Barcelone, 1493: un mal nouveau saisit l’Espagne, qui ne
tarde pas à se répandre à travers toute l’Europe. Lésions au niveau des organes
génitaux, éruptions cutanées sévères, ulcères, pâleur extrême, asthénie… Et, souvent,
la mort au bout. C’est une épidémie de syphilis vénérienne qui ravage l’Ancien
monde.
Son origine continue d’être débattue aujourd’hui: la syphilis
préexistait-elle sur le Vieux Continent, ou a-t-elle été rapportée par les colons
de Christophe Colomb, à leur retour des Amériques? Les scientifiques s’opposent
sur la question, certains défendant l’hypothèse colombienne, qui plaide pour
une origine américaine, d’autres l’hypothèse précolombienne, qui argue la
présence de la maladie en Eurasie à l’époque médiévale et peut-être avant.
Une nouvelle étude, publiée dans la revue
Nature et dirigée par des chercheurs et chercheuses de l’institut Max
Planck et de l’Université de Córdoba, plaide en faveur de la première
hypothèse, à partir d’analyses paléogénomiques, qui visent à déterminer l’histoire
évolutive de la bactérie.
Retrouver la trace de la syphilis dans les os
En étudiant, par le biais d’échantillons osseux anciens dont
certains remontent au XIIIe siècle, cinq génomes tréponémiques (liés
à ce que l’on appelle communément la syphilis), l’équipe internationale conclut
à une émergence en Europe du tréponème pâle (la bactérie responsable de la
syphilis et d’autres maladies apparentées) «postérieure à l’occupation
humaine des Amériques».
Grâce à différentes techniques comme l’extraction d’ADN et
le séquençage du génome, les scientifiques ont pu découvrir une présence historique
du tréponème pâle à travers le Mexique, le Chili, le Pérou et l’Argentine: la
souche de la bactérie aurait pu donner naissance à la syphilis et à d’autres
maladies apparentées.
Toutefois, des lésions osseuses de type syphilis ont été
repérées sur des squelettes européens datant d’avant 1492: si l’on ignore
encore si elles peuvent être véritablement liées à la syphilis, des
technologies d’analyse d’ADN avancées pourraient permettre de déterminer leur
cause, aussi l’équipe de chercheurs encourage-t-elle à mener des recherches plus
poussées en ce sens.