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La santé, un argument plus convaincant que l’écologie pour verdir les villes ?

La santé, un argument plus convaincant que l’écologie pour verdir les villes ?

De nombreux paramètres contribuent à conditionner l’état de santé d’une personne, la santé étant définie par l’OMS comme un état de bien-être complet incluant la santé physique, mentale et sociale.

Contrairement à la croyance populaire, une grande partie de ces déterminants de santé ne dépendent pas de facteurs génétiques ou du système de santé : ils sont principalement liés à des facteurs socioéconomiques ou environnementaux et à des comportements individuels.

Ce sont trois dimensions sur lesquelles les collectivités ont la capacité d’influencer, à travers leurs politiques de mobilité, la nature en ville, la lutte contre le phénomène d’îlots de chaleur urbains, le choix du mobilier urbain, la promotion de la vie sociale qu’elles peuvent encourager dans leurs espaces publics, etc.

Pourtant, en raison de la répartition officielle des responsabilités, les villes ignorent souvent qu’elles sont des acteurs clés de la promotion de la santé. En réalité, chaque nouveau projet qu’elles conçoivent peut être abordé sous l’angle de l’impact qu’il aura sur la santé de la population – et sur l’environnement.

Un urbanisme favorable à la santé

C’est toute la logique de l’« urbanisme favorable à la santé » (UFS). Depuis une quinzaine d’années, cette méthodologie se développe en France sous l’impulsion de l’EHESP, l’École des hautes études en santé publique, avec pour objectif de remettre la recherche de la santé et du bien-être des populations au cœur de l’urbanisme.

Concrètement, l’UFS est une approche qui permet d’arriver à un choix de développement qui réduira l’exposition des populations à ce qui nuit à leur santé et à leur bien-être, et qui maximisera au contraire tout ce qui leur fait du bien, et ce toujours en veillant à réduire les inégalités sociales.

Parce que les deux sont liés, cette méthodologie a des co-bénéfices directs en termes d’environnement et de transition écologique : la présence de nature en ville a des effets vertueux sur la santé mentale, la promotion de la mobilité active (vélo ou marche) au détriment de la voiture améliore la qualité de l’air mais aussi la forme physique, etc.

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Santé et transition écologique

Cela montre que les deux enjeux sont intrinsèquement liés : à quelques exceptions près, ce qui est bon pour la santé va systématiquement dans le sens de la transition écologique. Et vice-versa !

C’est pourquoi des institutions comme l’Agence pour la transition écologique (Ademe) s’y intéressent : elles y voient un levier efficace en faveur de la transition des villes.

L’argument de la santé et du bien-être, parce qu’il concerne tout le monde, peut être plus mobilisateur et fédérateur pour promouvoir les transformations urbaines que le seul argument écologique, parfois perçu comme plus lointain – même s’il ne l’est pas.

Autrement dit, lorsqu’il s’agit de changer des habitudes bien ancrées – comme passer de la voiture au vélo pour se rendre au travail –, une personne de 50 ans sera par exemple plus sensible aux arguments relatifs à sa santé (diminution du mauvais cholestérol, baisse de la tension artérielle) qu’à ceux relatifs aux émissions de gaz à effet de serre.

petit garçon jardinant dans un potager avec un adulte
La végétalisation d’une cour d’école, par la création d’un potager, est un exemple de démarche UFS.
Shutterstock

Un superpouvoir pour les communautés

Pourtant, alors que les acteurs académiques et institutionnels s’en emparent, peu de collectivités ont conscience du « superpouvoir » que cette approche peut représenter pour transformer leurs espaces publics.

Il s’agit donc de faire évoluer les mentalités des élus, pour qu’ils décloisonnent leur vision de la santé, très centrée sur l’hôpital et le soin, et qu’ils déconstruisent l’idée qu’ils n’ont aucune compétence en la matière. Et qu’ils comprennent aussi que s’emparer de ces outils peut devenir un formidable argument électoral.

Pour encourager ce type de démarche, l’Ademe a d’abord contribué à la création du guide ISadOrA. Publié en 2020 et soutenu par l’EHESP, ce guide est une véritable référence pour intégrer la santé dans les opérations d’aménagement. Il permet de questionner la manière de concevoir les espaces publics, la mobilité, l’habitat, les espaces verts… afin qu’ils soient les plus propices à la santé, au bien-être et à l’inclusion.

