La série "Un ami dévoué", sur un faux rescapé de l'attentat du Bataclan, ne fait pas l'unanimité auprès des victimes
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La série « Un ami dévoué », sur un faux rescapé de l’attentat du Bataclan, ne fait pas l’unanimité auprès des victimes

Une mini-série de quatre épisodes, librement inspirée de la vie de Florence M., sortira sur la plateforme Max le 11 octobre. Surnommée « la mythomane du Bataclan », cette femme, incarnée à l’écran par Laure Calamy, a été condamnée en 2018 à quatre ans et demi de prison.

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Laure Calamy, qui incarne Florence M. dans la série "Un ami dévoué"pose au Festival de la Fiction de La Rochelle, le 13 septembre 2024. (LAURENT VU / SIPA)

L’histoire de Florence M. avait tout pour intéresser un réalisateur de fiction : sa personnalité dérangeante, son immense culot, l’étendue de ses mensonges… Pas étonnant que le cinéaste de genre Just Philippot ait voulu donner corps au parcours de cette arnaqueuse récidiviste, qui a réussi à se faire passer pour une victime de l’attentat du Bataclan – 90 morts le 13 novembre 2015 – pendant plus de deux ans.

Dans sa mini-série Un ami dévouéqui sortira le 11 octobre sur la plateforme Max, le réalisateur deAcide et de Le nuage confie le rôle de ce faussaire à Laure Calamy. Librement adapté du livre du journaliste Alexandre Kauffmann, Le mythomane du Bataclan (2021, éditions Goutte d’Or), les quatre épisodes de 52 minutes retracent comment cette quadragénaire a menti aux vrais survivants du massacre, affirmant avoir été présente dans la salle lors du concert des Eagles of Death Metal, et inventant un proche grièvement blessé. Arrêtée en février 2018 et jugée un mois plus tard, Florence M. a été condamnée à quatre ans et demi de prison.

L’attitude de cette femme, présentée comme psychologiquement fragile par l’expert qui l’a rencontrée lors de son procès, a fortement choqué les victimes qui lui avaient fait confiance. Alors, pour Sophie Parra, rescapée du Bataclan, cette transposition fictionnelle est douloureuse. « Elle nous a fait beaucoup de mal. Elle a menti à tout le monde : aux associations, aux victimes, au fonds de garantie. (Florence M. a reçu 25 000 euros d’indemnisation). Le ramener à la lumière, c’est vraiment ajouter de la douleur à la douleur.déplore la femme qui a reçu deux balles lors de l’attaque.

En général, Sophie Parra reconnaît « j’ai du mal avec tout ce qui est fait autour du 13 novembre quand ça ne vient pas des victimes », mal à l’aise, dit-elle, avec le fait de « gagner de l’argent sur ce sujet ». À chaque fois, « ça fait bouger beaucoup de choses », poursuit cette Lyonnaise de 40 ans. Sophie Parra estime que c’est Florence M. qui se fait proposer. « exactement ce qu’elle recherchait, c’est-à-dire la gloire, la notoriété », imaginant déjà qu’elle pourrait être invitée dans des émissions telles que « Touche pas à mon poste » lorsque la série sortira.

Catherine Bertrand, une autre survivante du Bataclan qui connaissait bien Florence M., estime que « Les médias ont tendance à beaucoup parler de fausses victimes, qui fascinent, et finalement, les vraies tombent dans l’oubli, surtout depuis la fin du procès. Qui s’intéresse à nous ? A ce que nous sommes devenus ? A la façon dont nous nous reconstruisons ? » elle demande.

Arthur Dénouveaux, le président de Life for Paris, la principale association de victimes, est un peu moins tranché. S’il dit « comprendre tous les points de vue »il souligne que le moratoire de cinq ans qui avait été demandé par les victimes pour toute création de fiction autour des attentats de novembre 2015 a été respecté.

« C’est un événement qui s’ancre dans l’histoire moderne de la France, on sait qu’on va devoir vivre avec une version virtuelle, romancée, de ce qu’on a vécu. Ce n’est que le début. »

Arthur Denouveaux

à franceinfo

Le réalisateur et scénariste de la série Sambre Et Laëtitia, Jean-Xavier de Lestrade, l’a également fait savoir à Télérama qu’il préparait une nouvelle série pour France 2 inspirée de l’histoire des otages du Bataclan. En 2022, c’est le film Novembrede Cédric Jimenez, qui est sorti sur les écrans.

Sophie Parra admet que l’horreur qu’elle a vécue est désormais hors de son contrôle. « Mais je trouve difficile de se voir privé de sa propre histoire. Pour beaucoup, nous ne l’avons même pas encore surmontée », insiste-t-elle. Elle est cependant rassurée par l’histoire que lui a racontée une amie qui a vu la série en avant-première lors de sa projection au Festival de la fiction de La Rochelle. « Elle m’a dit que le personnage était vraiment détestable, donc ça semble assez fidèle à la réalité », elle glisse.

« C’est un rôle complexe, car oui, c’est une escroc, mais aussi probablement une femme un peu victime d’elle-même : il fallait sans doute une grande actrice pour l’incarner. »ajoute Arthur Dénouveaux, à propos de Laure Calamy. Cette dernière déclare néanmoins « manque de perspective » sur le sujet puisqu’un personnage lui sera directement inspiré dans la série. Il sera incarné par Arieh Worthalter, César du meilleur acteur cette année pour son rôle dans Le procès Goldmanpar Cédric Kahn. Il dit redouter le moment où ses collègues l’interrogeront pour savoir ce qui est réel et ce qui est plus romancé.

Le réalisateur Just Philippot, qu’Arthur Dénouveaux a rencontré, lui a assuré qu’il comptait livrer « une histoire mesurée, pas voyeuriste »Il se dit plutôt confiant, compte tenu de cet échange. « Pour nous, au sein de l’association, le seul scandale serait qu’il y ait une forme de négationnisme, de réécriture ou de version ultra-romantisée de ce que nous avons vécu. Mais cela ne semble pas être le cas. »dit-il. Cependant, il n’est pas sûr de voir le résultat lorsque la série sortira. Et conclut : « Nous n’avons jamais voulu être des censeurs, ce sera aux gens de se faire leur propre opinion. »

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