La Suisse et sa soudaine réticence à défendre la Cour pénale internationale
Un silence incompréhensible
Au moins jusqu’à lundi. Le gouvernement fédéral doit répondre aux questions de plusieurs parlementaires sur son extrême discrétion en la matière. A commencer par le conseiller national des Verts genevois Nicolas Walder : « Le Conseil fédéral a jusqu’à présent toujours apporté un soutien sans faille au CCI. Là, son silence est incompréhensible. La Suisse aurait pu réitérer son soutien à la CPI, d’autant plus que cette dernière fait l’objet de violentes attaques.» Israël et son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, ont dénoncé les « accusations folles » de l’institution de La Haye et qualifié le procureur général Karim Khan d’« antisémite ». Les États-Unis eux-mêmes considéraient comme scandaleux les mandats d’arrêt contre les dirigeants israéliens et l’administration de Joe Biden pourrait approuver un projet de sanctions élaboré par les républicains du Congrès.
«La Suisse aurait pu faire comme la France. Sans commenter les mandats d’arrêt, elle aurait pu soutenir la CPI et son indépendance. Elle fonde sa politique étrangère sur la promotion de la paix. Cela implique la défense du droit international et de la justice. C’est précisément ce que fait la Cour pénale internationale », explique Nicolas Walder. D’autres pays européens ont publiquement soutenu la CPI. La Confédération n’a pas non plus commenté le mandat d’arrêt de la CPI contre le président russe Vladimir Poutine. « Oui, mais l’approbation de ces mandats a été très large et les attaques contre la CPI ne sont venues que de Russie », ajoute le conseiller national.
L’épisode de l’UNRWA
Après la méfiance de la commission juridique du Conseil des Etats à l’égard de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) selon laquelle la Suisse a violé le droit à la protection du climat, Nicolas Walder le déplore : « En Suisse, nous commençons à sentir de moins en moins de soutien aux institutions multilatérales. Il rappelle l’épisode avec l’UNRWA, l’agence d’aide de l’ONU aux Palestiniens dirigée par le Suisse Philippe Lazzarini, où Berne semble plutôt vouloir couper ses approvisionnements alors qu’une aide fédérale de 10 millions de francs était encore à sa disposition. accordés au lieu des 20 millions prévus.
Le conseiller national Philippe Nantermod ne partage pas cette vision des choses: «La Suisse ne doit pas réaffirmer sans cesse son soutien à la CPI. C’est un État partie au Statut de Rome, c’est assez clair. Et le PLR valaisan d’ajouter : « La demande d’émission de mandats d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant est très politique. La CCI ne prend pas en compte le principe de subsidiarité (complémentarité). Mais Israël dispose d’un système judiciaire fonctionnel. Parfois, les institutions internationales n’agissent pas conformément aux objectifs pour lesquels elles ont été créées.
Contrairement à Nicolas Walder, Philippe Nantermod pense que certaines institutions internationales vont parfois trop loin : « Comme la décision de la Cour EDH qui affirme que la Suisse a violé le droit à la protection du climat, il faut être prudent avec les institutions internationales que je soutiens, mais qui sont pas infaillible. Leurs décisions ne s’appuient pas sur un outil démocratique tel qu’un parlement national. Dans le cas de la Cour EDH, il n’existe pas de droit à un environnement sain.» L’élu valaisan prévient : « ces juges se sont placés au-dessus des législateurs nationaux, et même du peuple souverain. C’est très dangereux. »
De futures arrestations ?
Franz Grüter, conseiller national de l’UDC, estime que la Suisse a commis une erreur en signant le Statut de Rome instituant la CPI en 1998 et en le ratifiant en 2001. «Dans ce cas, la CPI n’aurait dû intervenir que si le système judiciaire du pays concerné présente des dysfonctionnements, comme le montrent les dans une dictature. Ce n’est pas le cas d’Israël. Quant à la Suisse, elle aurait dû dire publiquement que la CPI devait laisser la justice interne israélienne traiter l’affaire.» Si les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant devaient être confirmés, la Suisse les arrêterait-elle s’ils se trouvaient sur le sol suisse ? Nicolas Walder exige une réponse claire du Conseil fédéral.
Contacté par La météo, le DFAE n’a pas pu répondre avant la publication de cet article. L’hésitation du gouvernement suisse à soutenir publiquement la CPI dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas est surprenante si l’on prend en compte l’implication historique de la Confédération dans les travaux qui ont conduit à la création de la CPI en 1998 et à sa prise de fonction. en 2002. Pour Berne à l’époque, il était impératif de disposer d’un mécanisme efficace pour mettre en œuvre les Conventions de Genève. Celles-ci étaient menacées de dilution, notamment par des pays comme les États-Unis.
En 1998, à Rome, la Suisse comptait une importante délégation. Elle est fortement impliquée, avec le CICR, dans la définition des crimes de guerre insérée à l’article 8 du Statut de Rome. Sous l’égide du Canadien Philippe Kirsch, qui deviendra le premier président du CCI, les délégués suisses furent contraints de s’asseoir avec leurs homologues américains pour parvenir à un texte acceptable par tous. Après plusieurs séances de trois semaines, ils sont parvenus à produire un texte solide. Cent vingt Etats approuvent le statut, 7 s’y opposent et 21 s’abstiennent. La Suisse a laissé une forte impression.