C’est une véritable bombe qui vient secouer la région grenobloise et l’industrie française. Vencorex, usine chimique basée à Pont-de-Claix (Isère) et en partie spécialisée dans la purification de sel, produit qui, une fois transformé, est indispensable pour de nombreuses industries de la défense ou du nucléaire, va être reprise par le géant chinois Wanhua. C’est le tribunal de commerce de Lyon qui l’a annoncé jeudi 10 avril.
Ce dernier a jugé « irrecevable » un projet de reprise en coopérative par des salariés, qui aurait permis de sauvegarder davantage de postes et de garder ce « fleuron » de la chimie dans le giron français. « On est déçus, en colère », a réagi Séverine Dejoux, élue CGT et porteuse du projet coopératif, lors d’une conférence de presse sur le site de Pont-de-Claix. C’est BorsodChem, filiale hongroise de Wanhua, qui va reprendre le site qui, jusque-là, était sous pavillon thaïlandais. Contre 1,2 million d’euros, BorsodChem s’est engagé à maintenir une cinquantaine d’emplois sur les 450 que comptait le groupe initialement.
Des craintes pour la souveraineté française
Soulignant l’interconnexion des entreprises de la chimie, salariés et élus locaux avaient demandé une nationalisation temporaire de Vencorex après son placement en redressement judiciaire en septembre. Le Premier ministre François Bayrou avait refusé au motif que son activité n’était « pas viable ». Avec l’annonce de la reprise chinoise, la crainte d’un effet domino dévastateur sur les autres entreprises du secteur plane sur l’industrie française. Outre la catastrophe sociale, de nombreuses questions liées à la souveraineté française se posent.
Le sel que produisait l’entreprise alimentait la production de produits dérivés utilisés entre autres par Framatome (nucléaire) ou encore ArianeGroup pour la fabrication des missiles M51, composante de la force de dissuasion nucléaire française. De nombreux élus allant de LFI au RN ont regretté cette décision et se sont attaqués au gouvernement. « De quelle souveraineté industrielle ose encore parler Macron alors que Vencorex est indispensable à la dissuasion nucléaire française ? », interroge sur X Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne. De l’autre côté de l’échiquier politique, Thierry Perez, député RN d’Isère, regrette un « scénario catastrophe évitable » dans un communiqué partagé sur X.
Le ministre de l’Industrie se veut rassurant
Du côté du gouvernement, invité de France Info mercredi, le ministre délégué de l’industrie, Marc Ferracci, a soutenu qu’il n’y a « plus de risques de souveraineté liés aux difficultés de Vencorex ». Sur X, Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, affirme également que la reprise de Vencorex « n’impactera pas » la dissuasion nucléaire française tout en précisant que le « rachat ne concerne pas l’activité de production de sel de l’entreprise ». Toujours selon Emmanuel Chiva, si la production de sel va bel et bien s’interrompre, « le ministère des Armées possède des stocks de précaution suffisants pour couvrir nos besoins sur plusieurs années ».
« Ce jugement vient conforter un projet industriel ambitieux structuré depuis plus de six mois, et marque le point de départ d’un nouvel avenir pour ce site stratégique de la chimie française », s’est pour sa part réjoui Wanhua dans un communiqué.