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Souvenirs à Lescure, changement de stade, état des Girondins de Bordeaux… Les secrets de Jean-Louis Triaud

ENTRETIEN – A l’occasion du centenaire du stade Chaban-Delmas célébré ce mardi 14 mai, l’ancien président de la Marine et Blanc (1996-2017) ouvre la boîte à souvenirs pour Le Figaro.

« J’ai 74 ans, mais je suis toujours très occupé !» En pleine semaine des Primeurs, décisive pour les ventes des grands crus bordelais, Jean-Louis Triaud a pris le temps de répondre aux sollicitations du Figaro. Retraité du monde du sport et du vin, le vigneron se rend encore régulièrement aux Domaines Henri Martin, dans le Médoc, pour prêter main forte à ses enfants, mais aussi au stade Chaban-Delmas de Bordeaux pour observer les rugbymen de l’Union Bordeaux. Bègles. Un intervenant qu’il connaît comme sa poche.

L’ancien président des Girondins de Bordeaux (1996-2017) assiste ce mardi 14 mai au match de gala organisé pour célébrer le centenaire du mythique Parc Lescure, en présence des plus grandes légendes girondines, de Zinédine Zidane à Alain Giresse, dont Ulrich Ramé, Marius Trésor et Bixente Lizarazu. L’occasion de revenir en arrière, de ses premiers souvenirs de supporter jusqu’au déménagement dans le nouveau stade, en passant par la cohabitation avec le rugby.

LE FIGARO. – Comment vous sentirez-vous ce mardi 14 mai lors de votre retour au stade Chaban-Delmas ?
Jean-Louis TRIAUD. – Rien ! Je reviens souvent voir les matchs Union Bordeaux-Bègles. (rire)

Cette fois, c’est le football…
Sportivement, je ne sais pas trop ce qui va se passer ce jour-là. Ce qui m’amuse, c’est de revoir plein de visages familiers que j’ai croisés tout au long de mes activités dans le football.

Vous dites Lescure ou Chaban ?
Je ne suis pas attaché à ce genre de détails. D’ailleurs, à mon époque, on appelait le stade municipal parce qu’il appartenait et appartient toujours à la ville. Lescure n’était personne, c’était un quartier, et le château d’une vieille famille bordelaise. Chaban, c’est la mairie qui a décidé. Pourquoi pas. Lui (Jacques Chaban-Delmas) fut un grand sportif, maire de Bordeaux pendant des années.

N’aviez-vous pas votre mot à dire ?
Lorsque je suis devenu président du club, nous sortions d’une période de tensions avec la mairie de Bordeaux. Nos relations étaient bonnes, mais réduites au strict minimum (rire).


L’architecture de Lescure, avec ses voûtes, est assez belle, même si personne n’était à l’abri dès la chute de trois gouttes. Avec la direction du vent, on pouvait parfois se mouiller jusqu’au dernier rang !

Jean-Louis Triaud

Vous souvenez-vous de votre première fois dans ce stade ? Probablement bien avant votre présidence…
Je ne peux pas vous dire exactement le match, c’est une époque assez ancienne. Je devais avoir une dizaine d’années. Imaginez que les clubs n’avaient pas forcément de médecin attaché à l’équipe. Mon grand-père était parfois désigné comme médecin bénévole les jours de match. Il m’est arrivé qu’il m’ait amené. Il était sur le banc de touche, un vrai banc à l’ancienne. J’étais dans les premières tribunes derrière lui. Je me souviens de trajets un peu longs… Mon grand-père adorait marcher et nous venions à pied du Jardin Public.

Jean-Louis Triaud avec le trophée de champion de France, en mai 2009 à Bordeaux.
V.Michel / Fep / Panoramique

Est-ce un stade que vous trouvez beau ?
L’architecture elle-même, avec ses voûtes, est assez belle, même si personne n’était à l’abri dès la chute de trois gouttes. Avec la direction du vent, on pouvait parfois se mouiller jusqu’au dernier rang ! Ce que j’ai toujours aimé, c’est l’entrée sur les boulevards, avec cette arche énorme et ces belles statues et peintures néoclassiques. L’accès est majestueux. Ça à l’air bon!

