Si les retraites sont aujourd’hui en danger, c’est à cause du doute que les gouvernements et les employeurs ont délibérément créé quant à la capacité du système à garantir le niveau des retraites sur le long terme. Deux jeunes sur trois estiment qu’ils ne bénéficieront pas d’une pension suffisante à l’âge de la retraite. Il était clair que l’élection présidentielle de 2027 devait être marquée par le retour de ce débat sur les retraites. Mais maintenant, il est avancé pour cause de dissolution. Elle s’apprête à devenir la pierre de touche d’une réelle volonté de changement.
La Macronie s’efforce de démontrer la pertinence de sa réforme rejetée par une majorité de la population. Du côté du Rassemblement national, c’est le plus gros flou. Présentée depuis de longs mois par ses dirigeants comme un enjeu essentiel, la question des retraites semble être reportée à plus tard. Seul le Nouveau Front populaire en fait une priorité, à commencer par revenir à la logique d’allongement de la durée de cotisation qui est la matrice de toutes les réformes imposées depuis 30 ans et qui fait que la retraite devient pour une majorité de salariés un horizon inaccessible.
Profitant de la crise et des difficultés des États à se financer, les marchés financiers ont exigé un peu partout un déclin des systèmes sociaux solidaires. La France n’échappe pas à cette pression. Il y a autre chose à faire que d’y céder. Il ne s’agit pas de nier les besoins de financement, ce qui serait stupide : le nombre de retraités aura bientôt doublé. Si l’on veut maintenir le niveau des retraites, il faudra augmenter les ressources collectives allouées au financement des retraites. Ce n’est en aucun cas impossible. En trente ans, la part des ressources consacrées au financement des retraites dans la richesse nationale est passée de 6 % à 12 %. Il faudrait atteindre 16 à 18 % dans les 20 prochaines années avant que ce niveau ne se stabilise ensuite. La marche est haute mais pas inaccessible. La difficulté est moins technique que politique.
Il est également essentiel de changer notre façon de considérer la retraite. Les retraités ne sont pas d’abord un coût mais plutôt une catégorie désormais indispensable, répondant à de nombreux besoins, assurant d’importantes fonctions sociales : vie associative, démocratie locale, aide intra-familiale qui n’existerait pas sans l’implication des seniors. Malheureusement ces contributions ne sont intégrées ni dans le montant du PIB ni dans l’évaluation des échanges intergénérationnels. Ne sont-ils pas pour autant une source de richesse et des éléments d’un nouveau type de développement ?
Troisièmement, il est urgent de réfléchir aux conditions d’intégration des jeunes dans le pacte intergénérationnel. Comment ces derniers peuvent-ils être parties prenantes d’un système dans lequel ils ne peuvent entrer que tardivement ? Comment peuvent-ils croire au système quand on leur explique que l’horizon s’éloigne forcément et que leur situation sera de moins en moins favorable ? Comment peuvent-ils espérer une plus grande liberté de choix dans leur parcours de vie, si à terme le système de retraite leur est inaccessible ?
Enfin, il faut rétablir l’égalité des catégories sociales en matière de retraite. Il s’agit avant tout de reconnaître que l’espérance de vie des retraités est bien plus courte que celle des cadres supérieurs et des professions libérales et qu’elle progresse plus lentement. Petites retraites, espérance de vie plus courte, mauvaise santé, tout cela s’additionne et justifie de mettre fin à une injustice insupportable que seul le MEDEF ose encore justifier.
La réforme des retraites est essentielle. Une réforme non pas pour réduire les droits, comme le réclament les financiers, mais au contraire pour mieux assurer l’avenir. S’il y a un problème de financement, il n’y a cependant pas de fatalité au « déficit de retraite » qui s’avère être avant tout une construction idéologique. Face à la perspective d’une baisse des retraites, on peut s’opposer au projet d’une « maison commune des systèmes de retraite » qui garantirait au contraire un socle commun de droits de haut niveau et de possibilités de choix individuels. plus étendu.