Près de 1,5 milliard d’euros d’investissements, quatre ouvrages d’assainissement créés, dont un bassin de rétention des eaux usées et pluviales d’une capacité équivalente à 20 piscines olympiques… L’État et les collectivités n’ont pas ménagé leurs efforts pour rendre la Seine baignable pour les Jeux Olympiques et puis pour le public à partir de 2025. La « bathabilité » de la Seine ne renseigne sur sa qualité bactériologique qu’à travers le suivi de deux familles de bactéries (Escherichia coli et entérocoques). Une autre pollution, d’origine chimique, passe inaperçue. Un rapport publié lundi 27 mai révèle un « contamination généralisée » cours d’eau d’Europe par l’acide trifluoroacétique (TFA), un « polluant pérenne » aussi peu connu que réglementé, issu notamment de la dégradation des pesticides appartenant à la grande famille des substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS).
Les associations du European Pesticide Action Network (PAN Europe) ont prélevé des échantillons d’eau dans vingt-trois rivières et six nappes phréatiques dans dix pays de l’Union européenne (France, Allemagne, Espagne, Belgique, Autriche, Pays-Bas…). Les analyses ont été confiées au célèbre Water Technology Center de Kalsruhe (Allemagne). Les résultats montrent la présence de PFAS dans tous les échantillons et de plus de 98 % de TFA. Cette substance n’est actuellement soumise à aucune norme spécifique mais dans près de 80 % des échantillons, les concentrations de TFA dépassent la valeur limite de 500 nanogrammes par litre – fixée pour la somme totale des PFAS présents – de la directive européenne sur l’eau potable qui doit s’appliquer à partir de 2026. Les niveaux de TFA détectés varient entre 370 ng/l dans le Salzach, à Salzbourg, et 3.300 ng/l dans l’Elbe, à Hambourg (Allemagne), avec une moyenne de 1.180 ng/l.
« Il s’agit sans doute de la contamination la plus importante et la plus répandue des eaux de surface et souterraines européennes par un produit chimique fabriqué par l’homme. » commente Salomé Roynel, la coordinatrice du réseau PAN. Le monde a soumis les résultats à plusieurs experts. Tout le monde les juge « concernant ». « Cette contamination généralisée est très inquiétante, d’autant que les niveaux signalés sont assez élevés »estime Ian Cousins, professeur de chimie environnementale à l’université de Stockholm.
Zones grises sur la toxicité
Avec une concentration de 2 900 ng/l, la Seine est le deuxième fleuve le plus pollué de TFA après l’Elbe. Le prélèvement a été effectué en avril au pied de Notre-Dame, non loin du futur site de baignade publique qui doit ouvrir ses portes à l’été 2025. De quoi s’inquiéter pour la santé des futurs nageurs, des JO et de tous ? « Nager occasionnellement n’affectera pas les gens, mais je recommanderais de ne pas nager régulièrement. » conseille le toxicologue Jacob de Boer (Vrije Universiteit Amsterdam). « Au vu des connaissances actuelles sur la toxicité des TFA, je ne m’inquiéterais pas de me baigner dans la Seine »juge pour sa part Ian Cousins.
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