Quand on parle d’architecture, on pense à ce tunnel sans fin pour accéder au terrain depuis les vestiaires. L’un des plus longs au monde !
C’est assez récent. Historiquement, les joueurs sortaient sous le virage sud, par un escalier. C’est au moment de la suppression de la piste cyclable et de l’agrandissement du stade que le tunnel fut créé. C’est vrai que c’est long ! Je l’ai utilisé pratiquement à chaque match, j’ai accompagné l’équipe et je suis remonté en tribunes depuis la sortie du tunnel. Il existe de nombreuses légendes de malchance dans ce tunnel. Les joueurs éteignaient parfois les lumières et nous ne savions pas ce qui se passait pendant quelques secondes. Avant que la moquette ne soit installée au sol pour éviter de glisser, certaines personnes prenaient un grand plaisir à faire du bruit avec leurs crampons métalliques sur le ciment. Il s’agissait d’impressionner l’adversaire, comme les gladiateurs sur leurs boucliers avant l’affrontement. Peut-être que ça a impressionné les mauvais joueurs. Les gentils n’auraient pas dû être trop dérangés.


Malheureusement, nous n’avons jamais eu la chance de jouer un match décisif pour un titre de champion à domicile. En 1999, c’était à Paris. En 2009, à Caen…

Jean-Louis Triaud

Quel est le meilleur joueur à avoir porté le maillot des Girondins à Lescure ?
Je pense que le joueur le plus identifié au club, avec une carrière longue et extrêmement brillante, est Giresse. Il est originaire de la région, cela lui donne un petit plus par rapport aux autres. Après, on a eu la chance d’avoir beaucoup de joueurs internationaux… Zidane s’est présenté pour nous, mais aussi Lizarazu, Dugarry…

Alain Giresse avec le maillot des Girondins de Bordeaux
Fep / Panoramique

Il semblerait que la meilleure foule de votre mandat ait été un Bordeaux-Parme, quart de finale de la Coupe UEFA en 1999…
Je m’en souviens vaguement, on a gagné 2-1 je crois. Mais je me souviens surtout du match retour… C’était la première fois que Nicolas de Tavernost (président de M6, propriétaire du club de 1999 à 2018) venait voir un match des Girondins de Bordeaux. Nous avons perdu 6-0. Les moqueurs disaient « voilà, le M6-0 est arrivé à Parme ! Mais compter les places dans les stades a toujours été exagéré. Autrefois, les gars entraient sans ticket et s’asseyaient sur la piste cyclable tout autour. On n’aurait pas dû être loin du record d’affluence à Bordeaux-Strasbourg pour le retour en D1, en 1992. Il y a eu aussi Bordeaux-Juventus en 1985, et Bordeaux-Milan en 1996.

Un match vous a-t-il particulièrement marqué ?
Je ne sais pas si c’est humain, ou si c’est dû à mon caractère, mais les mauvais matchs ont eu plus d’impact sur moi que les matchs gagnés… Ou les matchs perdus mais qu’on n’aurait jamais dû perdre. Et malheureusement, nous n’avons jamais eu la chance de jouer un match décisif pour un titre de champion à domicile. En 1999, c’était à Paris. En 2009, à Caen…

Jean-Louis Triaud et Nicolas de Tavernost dans les tribunes de Chaban-Delmas, en mai 2009.
Dominique Lelann / Panoramique

Lorsque vous avez emménagé à la Matmut en 2015, vous disiez : « Nous quittons une vieille cabane en ruine pour une superbe maison contemporaine. » Vous n’étiez pas vraiment nostalgique de Lescure à l’époque. En êtes-vous devenu un ?
J’étais un peu provocateur car les gens étaient réticents à l’idée d’aller dans un nouveau stade. Lescure est un stade magnifique, mais pas en bon état. Une partie du virage nord, trop dangereuse, est fermée (depuis novembre, ndlr). Il y a un travail de consolidation à faire. Ceux qui font l’aller-retour entre les deux stades pour regarder du football et du rugby trouvent que les tribunes ne sont pas très confortables, que les ravitaillements ne sont pas nombreux et que l’acoustique est moyenne. Pour avoir un sandwich et un coca, il fallait faire la queue. Et on était très limités commercialement, il y avait très peu de loges, la salle de réception était toute petite, dès qu’on était 300 on se marchait sur les pieds.


Le nouveau stade a été construit pour l’Euro 2016 grâce à une subvention de l’État de 20 millions d’euros. Il fallait profiter de cette générosité.

