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La saison de nidification des tortues marines se termine en Guyane et les résultats sont mitigés

La saison de ponte des tortues marines est un cycle naturel remarquable en Guyane. Notre région est l’un des sites les plus importants au monde, abritant principalement des tortues luth et olivâtre. Depuis plus de 30 ans, l’association Kwata mène une action essentielle pour la connaissance et la préservation de ces animaux marins. Le directeur de Kwata, Benoit de Thoisy, dresse un bilan plutôt mitigé de l’année 2024. Si l’on observe une recrudescence de la ponte des tortues olivâtres à Montjoly, on observe à l’inverse un net déclin de la ponte des tortues luth à l’ouest à Awala-Yalimapo.

L’association Kwata a publié son rapport le 24 septembre Bilan de la saison de ponte 2024.
Benoit de Thoisy, directeur de l’association Kwata et également conservateur d’espaces naturels protégés, a accepté de répondre à quelques questions sur l’évolution de cette population animale marine emblématique de la Guyane.
«  Les tortues sont étudiées à Awala-Yalimapo depuis la fin des années 1970. Sur les plages de Cayenne, Rémire-Montjoly, les premières observations de tortues olivâtres remontent à 1998-99, précise le scientifique. D’ailleurs, les anciens ont affirmé qu’il n’y avait plus de tortues dans la zone de la plage de Montjoly depuis longtemps. Elles étaient présentes durant les années 1960/70 puis ont disparu dans les années 1980. Mais il faut noter que la plage était configurée différemment. Le cycle de frai a repris à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Il s’agissait du plus bas niveau depuis 20 ans, avec une activité pratiquement nulle. »

L’accès à la plage influence sans aucun doute l’arrivée des tortues :

« S’il y a un énorme banc de vase qui comble la baie, cela rend la plage inaccessible pour les tortues même s’il y a du sable, comme c’est le cas à la Pointe Liberté à Macouria. Il y a toujours eu ce cycle en fonction du profil de la plage et de l’envasement. En 1999, on comptait une centaine de pontes de tortues luth, puis c’est descendu à 10 000 en 2008 et 2009, le chiffre le plus bas étant celui de 2020, et maintenant ça recommence.
Pour les tortues luth, les chiffres sont les mêmes que l’année dernière. Pour les tortues olivâtres, nous constatons une activité importante, avec environ 3 700 pontes. « .

Apparition de tordeuses à olives sur la plage de Montjoly le 14 septembre 2024


Le profil de la plage joue un rôle important dans le taux de nidification des tortuesDepuis 20 ans, explique Benoit de Thoisy, à Montjoly, il y a toujours eu une zone de plage disponible entre Montravel et Bourda.

Benoit de Thoisy, directeur de l’association Kwata


«  Globalement, pendant les phases où il y a une plage, comme c’est le cas depuis 25 ans, car le sable sort rarement de la baie mais il se déplace d’est en ouest en fonction des houles et des vasières. S’il s’érode d’un côté, il gonflera de l’autre et inversement. L’exutoire des Salines entre Montjoly et Bourda s’est déplacé de 500 m. Ce que l’on constate, c’est qu’il y a toujours une zone linéaire disponible, mais avec les marées hautes, les grosses séquences d’érosion, beaucoup de nids partent avec la mer et cela entraîne une mortalité importante. »

C’est un phénomène qui a également été bien étudié à Awala. Selon les années, entre 20 et 30 % des nids partent en mer à cause de l’érosion. Or, les tortues ne peuvent pas anticiper l’érosion.

Depuis deux ans, le changement climatique se fait de plus en plus sentir en Guyane. Il fait plus chaud, plus sec et les effets sur les œufs sont dévastateurs. :

« On est sur quelque chose de catastrophique depuis deux ans. Il y a des températures extrêmes et une grande sécheresse aussi. Il faut composer avec la température ambiante et la température du sable. Depuis l’année dernière on a installé des sondes sur la plage de Montjoly, sur celle d’Awala et on se rend compte que les températures vont bien au-delà de ce que les nids peuvent supporter, en temps normal, et on a des mortalités. Depuis 2 ans nous constatons qu’il y a beaucoup de nids qui ne terminent pas le processus. Ce phénomène est attribué à une chaleur excessive.

