La rotation de la Terre bientôt davantage influencée par le réchauffement climatique que par l’attraction de la Lune
NASA
La rotation de la Terre bientôt davantage influencée par le réchauffement climatique que par l’attraction de la Lune
CLIMAT – Imaginez un œuf dur que vous faites tourner sur une table : voilà la Terre jusqu’au XXe siècle. Remplacez-le par un œuf cru, et essayez de le faire tourner : voici notre planète aujourd’hui. Avec une (légère) pointe d’exagération estivale, l’image vous aidera à comprendre pourquoi la rotation de la planète bleue ralentit de plus en plus.
Cette conclusion surprenante est le calcul d’une équipe américaine, dirigée par le Jet Propulsion Laboratory, un organisme de recherche de l’Agence spatiale américaine (NASA), publié dans la revue PNAS le 15 juillet 2024. Pour comprendre comment l’équipe en est arrivée là, il faut d’abord savoir deux choses :
- D’abord, la durée du jour ici n’est pas celle de l’ensoleillement (qui varie évidemment selon les saisons). C’est le temps qu’il faut au Soleil pour atteindre son zénith deux fois dans notre ciel, ou le temps qu’il faut à notre Terre pour tourner complètement sur son axe..
- Deuxième chose à savoir : cette durée augmente depuis des milliards d’années, mais depuis 20 000 ans, elle est contrebalancée par un effet inverse. Un accélérateur de rotation.
La Terre ralentit (mais moins vite depuis 20 000 ans)
Comme vous le savez, la Lune exerce une attraction sur la Terre, ce qui provoque les marées. Ce mouvement de l’eau dans les océans ralentit, très (très) légèrement, la rotation de la Terre, allongeant les jours d’environ 2,4 millisecondes par siècle.
Mais depuis 20 000 ans, ce ralentissement est très légèrement freiné. La fin du Paléolithique a marqué la fin du dernier pic glaciaire. Depuis, la Terre s’est lentement réchauffée : une aubaine pour Homo Sapiens, mais aussi pour les pôles, qui ont retrouvé leur splendeur. Avec le dégel, la glace fond à l’équateur, et le cycle de l’eau combiné au mouvement des plaques terrestres fait le reste, redistribuant l’eau vers l’Antarctique et le pôle Nord, où elle gèle à nouveau : les pôles se remettent debout, la masse de la Terre s’y déplace à nouveau.
En conséquence de cette nouvelle ligne, le globe tourne légèrement, très très (très) légèrement plus vite d’année en année, de siècle en siècle. Les chercheurs appellent cela l’« ajustement glacio-isostatique ». Le jour dure donc un peu moins de temps, de l’ordre de 0,8 milliseconde (ms) en mois par siècle, ont calculé nos astrophysiciens. Souvenez-vous de l’œuf dur et de l’œuf cru : les fluides, leurs mouvements et surtout leur inertie affectent l’objet qu’ils occupent.
La fin du pic glaciaire a donc ralenti (de -0,8 ms par siècle) l’allongement des jours provoqué depuis des milliards d’années par la Lune (de +2,4 ms par siècle), ce qui signifie qu’au cours des 20 000 dernières années les jours se sont allongés d’environ 1,6 ms par siècle (soit la différence entre 2,4 et 0,8).
Et la Terre s’est réchauffée
Vous suivez ? Une fois cela établi, le reste est beaucoup plus simple. Soyons clairs : le réchauffement climatique bouleverse tout. Une fois que l’on a compris les paragraphes précédents, il est tout à fait logique d’imaginer que le réchauffement climatique influence la rotation de la Terre.
Car en fondant, la glace des pôles (et du Groenland) produit un effet inverse de l’ajustement glacio-isostatique, et tend donc à ralentir la rotation du globe. Mais dans quelle mesure ? Pour le savoir, l’équipe du Jet Propulsion Laboratory s’est emparée de toutes les données climatiques disponibles de 1800 à nos jours.
Le résultat est clair. « Dans la première moitié du 20e siècleexplique à la HuffPost géologue Surendra Adhikari, Les choses commencent à devenir un peu erratiques, à cause de phénomènes de type El Niño (…) mais c’est au cours des vingt dernières années que la contribution du réchauffement climatique à l’allongement des jours a atteint son maximum.
La marque de l’homme plus forte que des milliards d’années
Au XXe siècle, le réchauffement climatique a également commencé à affecter la durée des jours (entre +0,3 et 1,0 ms/siècle, nous apprend l’étude), mais c’est au XXIe que les choses deviennent folles. L’effet de la fonte des glaces, en créant des mouvements d’eau massifs, atteint +1,33 ms/siècle d’allongement du jour : un chiffre qui, selon l’équipe de chercheurs, devrait augmenter considérablement.
L’étude estime ainsi que, si la concentration de CO2 continue d’augmenter dans l’atmosphère, conduisant à une fonte toujours plus importante des pôles, l’effet du réchauffement à lui seul pourrait atteindre puis dépasser +2,4 ms/siècle, surpassant en influence celui de l’attraction lunaire et de la puissance des marées qui en résulte. Et c’est bien, au-delà de calculs complexes pour mesurer l’équivalent d’un clignement d’œil par siècle, ce qui justifie cette étude et ses conclusions.
En effet, même si vous n’avez suivi que d’un œil les aventures de la rotation de la Terre, voici ce qu’il faut retenir : pour la toute première fois dans l’histoire géologique de notre planète, ce ne seront plus les marées qui constitueront le premier frein à la rotation de la Terre, mais la fonte des pôles. Et ce n’est là rien de moins que le énième symbole de la manière dont les humains, souvent sans le vouloir, redessinent leur environnement. Quitte à perturber une dynamique à l’œuvre depuis plusieurs milliards d’années.
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