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« La survie du secteur est en jeu » (Luc Chatel, président de la plateforme automobile)

LA TRIBUNE DIMANCHE – Le Mondial de l’Automobile de Paris ouvre ses portes ce lundi dans un contexte de crise. Est-ce que cela vous concerne ?

LUC CHÂTEL – Alors que le contexte est extrêmement difficile pour le secteur, nous allons, le temps d’une semaine, réenchanter l’automobile et faire du salon de Paris une fête. Les Français aiment les voitures et le disent. Avant d’être une marchandise, la voiture conserve une forte dimension émotionnelle. Cette 90ème édition sera la rencontre entre innovation et passion, entre passé et futur. Vous aurez par exemple l’exposition d’une vingtaine de véhicules emblématiques des innovations qui ont marqué le salon. Ci-contre, « The Electric Factory », une expérience immersive au cœur des enjeux technologiques du futur.

Transition vers les voitures électriques : 40 000 emplois menacés en France

Le problème reste que les Français achètent beaucoup moins de voitures…

Depuis 2019, nous avons perdu l’équivalent d’un an de ventes d’automobiles en France. Et les inscriptions continuent d’afficher une baisse d’environ 23 % par rapport à leur niveau d’avant la crise du Covid. Le mois de septembre est le pire depuis vingt ans. Les incertitudes économiques pèsent lourdement sur le marché, dont on ne peut imaginer pouvoir redécoller d’ici fin 2024. Et les consommateurs se perdent dans les méandres des aides à l’achat de véhicules électriques, qui changent en permanence. Depuis trois mois, les ventes d’électricité sont en baisse ; c’est une alerte.

Très attendues au Mondial, les nouvelles citadines électriques contribueront-elles à relancer le marché électrique ?

Le salon fera en effet la part belle à la mobilité électrique locale, avec des petites citadines intégrant des innovations majeures. La nouvelle Renault 5 sera présente par exemple, ou encore la Citroën ë-C3. Voici deux véhicules des gammes françaises dont les prix commencent à être plus abordables et qui seront les blockbusters des prochains mois en matière de passage à l’électrique.

Que peut faire l’industrie pour faire baisser davantage les prix, qui restent le principal obstacle à l’électricité ?

Je regarde déjà le chemin parcouru. En cinq ans, nous avons décuplé la part de marché des véhicules électriques. Il est de 17 % en France, quand la moyenne européenne est de 12 %. Mais soyons clairs : on ne peut pas transformer un marché de cette manière sans une aide à l’achat soutenue. Supprimez l’aide, le marché s’effondre. En France, la prime, dont le montant a déjà été réduit, a changé cinq fois en cinq ans, alors même qu’on n’a jamais autant eu besoin de stabilité.

Qu’anticipez-vous du bonus-malus ?

On nous parle d’une enveloppe budgétaire pour l’achat des aides qui serait réduite d’au moins un tiers. Et en même temps, on annonce que le malus sera alourdi comme jamais en 2025. Pour l’industrie automobile, c’est un double malus. Et, pour le consommateur, une taxe déguisée. Plus d’un véhicule vendu sur deux sera taxé, dont toute la gamme des Clio et 208. Si nous voulions accélérer le freinage du marché, nous ne procéderions pas autrement.

Selon vous, l’Europe a-t-elle eu raison d’approuver récemment une surtaxe sur les voitures électriques chinoises ?

Nous aimons la concurrence dans le domaine automobile, mais à condition qu’elle soit loyale. L’Europe juge que les constructeurs chinois ont pu bénéficier d’aides d’État massives, contrairement aux règles de concurrence. Il est logique qu’elle défende ses intérêts. Mais l’urgence est aussi d’engager enfin une véritable stratégie industrielle en Europe.

Mondial de l’automobile : l’éternel retour vers le futur

Entre Volkswagen qui pourrait fermer des usines et les nombreuses alertes sur les résultats des constructeurs, l’industrie est-elle en jeu pour sa survie ?

Oui, la survie du secteur est en jeu. L’Europe a déjà perdu de grandes industries… Même les géants peuvent mourir. Les esprits bien-pensants de Bruxelles imaginaient que nous allions transformer du jour au lendemain une industrie centenaire grâce à des réglementations. Ils ont oublié qu’à la fin il y a le client. Le pire serait qu’au final, malgré les investissements sans précédent réalisés par le secteur dans les véhicules électriques, les voitures ne se vendent pas. Il est temps pour Bruxelles de mettre fin à la logique du tout réglementaire en Europe et de démontrer sa capacité à adopter une véritable vision stratégique pour son industrie. Nous appelons à un pacte industriel européen pour l’automobile.

Partagez-vous le souhait de nombreux constructeurs de réviser l’objectif intermédiaire pour 2025 de la réglementation européenne sur les émissions de CO 2 ?

La seule manière d’en sortir vainqueur est d’inciter Bruxelles et les différents Etats à prendre des mesures immédiates pour stimuler la demande de véhicules électriques. La réglementation (dont l’objectif est de mettre fin aux ventes de voitures thermiques en 2035) prévoit également une clause de révision en 2026. Ouvrons aujourd’hui les discussions et créons les conditions de réussite face à ce défi historique.

Les aides à l’achat indispensables pour passer à l’électrique

Aux yeux des constructeurs automobiles, les aides à l’achat de voitures électriques sont fondamentales pour soutenir le secteur. Ceci est confirmé par une enquête du CSA pour le compte de la Plateforme Automobile. Selon cette enquête réalisée en septembre, 77 % des Français renonceraient à acheter une voiture électrique si la prime à la conversion et le bonus écologique disparaissaient. Cet enseignement n’est pas une surprise. « En Allemagne, le marché s’est complètement effondré il y a un an parce que le gouvernement a arrêté les aides. » se souvient Luc Chatel.