Il existe des études scientifiques qui synthétisent ce que l’on appelle les températures létales dans les nids. L’association s’est donc concentrée sur les tortues luth à Awala. : «  Nous avons placé des sondes de température au sommet du nid à une profondeur de 40 cm et au fond du nid à une profondeur de 80 cm. Cela nous a permis de voir quelles étaient les conditions de vie. »
Cette expérience a débuté au mois de peut avec des températures prises toutes les heures. Les graphiques établis indiquent clairement les variations des températures prises toutes les heures, plus ou moins fortes selon que la sonde est placée à 40 ou 80 cm dans le nid. La ligne qui bouge un peu moins est celle de la sonde à 80 cm, l’autre qui monte davantage est celle située à 40 cm.
« À partir du mois d’août, nous passons régulièrement, à la surface du nid, à des températures considérées comme mortelles de 33°. Mais, même en profondeur, la température peut atteindre 32°. C’est colossal et cela commence à cuire les œufs. »

Le résultat était soit des œufs complètement morts, soit des tortues beaucoup plus petites qu’elles n’auraient dû l’être. Par exemple, des émergences de tortillons olive mesurant 3 cm au lieu des 5 cm habituels :

« Ce sont des jeunes extrêmement faibles, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Depuis trois ans, les tortues sont petites et peinent à rejoindre l’océan. De plus, elles arrivent dans des eaux trop chaudes pour elles. On voit bien que les températures élevées impactent les petites tortues. Reste à voir quel impact cela aura sur les populations adultes. »

Lorsque les tortues ont fini de pondre leurs œufs, elles commencent une grande migration à travers l’Atlantique Nord.

Dans les années 2005/2006, les luths partis d’Awala ou de Cayenne ont parcouru 5 à 6 000 km pour atteindre cette zone eau froide/eau chaude. Dix ans plus tard, ils doivent parcourir 8, 9 voire 10 000 km car ce front eau chaude/eau froide s’est énormément élevé. Il faut donc aller plus loin pour le retrouver.

Ce front entre eaux chaudes et eaux froides est essentiel à la régénération des tortues marines. Elles s’alimentent pendant deux à trois ans dans ces zones, elles stockent une certaine quantité de graisse qui se transforme progressivement en énergie. Elles peuvent alors recommencer leur migration pour revenir sur les sites de nidification où elles pondent plusieurs œufs avant de repartir.

« Mais, souligne Benoit de Thoisy, ces tortues luth sont actuellement beaucoup moins productives qu’il y a 20 ou 30 ans, où elles pondaient 6 ou 7 œufs dans la saison. Maintenant, elles le font 3 fois au maximum. Une des hypothèses pour expliquer cela est que l’alimentation est moins bonne ou que, partant de plus loin, elles sont plus fatiguées à leur arrivée, ce qui nuit à la reproduction. »

Le comportement de la population en Guyane a changé et les attaques humaines sont beaucoup moins nombreuses. Les dangers pour les tortues se situent principalement en mer avec la pêche illégale et la contamination par les plastiques. Si les tortues se reproduisent moins, c’est aussi parce qu’il y a moins de femelles car elles meurent piégées dans les filets de pêche.

«  Nous avons des résultats mitigés, il y a de réelles améliorations avec toutes les campagnes de sensibilisation qui ont été et sont menées. On constate une prise de conscience locale générale mais il y a des menaces sur lesquelles on a beaucoup moins de leviers possibles comme la pêche ou le changement climatique. On est dans une tendance à l’augmentation des températures et cela s’ajoute aux autres aléas. »

La population de tortues luths d’Awala est en voie de disparition, constate Benoit de Thoisy. La sonnette d’alarme est tirée depuis longtemps. Dans les années 1970, ce site d’Awala-Yalimapo abritait la plus grande population de tortues luth au monde.

Cette disparition des tortues impacte également la culture amérindienne. La nouvelle génération de jeunes amérindiens d’Awala n’a jamais vu de tortue luth et, selon ce que rapportent les animateurs locaux de l’association Kwata, la plupart de ces jeunes pensent que cet animal n’existe que dans l’imaginaire des parents et des grands-parents.

« Nous sommes dans la continuité de l’année dernière. Au vu des données historiques, l’activité de ponte a augmenté entre 2000 et 2009 avec un minimum sur 2 ans. Entre 2010 et 2020, on observe globalement une nette diminution (de 1000 à 160 pontes) avec un petit pic entre 2013 et 2014 avant de retomber. Il est difficile de confirmer à l’heure actuelle l’augmentation de l’activité observée depuis 2020. La stabilisation cette année n’indique pas que cela va se poursuivre. »

L’activité de ponte était globalement un bon indicateur de la santé des populations mais là, avec le taux de mortalité exceptionnel enregistré ces 2 dernières années avec 1000 pontes mais 960 nids cuisant dans le sable, l’avenir de la population n’est pas assuré. »

Ce sont des chiffres très alarmants concernant ce site.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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