Pour sortir du format « guides & études exhaustifs », et montrer que l’UFS peut aussi être attaquée par « petits morceaux », de manière pragmatique voire innovante, l’Ademe a organisé en juin 2023 le « booster UFS ». Cet exercice exploratoire a réuni une cinquantaine d’acteurs d’horizons très variés (santé, urbanisme, transition écologique, design, inclusion, data…) afin de faire tomber les barrières.

Des idées originales pour les premiers pas de l’UFS ont été élaborées collectivement : réhabiliter un fort Vauban abandonné en un véritable îlot de fraîcheur, valoriser un abribus, ce lieu d’attente indispensable, pour qu’il devienne un outil de santé.

Il s’agit de donner des exemples concrets de ce que peut être une stratégie UFS, mais aussi d’alerter sur les écueils potentiels. La démarche ne se limite pas à planter des fleurs ou des arbres au hasard – au risque d’avoir des effets contreproductifs. Il faut aussi toujours veiller à ne pas contribuer à creuser les inégalités et commencer par identifier les lieux où vivent les populations les plus vulnérables. Construire un superbe écoquartier plein de nature qui contribuera à la gentrification, par exemple, n’a aucun sens.

Les villes pionnières en France

De grandes villes se sont déjà saisies du sujet. Rennes, Lyon, Lille, Strasbourg et Paris font partie des pionnières, par exemple.

La ville de Lyon est ainsi leader dans la démarche « One Health », qui met en avant les liens entre la santé des individus, des animaux et l’état des écosystèmes. Des cours d’école ont été renaturées et une alimentation saine pour la santé et les écosystèmes est proposée aux enfants.

Paris a systématisé et internalisé la réalisation d’évaluations d’impact sanitaire, ce qui lui permet de réajuster en amont les projets d’aménagement pour qu’ils aient l’impact le plus positif sur la santé.

Rues scolaires à Lille, Ville de Lille / YouTube.

Lille a créé une colline « acoustique et cultivée » dans un quartier politique de la ville avec pour objectif de réduire les nuisances sonores de l’autoroute toute proche, tout en offrant des parcelles de jardin à une cinquantaine de familles.

La lutte contre les îlots de chaleur, la mise en place de pistes cyclables sécurisées, la piétonnisation d’espaces comme les rues scolaires, qui redonnent un lieu de vie sociale devant les écoles tout en améliorant la qualité de l’air, en sont d’autres exemples.

Expériences en cours

Même si peu d’études ont été menées pour évaluer les effets concrets sur la santé des initiatives UFS, certaines mesures qui s’inscrivent dans ce cadre ont déjà fait leurs preuves. Des mesures récentes sur 10 écoles d’Île-de-France ont par exemple montré que la création de rues scolaires avait des résultats probants : les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) chutent jusqu’à 30 % autour de ces écoles piétonnes.

L’objectif est désormais double : prendre l’habitude de mesurer l’impact sur la santé et le bien-être des actions menées, afin de montrer aux élus que ces initiatives de l’UFS ont des effets tangibles ; et inciter les collectivités de plus petite taille, comme les villages, à intégrer ces enjeux à leur échelle. L’UFS n’est pas réservée aux métropoles, bien au contraire.

Pour répondre à ce double objectif, l’Ademe et Ecolab (laboratoire d’innovation du Commissariat général au développement durable), en partenariat avec le Cerema, Santé Publique France et l’Institut national du cancer, soutiennent 10 expérimentations de terrain pendant un an, de mai 2024 à mai 2025.

Des acteurs très divers, allant de très petites villes en milieu rural à de grandes métropoles et territoires d’outre-mer, se sont fixés des défis concrets qu’ils vont expérimenter et évaluer : et si un parking redevenait une place de village ? Et si rénover une école signifiait bien-être et santé pour les enfants, les adultes, les animaux et les plantes ? Et si on abandonnait la voiture au profit de boucles piétonnes efficaces et agréables ? Et si on maillait finement le territoire d’espaces verts pour maximiser leurs effets sur la santé ?

Ces expériences variées contribuent à démocratiser un urbanisme favorable à la santé. Par l’effort d’évaluation, elles espèrent aussi prouver que les bénéfices sur la santé et le bien-être sont bien là.

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