Ils sont « désespéré », « ulcéré » et, pour la plupart, « dégoûté ». Mercredi 24 avril, une vingtaine de consommateurs victimes de retraits bancaires abusifs auprès de la Sfam, le courtier d’assurance suspendu en 2023, se sont rendus au terme de l’audience à huis clos pour prendre connaissance du placement en liquidation judiciaire de l’entreprise par la Mairie de Paris. tribunal de commerce. Cédée par l’Urssaf Rhône-Alpes pour une dette impayée de près de 12 millions d’euros, la liquidation de l’ancien courtier, entourée d’affaires judiciaires, met donc « sur le plancher » plusieurs centaines de personnes qui tentaient depuis des mois, parfois des années, de se faire rembourser.
Mais pour ces personnes lésées, l’affaire ne s’arrête pas là. Au lendemain de cette audience demandée par Selon l’organisme de recouvrement des cotisations sociales, ces consommateurs, parfois victimes de plus de 25 000 euros de retraits bancaires, entendent exiger des comptes. Mais que peuvent-ils concrètement espérer, alors que le placement en liquidation judiciaire met un coup d’arrêt à l’entreprise qui va également devoir licencier des salariés à son siège, à Romans-sur-Isère (Drôme) ?
Pour rappel, après une liquidation judiciaire, les créanciers, y compris les consommateurs, doivent se déclarer dans un délai de deux mois. Dans le cas du SfamL’Urssaf et ses autres principaux créanciers seront prioritaires. « Cela laisse des centaines de personnes derrière »a déploré Me Emma Leoty, qui défend les plaignants dans une autre procédure civile.
Retraits en rafale, via d’autres entités
Mais les consommateurs sont déterminés, certains ayant même manifesté mi-avril devant les locaux de l’entreprise. Pour eux, il s’agit en fait d’obtenir une indemnisation sur un autre volet de cette affaire, auprès de la Sfam, épinglée en 2018 par la DGCCRF. « On va essayer de récupérer de l’argent ailleurs », promet Jérôme, une des victimes parmi des milliers en France, mais aussi en Belgique. Suite à l’achat d’un appareil multimédia en magasin, ces clients se sont retrouvés liés, à leur insu dit-on, à des contrats d’assurance affinitaire réalisés en rafale par la société Sfam, refondus ensuite sous la marque du groupe Indexia, la nouvelle maison mère, mais également prélevée par ses filiales (Foriou, Hubside, Serena…). L’entreprise, précédemment saluée par la presse, proposait alors de souscrire un contrat pour assurer un téléphone ou un ordinateur, souvent pour environ 15 euros par mois. Toujours active, elle a même récemment ouvert des magasins Hubside bien implantés, spécialisés dans le reconditionnement d’appareils et les services web.
Ainsi, pendant des années, tandis que les consommateurs alertaient rapidement les services antifraude, la Sfam (Société française d’assurances multirisques) faisait office de courtier d’assurance, notamment auprès de Fnac Darty entre 2017 et 2019. Pour certains, le préjudice subi a atteint » 25 000 euros »avec jusqu’à « 18 échantillons par jour » pour une assurance téléphone pour un ; « 10 000 euros » pour d’autres, ou « 5 500 euros » dans quelques semaines et « 126 tentatives de débit de mon compte » sur une journée.
Vers les anciens partenaires de la Sfam
C’est d’ailleurs envers cet ancien partenaire de la Sfam que ces consommateurs espèrent désormais obtenir réparation. « La Fnac ne pouvait ignorer ces pratiques », affirme ce consommateur présent à l’issue de l’audience du 24 avril qui souhaite garder l’anonymat. « Ce sont eux qui vendent les produits, avec Cdiscount et Darty notamment »il continue.
Sur les forums des victimes, les magasins de l’opérateur SFR (groupe Altice) sont également évoqués. Interrogé par La Tribune, le groupe a répondu : « dDepuis mi-2016, Chubb est notre seul partenaire assureur pour l’assurance mobile » et mentionne l’éventuelle responsabilité « distributeurs indépendants ».