Jean-Louis Triaud

Mais c’était très central…
La proximité était bonne, c’est sûr. Mais j’avoue qu’avoir des installations confortables et une circulation agréable, c’est mieux. Pour les sportifs comme pour les spectateurs, le Matmut est superbe. C’est l’un des plus beaux stades qui aient été construits et il résonne bien. Il n’a qu’un défaut à mes yeux : c’est assez difficile d’en partir. Les sorties de match sont un peu longues, vous faites la queue dans votre voiture pour sortir des parkings. Quand le stade est plein, il faut compter 1h30… Mais dans les grandes villes, les salles de spectacle ne sont jamais faciles d’accès. Et de toute façon, il n’y a pas de débat. Lescure finira par coûter très cher car il y aura beaucoup de travaux d’entretien et de réparation. Le nouveau stade a été construit pour l’Euro 2016 grâce à une subvention de l’État de 20 millions d’euros. Il fallait profiter de cette générosité. C’est une bonne opération pour la métropole qui est passée en quelques années de 650 000 à 800 000 habitants. Dans dix ans, elle approchera peut-être le million d’habitants. Il y aura là 5 ou 6 % de supporters en plus. Il va falloir bien les accueillir !

Et ce déménagement a profité à l’UBB, qui joue désormais seule à Chaban après avoir vécu un moment avec vous, entre 2011 et 2015…
Ils auraient aimé y jouer beaucoup plus à l’époque. On a essayé d’ajuster le calendrier pour ne pas jouer à domicile en même temps. Sauf qu’après un match de rugby, remettre en état le terrain est complexe. Je me souviens du premier match de l’Afrique du Sud après la fin de l’apartheid. Elle est venue jouer contre le XV de France. Il y a eu une mêlée aux 5 mètres qui a été rejouée dix fois. Nous avons gardé un trou dans la pelouse toute la saison !

Le message « Merci Président ! » bannière Bordeaux ultras au Matmut Atlantique en mars 2017, pour le départ de Jean-Louis Triaud.
Thierry Breton / Panoramique

Qui dit stade, dit supporters. Quelles ont été vos relations avec les ultras bordelais ?
Comme chien et chat. J’ai un chien et un chat à la maison, ils vivent ensemble et s’apprécient. Mais ce n’est pas toujours facile ! Les ultras pensaient que je n’en faisais pas assez pour le club, et j’avais l’impression qu’ils dépassaient un peu leur rôle. La plupart du temps, c’était toujours de bonne humeur. C’était même de la famille.

Le club n’a-t-il pas perdu son esprit familial depuis votre départ ?
Peut-être un peu. A Bordeaux, c’était pareil qu’à Lyon avec (Jean-Michel) Aulas ou à Montpellier avec (Louis) Nicollin, des locaux qui s’investissent beaucoup. Cela crée des liens, une ambiance. Nous avons eu des échanges fréquents avec des partenaires. Il y avait un restaurant au club, j’y déjeunais presque tous les jours, on voyait du monde, les associés venaient régulièrement et amenaient des clients. Il y avait de la vie autour du club. Un gars qui est actionnaire-propriétaire d’un club, il vient une fois quand il peut, surtout s’il est un chef d’entreprise très occupé. C’est perdre un peu ce côté familial, convivial… J’ai l’impression que c’est une autre époque, une autre gestion, un autre mode de fonctionnement.


Je rencontre parfois des gens qui me disent « c’était mieux quand tu étais là ». Mais quand j’étais là-bas, ils m’ont dit « tu vas rester longtemps » ?

Jean-Louis Triaud

Suivez-vous toujours les matchs des Girondins ?
Oui, mais dans la mesure où j’ai moins de pression du résultat, je trouve que ce n’est pas passionnant à regarder. En Ligue 1 ce n’était pas déjà le cas, alors en Ligue 2… Je suis revenu un peu à mes premières amours : le rugby. J’y ai joué pendant plus de dix ans. Un mauvais match de rugby est toujours moins ennuyeux qu’un mauvais match de football. Il n’y a rien de pire qu’un mauvais match de football ! Quand ils passent du milieu de terrain vers le gardien, puis des passes latérales de droite à gauche, puis contournent la défense adverse, ça ressemble presque à des matchs de handball… C’est lent.

Seriez-vous prêt à reprendre du service si le club tombait encore davantage ?
Non. Si quelqu’un reprend le club, il devra investir beaucoup d’argent. Et donc arriver en équipe. Je serais bien heureux de rendre service, mais pas au point d’être très actif dans un projet. Si un gars me dit « je ne connais pas le coin, aide-moi à représenter le club », pourquoi pas. Mais j’ai déjà donné. Je préfère ma situation actuelle. Je rencontre parfois des gens qui me disent « c’était mieux quand tu étais là ». Mais quand j’étais là-bas, ils m’ont dit « tu vas rester longtemps » ? (rires) Je suis de moins en moins utile, je vieillis et mon réseau aussi ! Ils sont tous à la retraite… On ne peut pas faire du nouveau avec du vieux.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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