La scierie Atlantic Sawmill dans le viseur de la justice
« Où est passé l’argent ? » C’est la question qui taraude de nombreux professionnels du port de commerce de La Rochelle à propos de la Scierie de l’Atlantique.
Filiale du groupe Provost, basée à Sauzé-Vaussais (Deux-Sèvres), l’entreprise spécialisée dans le séchage et le sciage de bois principalement exotiques fait actuellement l’objet d’une…
« Où est passé l’argent ? » C’est la question qui taraude de nombreux professionnels du port de commerce de La Rochelle à propos de la Scierie de l’Atlantique.
Filiale du groupe Provost, basée à Sauzé-Vaussais (Deux-Sèvres), l’entreprise spécialisée dans le séchage et le sciage de bois essentiellement exotiques fait actuellement l’objet d’une procédure de sauvegarde, ouverte le 27 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Niort, en raison de difficultés financières. « La procédure va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, explique Bernard Baré, président du tribunal de commerce. Nous avons eu un entretien à la fin du semestre, il n’y a pas eu d’alerte particulière. L’entreprise fonctionne normalement. Après, il y a du passif, mais c’est une autre histoire. »
En réalité, la Scierie de l’Atlantique poursuit bel et bien son activité. Dans les grands ateliers situés boulevard Wladimir-Mörch, à l’intérieur de l’enceinte portuaire de La Pallice, une vingtaine de salariés découpent des grumes. Mais sa situation financière et sa gestion suscitent l’intérêt de la justice. Selon nos informations, confirmées par le procureur de la République de La Rochelle, Arnaud Laraize, l’entreprise fait l’objet d’une enquête de la police judiciaire. Arnaud Laraize se garde toutefois de fournir davantage d’informations, « afin de préserver les investigations futures ». Le parquet de Niort n’a de son côté pas donné suite à nos sollicitations. La préfecture de Charente-Maritime et le Grand Port maritime, qui ont connaissance de l’affaire, ne souhaitent pas non plus faire de commentaires.
« Qui peut croire ça ? »
Sur le papier, le chiffre d’affaires de la Scierie de l’Atlantique a en effet connu une croissance spectaculaire, passant de 1,5 million d’euros à 32 millions d’euros en 2018, puis plus de 80 millions en 2019, pour enfin atteindre 102 millions en 2020. Selon une source proche du dossier, il serait d’environ 180 millions d’euros en 2022. « Qui peut croire ça ? s’interroge-t-elle à voix haute. Les stocks sont passés de 1,5 ou 2 millions d’euros à plus de 35 millions en cinq ans. Quand on connaît les entreprises du bois et le niveau d’acuité des experts qui font les évaluations, on ne comprend pas. »
Ce dernier est d’autant plus perplexe au vu des volumes de bois présentés dans le bilan de l’entreprise publié en 2022. « Il aurait fallu couvrir tout le port, des silos de Sica Atlantique à ceux de Soufflet ! » Or, l’activité de transformation de grumes exotiques à La Pallice, autrefois l’un des premiers ports français en la matière, est en chute libre. « Elle est vouée à disparaître, confirme un professionnel du secteur, sachant qu’il y a de moins en moins de grumes à La Rochelle et qu’il n’y en aura bientôt plus du tout. »
Le risque de voir la Scierie de l’Atlantique fermer ses portes pourrait accélérer le processus, ce qui inquiète le secteur. Des entreprises de Charente-Maritime ont déjà annoncé qu’elles étaient candidates à son rachat. Mais la gestion de l’entreprise rochelaise, dirigée par Marc Héritier (1) – il n’a pas répondu à « Sud Ouest » –, le gendre du fondateur du groupe Provost, semble poser problème. Les sociétés d’affacturage, qui financent les factures clients émises par les entreprises, seraient de leur poche. C’est tout l’enjeu du travail des enquêteurs.
(1) Il gère également la Holding Héritier (en procédure de sauvegarde) et le groupe Provost Frères (en redressement judiciaire).