La rose, fleur de tous les amours, la chronique de Stéphane Bataillon
« Mignonne, allons voir si la rose/Qui ce matin avait fleuri/Sa robe violette au soleil. » Qu’elle soit rouge comme chez Ronsard, jaune ou blanche, la rose, aidée par son parfum, fascine les hommes. Alliant le passage du temps au cycle de la vie, l’élévation spirituelle à la force de l’amour, c’est la fleur symbolique la plus utilisée en Occident, égale au lotus en Asie. Depuis la Grèce antique, il est associé à Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté. Sa couleur rouge proviendrait du sang libéré par une épine plantée dans le pied de la déesse, alors qu’elle se rendait au chevet d’Adonis, son amour mortellement blessé par un dieu jaloux.
Son usage est particulièrement développé dans le christianisme. Parfois placée au centre de la croix, la rose remplace le Sacré-Cœur, symbole de l’amour divin. Aux XIIe et XIIIe siècles, Le conte du Graal de Chrétien de Troyes et Le roman de la rose de Guillaume de Lorris développent la même idée : la corolle de ses pétales rouges se confond avec la coupe qui a recueilli le sang du Christ. Elle représente plus largement la renaissance mystique, la mort du corps en terre laissant place à une nouvelle floraison, d’où la présence de roses sur les tombeaux. L’utilisation conjointe des roses rouges et blanches a également une signification dynamique : celle du passage du profane au sacré et de la passion à la pureté.
La rose, symbole marial
La rose d’or, ornement destiné aux seigneurs, autrefois bénie par le pape le quatrième dimanche de Carême, marquait ainsi une étape importante de la croissance spirituelle. Dans ses chants du Paradis Comédie divine, Dante utilise le motif de la rose céleste, formée par tous les saints, pour faire passer son héros de l’amour de Béatrice à l’amour divin : « Au centre doré de la rose éternelle, qui s’étend et va de degré en degré, et qui exhale un parfum de louange au soleil toujours printanier. Béatrice m’a attiré… »
Mais si cette représentation du paradis est attestée dès les débuts du christianisme, la rose est surtout devenue un symbole marial. Marie est nommée par saint Bernard « rose sans épines ». Le chapelet est une roseraie (rosarium) de paroles récitées en son honneur, les 150 « Ave » étant autant de fleurs qui lui sont envoyées : 50 blanches pour les mystères joyeux, 50 rouges pour les douloureux et les 50 dernières, jaunes ou dorées, pour les glorieux. Trois chapelets avec lesquels la Vierge est successivement couronnée. De même, dans Les Litanies de Lorette (Ou Litanies de la Sainte Vierge) dès le XVIe siècle, scandait des demandes d’intercession qui lui étaient adressées, on la désigne comme « rose mystique ». Ce qui explique pourquoi au Moyen Âge, seules les vierges pouvaient porter des couronnes de roses.
Symbole traditionnel du temps cyclique avec la succession des saisons
La rose des vents et les rosaces des cathédrales rapprochent enfin le motif floral de celui de la roue, symbole d’un temps cyclique avec la succession des saisons, auquel la tradition chrétienne ajoute une signification évolutive, l’histoire du salut se déroulant depuis le origines jusqu’à la fin des temps et le retour du Christ. Alors, que faire de ces multiples significations ? Angelus Silesius, mystique catholique flamand du XVIIe siècle, donne, dans Le pèlerin chérubin, la plus légère des réponses : « La rose est sans pourquoi ; elle fleurit parce qu’elle fleurit, / Ne se soucie pas d’elle, ne cherche pas si on la voit. » Avec une rose, tout commence et tout finit souvent en poésie.
(1) Dernière collection publiée, Permettez aux étoiles, Éditions Bruno Doucey.