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La Russie rate (encore) son tir de missile à capacité nucléaire – Libération

Des images montrant un site de lancement dévasté circulent depuis ce week-end. Ce deuxième échec suscite des interrogations sur l’état de développement du Sarmat, que Moscou présente comme « prêt au combat ».

Depuis samedi 21 septembre, différentes photographies satellites du site de lancement de Plesetsk, à l’extrême nord-ouest de la Russie, montrent un nouvel échec de lancement d’un missile Sarmat, également appelé Satan 2. Ce projectile balistique intercontinental de nouvelle génération a été conçu pour moderniser l’arsenal nucléaire soviétique. Le Kremlin et ses relais agitent régulièrement la menace de ces nouvelles armes, présentées comme « déjà en service », contre l’Ukraine ou ses alliés occidentaux. Mais ce nouvel échec (le deuxième, sur trois tirs), pose question sur l’état de développement du Sarmat, que Moscou présente comme « prêt pour la bataille ».

Les yeux des observateurs initiés (et des avions espions américains, visibles sur les sites de repérage aérien) étaient braqués depuis plusieurs jours sur les sites de lancement à l’est du cosmodrome de Plesetsk. Le lancement à venir avait été trahi par un NOTAM, un avis de restriction aérienne, semblable à ceux émis pour les lancements précédents, en mer de Kara, entre le 19 et le 23 septembre. Dès le 21 septembre, un premier signe indiquait une situation anormale sur le site de lancement : le satellite de la NASA du programme Firms, dont la carte montre en temps réel les incendies dans le monde, affichait une signature thermique importante pendant plusieurs heures autour du silo.

Véhicules de lutte contre les incendies de forêt et d’urgence

Vient ensuite la première photo de Planet, une société d’imagerie satellite, prise aux premières heures du 21 septembre. Elle montre un immense cratère, large de plusieurs dizaines de mètres, laissé à l’emplacement du silo d’essai, d’où devait surgir le missile. Une seconde photo de Maxar, une autre société d’imagerie satellite, montre cet impressionnant cratère, ainsi que de sérieux dégâts sur les structures avoisinantes. Un feu de forêt et des véhicules de secours sont également visibles à proximité immédiate du pas de tir. S’agit-il d’un problème au décollage ou d’un incident survenu lors des préparatifs du lancement ? Difficile d’en savoir plus, si ce n’est que le Sarmat a explosé dans son silo, ou juste à côté.

Comme déjà écrit Vérifiez les actualités Il y a deux ans, la Russie disposait déjà d’un arsenal nucléaire important et varié. Mais ces nouveaux missiles, vantés comme beaucoup plus rapides et dévastateurs (alors que l’arsenal nucléaire russe existant est déjà suffisant pour détruire plusieurs fois la planète), sont régulièrement brandis dans les talk-shows des chaînes d’État du Kremlin, ou dans d’autres morceaux de propagande, comme cette chanson glorifiant le missile. On les retrouve aussi dans les discours de responsables, comme le président de la Douma (le Parlement russe) qui a menacé jeudi 19 septembre de bombarder le Parlement européen avec un Sarmat, tout en affirmant que le projectile atteindrait Paris en 3 minutes 20 secondes, ce qui Vérifiez les actualités a déjà été renversé en 2022.

Deux tirs sur trois sont ratés

Le premier et unique lancement réussi de Sarmat a eu lieu en avril 2022. Un lancement prévu de longue date, qui n’était pas directement lié au conflit ukrainien, puisque le développement de ce nouveau système était en cours depuis des années. L’objectif annoncé par différents responsables russes fin 2021 était de déployer un premier régiment opérationnel d’ici fin 2022. Une date déjà décalée par rapport au projet initial d’entrée en service en 2018-2020. Finalement, Vladimir Poutine a annoncé en juin 2023 que dans un « futur proche », LE Sarmat et leurs silos seraient prêts au combat. Quelques mois plus tard, en septembre 2023, le chef de l’agence spatiale civile russe avait surenchéri et affirmé que ces derniers étaient opérationnels. Ce que Vladimir Poutine avait finalement répété en février 2024.

Mais comme l’ont souligné à l’époque plusieurs spécialistes du sujet, comme Hans Kristensen, spécialiste de la surveillance des arsenaux nucléaires, cette déclaration du dirigeant russe se heurte au fait que les Sarmat n’ont toujours pas terminé leurs vols d’essai. Pire encore, le ratio de lancements réussis est loin d’être positif, deux lancements sur trois étant désormais des échecs. Le lancement d’avril 2022 est le seul à avoir réussi. En février 2023, plusieurs sources de sécurité anonymes citées par CNN évoquent un autre lancement raté de Sarmat. Ces sources précisent également que les Russes ont prévenu Washington du test à venir. Un premier lancement raté auquel s’ajoute désormais celui de ce week-end.

Comme l’a souligné l’analyste militaire russe Pavel Luzin dans Le New York Times en septembre 2023, c’est-à-dire avant le deuxième échec enregistré ce week-end, le déploiement opérationnel du missile était encore largement théorique, compte tenu des tests limités du Sarmat.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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