Pacifique et répond au phénomène El Niño. La version 2023 de ce dernier a entraîné une forte augmentation des températures mondiales, favorisée par la hausse des émissions de gaz à effet de serre. La Niña est en partie causée par des alizés plus forts, qui permettent à des eaux plus froides de sortir des profondeurs océaniques.
Les météorologues l’attendaient en septembre dans le Pacifique, mais c’est l’océan Atlantique qui a surpris tout le monde. « Nous commençons à observer une légère baisse des températures moyennes des océans »« De quoi mettre fin à une série de quinze mois de températures moyennes record dans les océans », explique Pedro DiNezio, professeur à l’Université du Colorado à Boulter.
Le phénomène El Niña atlantique n’est pas une surprise totale. Bien qu’il ait une influence bien moindre sur le climat mondial, l’océan Atlantique équatorial alterne également entre des phénomènes El Niño chauds et froids. Et comme dans le Pacifique, le phénomène El Niño atlantique a été plus chaud en 2023 qu’il ne l’avait été depuis des décennies. « Ce n’est qu’un autre épisode d’une série d’événements liés à un système climatique qui déraille depuis de nombreuses années. »déplore Michael McPhaden, de l’Administration nationale océanique et atmosphérique des États-Unis.
La cause de cette Niña atlantique reste toutefois mystérieuse. Au cours des trois derniers mois, les températures dans cette partie de l’Atlantique ont baissé aussi rapidement que depuis le début des relevés en 1982. Un phénomène qui laisse perplexe les météorologues, car les alizés ne sont pas plus forts que d’habitude : « Nous avons parcouru la liste des causes potentielles et nous n’avons encore rien trouvé. »« Si les températures restent inférieures d’au moins 0,5°C à la moyenne historique pendant encore un mois, le phénomène La Niña sera officiellement déclaré dans l’Atlantique », explique Franz Philip Tuchen, chercheur à l’Université de Miami.
Les effets de deux Niñas simultanées sont encore inconnus
Si le monde se retrouve effectivement sous l’influence de deux Niñas cet automne, leurs effets sur la température et l’humidité se feront sentir sur le climat. En général, les La Niñas du Pacifique apportent un temps plus frais et plus humide, bien qu’inégal (l’ouest des États-Unis s’assèche tandis que les pluies frappent l’est de l’Afrique). Elles génèrent aussi leur lot d’événements extrêmes, à commencer par les ouragans sur la côte atlantique de l’Amérique du Nord. Les La Niñas de l’Atlantique, en revanche, ont tendance à réduire les précipitations au Sahel et à apporter des pluies torrentielles au Brésil.
Ces deux phénomènes promettent, sur le papier, d’avoir des effets contradictoires sur la saison cyclonique actuelle dans l’Atlantique. La saison du Pacifique devrait favoriser la formation d’ouragans cet automne, mais La Niña atlantique pourrait réduire cette probabilité. Cette dernière affaiblit l’activité des perturbations atmosphériques, nécessaires aux ouragans.
Ces deux phénomènes pourraient même avoir des conséquences directes l’un sur l’autre. S’il est difficile de prédire dans quelle mesure, certains météorologues, comme Michael McPhaden, estiment que La Niña atlantique ralentira le développement de La Niña Pacifique, et donc son refroidissement du climat mondial. « Il pourrait y avoir une confrontation entre le Pacifique, qui tente de se refroidir, et l’Atlantique, qui tente de se réchauffer. »conclut-il.