La réquisition des logements vacants et des résidences secondaires comme solution ?
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La réquisition des logements vacants et des résidences secondaires comme solution ?

La réquisition des logements vacants et des résidences secondaires comme solution ?

Ce premier week-end de novembre marque, comme chaque année, le début des vacances d’hiver, cette période qui s’étend jusqu’au 31 mars et durant laquelle l’expulsion du locataire de son logement ne peut avoir lieu. Mais si elle protège les locataires en difficulté, la trêve hivernale ne peut rien pour ceux qui souffrent déjà du mal-logement ou vivent dans la rue.

Or, selon une étude de l’Insee, 3,1 millions de logements étaient vacants en France en 2023. Rien qu’à Paris, il y en aurait 100 000, soit un logement sur cinq. De quoi trouver des solutions pour ceux qui n’ont pas de toit au-dessus de la tête. C’est ce qui a poussé Jacques Baudrier, l’adjoint au logement d’Anne Hidalgo, à formuler une demande précise dans un fil X il y a quelques jours : Demander au gouvernement le droit de réquisitionner les logements vacants.

Un État de droit depuis la Seconde Guerre mondiale

Enfin, plus précisément, un transfert de compétences. Car le droit de réquisition n’est pas nouveau et existe depuis l’après Seconde Guerre mondiale. Créée par le général de Gaulle, elle permet à l’État, via un ordre de réquisition, d’utiliser des milliers de logements laissés vacants par la guerre. Sauf que depuis, il n’a été utilisé qu’à de très très rares occasions, dont les plus récentes, par Jacques Chirac en 1995 et Lionel Jospin en 2001.

« Une question de bon sens » pour lutter contre le mal-logement

Mais ce droit de réquisition est l’affaire du seul Etat, et notamment celle de ses représentants dans les départements, les préfets. « Ce que je demande, c’est que cette compétence soit transférée aux communes », explique Jacques Baudrier, contacté par 20 minutes. Dans la même lignée que l’encadrement des loyers, appliqué à Paris, il souhaite que des pouvoirs de réquisition soient attribués à la mairie de Paris dans le but de soulager le marché immobilier extrêmement tendu dans la capitale.

En cela, il est soutenu par son prédécesseur dans cette tâche, désormais sénateur de Paris, Ian Brossat : « C’est une question de bon sens. Il y a une absurdité de voir autant de monde dans la rue alors que 20 % des logements à Paris sont vides », explique l’élu communiste qui était encore en charge du logement à Paris il y a un an, qui cite aussi toutes les zones de tension en France. , y compris des zones touristiques comme le Pays Basque, la Côte d’Azur, ou encore les côtes bretonnes.

Un droit très complexe à appliquer

Alors faut-il s’attendre à voir des huissiers ou des agents enfoncer les portes des logements vacants et des résidences secondaires pour accueillir tous ceux qui en ont besoin ? Les propriétaires les plus concernés peuvent souffler : la réponse est non.

« Il n’est pas question ici de vouloir reprendre l’appartement vide qui est en copropriété », explique Ian Brossat. L’objectif est d’abord de cibler les grands bâtiments et complexes, comme les anciens hôpitaux ou les écoles, qui ne sont plus occupés.» Locaux qui n’ont pas été occupés depuis au moins deux ans comme l’exige la loi, et qui, individuellement, pourraient offrir une grande surface d’habitation.

Car s’il existe, le droit de réquisition par l’Etat reste complexe dans son application comme nous l’explique Céline Benoliel, avocate spécialisée en droit du logement : « Le droit de réquisition se heurte au droit de propriété qui, dans la Constitution, est supérieur. à lui. » En résumé, le droit de propriété prime sur le droit au logement en droit français. « Il faut vraiment qu’il y ait un besoin d’intérêt général très fort pour pouvoir appliquer une réquisition », ajoute Céline Benoliel.

Neuf millions de personnes sans logement

Selon l’avocat, « les rares moments où l’intérêt général a pu primer sur le droit de propriété concernaient les dommages causés à la propriété privée par des travaux publics, les plans de lotissement, ou encore le droit de préemption de la commune, et les expropriations pour cause de déclaration de d’utilité publique. » Autant dire qu’il n’était pas question de s’emparer d’une propriété privée pour loger une famille sans abri.

Surtout, si l’idée peut paraître logique au vu des logements vacants en France et des 9 millions de personnes sans logement, elle se heurte à la complexité de la procédure et de la réalité, comme l’explique Amandine Labro, avocate au barreau de Paris. : « Ce sont des démarches très lourdes et étroitement encadrées par le code de la construction et de l’habitation. Compte tenu du nombre de foyers concernés, il convient de prêter attention aux vices de procédure et aux coûts que cela peut entraîner. »

Attention aux abus

Ainsi selon cet expert, la France dispose de l’arsenal juridique pour lutter contre le mal-logement et « tous les leviers sont bons à prendre » mais cela dépend « où on met le curseur » : « Il y a une différence entre frapper les multipropriétaires, les grosses fortunes comme Bernard Arnault dans le cadre de l’effort de solidarité nationale qui est demandé, et a frappé le petit propriétaire qui a hérité d’une petite maison de campagne qu’il n’occupe pas ou le couple de retraités qui a investi dans un studio pour le louer et assurer sa retraite. »

« Il ne faut pas cristalliser les tensions existantes avec les normes thermiques, les squats, les loyers impayés, etc. qui découragent les propriétaires de louer », ajoute Amandine Labro, qui met en garde contre les dérives qui pourraient naître de la réquisition.

Prêcher le pire pour obtenir une hausse d’impôts

Des dérives contre lesquelles se défend Jacques Baudrier, qui voit dans la réquisition de logements davantage une menace que la réponse au mal-logement : « On sait bien que la réquisition n’est pas la grande solution au mal-logement et à la pénurie d’habitat. En réalité, nous sommes favorables à une augmentation, par trois, de la fiscalité sur les logements vacants et les résidences secondaires pour inciter les propriétaires à les mettre sur le marché locatif. »

« Nous privilégions la hausse des impôts qui est une véritable arme contre ces copropriétaires qui ne mettent pas sur le marché des logements vacants parce qu’ils n’en ont pas besoin financièrement. Mais nous souhaitons obtenir le pouvoir de réquisition afin de constituer une menace pour ceux qui ne veulent pas quitter ces logements. » Une proposition qui pourrait faire du bruit en pleine discussion sur le projet de loi de finances à l’Assemblée nationale et pour laquelle les différents partis pourraient se rassembler comme le montre l’amendement déposé par le député macroniste, Lionel Causse, en ce sens.

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