« La seule chose qui peut faire tomber Benyamin Netanyahou, c’est le départ de ses ministres d’extrême droite »
Alors que des dizaines de milliers d’Israéliens ont manifesté samedi contre le gouvernement israélien, Nitzan Perelman, spécialiste de la société israélienne, analyse l’ampleur de ces mobilisations.
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Ils ont brandi des drapeaux israéliens et scandé des slogans contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Des dizaines de milliers de manifestants ont de nouveau défilé, samedi 22 juin, à Tel-Aviv, pour réclamer des élections anticipées et le retour des otages détenus dans la bande de Gaza depuis les attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre.
Des manifestations similaires ont déjà rassemblé des dizaines de milliers de personnes ces dernières semaines. Il est toutefois peu probable que ces manifestations conduisent au départ du chef du gouvernement, comme l’analyse pour franceinfo Nitzan Perelman, spécialiste de la société israélienne et co-fondateur du blog Yaani, qui publie des avis critiques de chercheurs sur la politique israélienne. -Contextes israéliens. Palestiniens.
Franceinfo : Ces manifestations en Israël sont-elles le signe d’une opposition croissante à la conduite de la guerre à Gaza ?
Nitzan Perelman : Ils expriment surtout leur colère face à la question des otages et au fait qu’ils ne soient pas libérés à des fins politiques. (sur les 251 personnes emmenées dans l’enclave palestinienne par le Hamas le 7 octobre, 116 y sont toujours détenues, dont 41 sont considérées comme tué par l’armée israélienne). Mais la majorité des Juifs israéliens ne sont pas opposés à la guerre. Selon un sondage réalisé au printemps par un institut de recherche américain, 39% d’entre eux estiment que la réponse militaire contre le Hamas a été à peu près juste, tandis que 34% pensent qu’elle n’est pas allée assez loin. LLes crimes qu’Israël commet à Gaza ou la tragédie que vivent les Palestiniens ne sont pas la principale raison des protestations.
Cependant, on peut lire des signes comme « Ministre du Crime » Et « Arrêter la guerre »…
Oui, mais avant l’offensive de Rafah, on pouvait aussi lire des panneaux comme « D’abord les otages, puis Rafah ». Quant à l’opposition à Benjamin Netanyahu remonte bien avant la guerre. Plusieurs manifestations ont eu lieu depuis les dernières élections de 2022, notamment contre la réforme de la justice, perçue comme une dérive antidémocratique. Benjamin Netanyahu est également considéré comme un homme politique corrompu. Mais une majorité pense qu’il ne devra partir qu’après la guerre. C’est pourquoi il a tout intérêt à prolonger le conflit.
Les critiques ouvertes de l’armée sur l’absence de stratégie d’après-guerre du gouvernement ne l’affaiblissent-elles pas un peu plus ?
Dans chaque guerre, l’armée jouit de la pleine confiance des Israéliens. Par ailleurs, les révélations sur les failles et les échecs du renseignement avant l’attentat du 7 octobre n’ont pas entaché cette confiance, ni provoqué le départ de Benjamin Netanyahou. La seule chose qui puisse le faire tomber, en réalité, c’est le départ des deux ministres d’extrême droite de sa coalition, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et celui des Finances, Bezalel Smotrich. Ils menacent aussi régulièrement de partir s’il accepte les propositions américaines de cessez-le-feu ou en cas d’un réel assouplissement de l’entrée de l’aide humanitaire. Avec le départ du cabinet de guerre de Le ministre centriste de la Défense Benny Gantz (le 9 Juin), Benjamin Netanyahu a moins de marge de manœuvre et doit les écouter.
Les tensions avec les États-Unis et l’administration Biden, ainsi que le mandat d’arrêt demandé par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre, ont-ils une influence sur l’opinion israélienne ?
Il faut bien distinguer le positionnement de l’opinion au niveau national et au niveau international. Les Juifs israéliens préféreront toujours afficher un front commun contre les autres pays. Après la demande de la Cour pénale internationale, la population a largement soutenu son Premier ministre, bien que très impopulaire. Quant aux relations avec les États-Unis, chacun sait que Benjamin Netanyahu attend les élections de novembre et le possible retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Avec cet argument : « Je suis un ami de Donald Trump, donc il vaut mieux que je reste au pouvoir pour que les relations avec les Etats-Unis soient optimales. »
Existe-t-il une possibilité, malgré tout, que la coalition de Benjamin Netanyahu tombe avant les élections américaines ?
Le Premier ministre fera tout pour que le départ des deux ministres d’extrême droite n’intervienne pas avant cette date. Et sauf cessez-le-feu, ces derniers n’y ont aucun intérêt, car ils savent que les sondages actuels prédisent l’arrivée au pouvoir d’une coalition du centre et de la gauche en cas d’élections. anticipé. Selon un sondage d’opinion de la chaîne N12 publié le 21 juin, Benjamin Netanyahu obtient 28 % des intentions de vote, contre 36 % pour l’ancien Premier ministre Naftali Bennett. (au pouvoir de juin 2021 à juin 2022). Mais Netanyahu est un homme politique intelligent, un phénix qui a tenu bon malgré cinq élections en moins de quatre ans en Israël et, surtout, malgré l’attentat du 7 octobre dont la responsabilité lui est largement imputée par la société israélienne.