L’autre espoir de réparer leurs dégâts est de se tourner «vers l’assurance MMA et l’assureur QBE», selon ce particulier. Partenaire, l’assureur MMA avait en effet signé une offre d’adhésion facultative avec la Sfam. Or, ce contrat qui liait MMA à Indexia, la maison mère, a pris fin le 31 décembre 2023, à l’initiative de MMA. L’assureur a adressé début 2024 un courrier aux assurés dont le contrat était encore géré par Indexia, afin de les informer de la résiliation. Le divorce est d’autant plus qu’en cours entre les deux anciens partenaires puisque fin mars, au Mans, Indexia a assigné en justice MMA qui était à l’origine d’une partie de ses contrats. Et de lui demander 1,9 million d’euros. Les plaignants, par l’intermédiaire de Me Leoty, tiennent également pour responsable la société Axeria IARD, également assureur des contrats distribués par Indexia, avant la rupture de leur partenariat.
Concernant l’assureur belge QBE, Sfam « a souscrit une garantie financière et une responsabilité professionnelle auprès de QBE Insurance (Europe) Limited »comme mentionné dans une notice d’information sur l’une de ses nombreuses garanties « pack ».
Aussi, les auditeurs, dont le cabinet Ernst&Young, ont également été désignés par Me Leoty qui porte les plaintes des particuliers.
Enfin, l’avocat de la consommation réclame également l’intervention du ministère de l’Économie et des Finances. En 2019, Indexia a dû payer 10 millions d’euros dans le cadre d’une transaction pénale suite à une enquête de la Répression des fraudes (DGCCRF) pour pratiques commerciales trompeuses.
«Cette somme pourrait servir à rembourser les consommateurs» a déclaré Me Leoty à l’AFP.
Ces anciens associés sont poursuivis par l’avocat au civil par 440 consommateurs lors d’un procès qui aura lieu le 26 septembre pour pratiques commerciales trompeuses devant le tribunal correctionnel de Paris. Au total, dans cette deuxième enquête de la DGCCRF, la Sfam, comparaîtront six sociétés du groupe et son PDG.
Le cas Fnac Darty
Parmi eux, le groupe Fnac Darty, maintes fois cité par ces consommateurs et dans lequel le groupe Indexia détenait jusqu’à 11,35% du groupe avant de revendre ses parts fin 2023. La fin du partenariat Fnac/Sfam est intervenue après que la Direction La DGCCRF a ouvert une enquête en 2018, qui a abouti à une transaction pénale de 10 millions d’euros.
Mais cette fois, la rupture est encore plus nette. Alors que les consommateurs constatent toujours des retraits sur leurs comptes, mi-avril 2024, Fnac Darty a confirmé avoir porté plainte contre son ancien partenaire. Et aussi de préciser que « Après de nombreuses alertes et rappels adressés au groupe Indexia, la société Fnac Darty Participations et Services a assigné la société SFAM devant le tribunal de commerce de Paris en janvier 2023 afin de l’obliger à traiter les réclamations clients, au moyen d’une astreinte. La procédure est toujours en cours. » a répondu Fnac Darty à La galerie.
Et d’ajouter :
« Fnac Darty condamne bien entendu les pratiques promotionnelles et de prospection commerciale qui seraient jugées contraires aux intérêts des clients et à ses valeurs. La Fnac a fortement alerté SFAM sur la nécessité d’apporter dans les plus brefs délais des réponses satisfaisantes aux préoccupations des clients, notamment concernant les évolutions récentes des offres SFAM. »
Parmi les éléments de sa défense, le groupe précise enfin : « pour rappel, SFAM est responsable de l’évolution de son offre et de sa politique commerciale, notamment en matière de promotion et de prospection commerciale auprès de ses clients. »
« M. La richesse de Fegaier est la nôtre”
« La plainte (de Fnac Darty) est une manière de se dégager de sa responsabilité », le tourmente, Jérôme qui souhaite rester anonyme. « Nous n’avons aucun moyen de faire pression sur les propres actifs de M. Fegaier (fondateur d’Indexia, NDLR) alors qu’ils sont les nôtres. Sa richesse s’est bâtie sur nous »il a lâché.
Pour retrouver leurs marbres, certains consommateurs en Belgique n’ont pas hésité à exprimer leur colère contre l’État français et la banque publique d’investissement (Bpifrance), actionnaire entre 2018 et 2023 de la Sfam, alors ancienne star de la French Tech, comme le rapporte le média belge. en février dernier.
Enfin, si l’entité Sfam est liquidée et son siège drômois fermé, qu’en est-il des autres marques et autres sociétés créées par l’entrepreneur ? Outre Indexia Group, Sadri Fegaier est en effet à la tête des structures « SFK Group » et « SFK Development », toutes domiciliées à la même adresse, à Paris XVIe.