La réalité virtuelle a son prix au Festival de Cannes
Le 77e L’édition cannoise lance son premier concours d’œuvres immersives évaluées par un jury international. Le prix sera remis le jeudi 23 mai.
Flâner dans un sauna gay, explorer le corps humain avec Cate Blanchett, incarner une super-héroïne perturbée par son cycle menstruel : le 77e Festival de Cannes lance sa première compétition d’œuvres immersives… et ça tremble !
Ce n’est pas la première fois que le plus grand événement cinématographique mondial s’attaque aux réalités virtuelles ou augmentées. En 2017, Alejandro González Iñárritu a montré, en réalité virtuelle, Carne et Arena, la première œuvre immersive jamais présentée en sélection officielle d’un grand festival. Mais, à Cannes, c’est la première fois qu’un prix sera décerné, le 23 mai, à ce type d’œuvres, évaluées par un jury international du septième art et de l’art immersif, avec une cérémonie de clôture spécifique (les lauréats du festival classique sont dévoilés le 25 mai). Un tel prix existe déjà à Venise.
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Parmi les huit films inscrits à cette nouvelle compétition, il y a de tout, de la réalité virtuelle à la pointe de la technologie, avec un casque permettant de voyager dans plusieurs dimensions, jusqu’aux expériences interactives sans équipement. Dans la première catégorie, il y a Traverser la brume, de l’artiste taïwanais Tung-Yen Chou, dans un sauna gay onirique et sensuel (interdit aux moins de 18 ans), où les participants ressentent physiquement les mouvements à chaque étage, couloir ou pièce. Sans oublier la peine, dans la peau d’un habitué, nu, de croiser le regard des autres utilisateurs.
« Dialogue avec les écrans »
Dans la seconde, il y a Amoureux, des Français Claire Bardainne et Adrien Mondot, évocation poétique autour du sentiment amoureux. Pas d’équipement ici. Mais en déplaçant ou en touchant les écrans, le spectateur peut influencer les particules lumineuses projetées dans l’œuvre. « L’image devient une sorte de partenaire avec lequel jouer, le corps peut entrer en dialogue avec les écrans, le sol » décrit pour l’AFP Claire Bardainne. Le tout sur une musique composée par Laurent Bardainne (son cousin) entre électro et pop.
Les possibilités de ces nouveaux formats semblent infinies. « Je pense que nous vivons dans l’ère du noir et blanc de cette phase technologique »analyse ainsi pour l’AFP le Britannique Barnaby Steel, l’un des co-créateurs de Évolution. Cette coproduction entre le Royaume-Uni, la France et les États-Unis explore l’intérieur d’une cage thoracique, guidée par la voix respirante de Cate Blanchett (Carole, Le goudron). « C’est presque comme fabriquer des chaussures en marchant »» ajoute pour l’AFP Adrien Mondot, qui vient de l’informatique mais a aussi une formation de jongleur.
Pour l’instant, il ne faut pas s’attendre à des retombées financières dignes de blockbusters comme les franchises Marvel ou James Bond. L’investissement est encore trop lourd pour accéder au grand public. Il faut compter environ 200 à 500 euros pour chaque casque utilisé à Cannes pour la séance de projection. Maya : naissance d’un super-héros (4 utilisateurs maximum par séance pendant le Festival).
« Poulpe géante, endométriose »
Cette production entre la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ouverte aux plus de 13 ans, met le spectateur dans la peau d’une jeune fille d’origine indienne, à Londres, confrontée à l’arrivée de ses premières règles, entre harcèlement scolaire, diktats et croyances dans sa famille.
Ce bouleversement dans la vie de Maya est porteur d’un message fort de combativité et d’espoir. Le film de 33 minutes oscille entre le réalisme des scènes de lycée et un monde fantastique où il faut lutter contre les démons et les forces obscures. Le spectateur devient acteur en ouvrant les paumes : littéralement, le pouvoir est entre toutes les mains d’aider chaque jeune fille à faire sa transition vers le monde adulte.
« A un moment donné, il y a une pieuvre géante à affronter, et le spectateur peut ressentir les tremblements de ce combat : ce monstre, c’est l’endométriose dont je souffre et qui me serre les entrailles »analyse avec l’AFP Poulomi Basu, l’auteur né à Calcutta (Inde). « Il y a un peu de mon histoire, celle d’autres femmes, c’est un voyage de la honte à l’autonomisation »résume-t-elle. « La technologie nous permet d’avancer vers de nouveaux territoires, la réalité virtuelle devient un agent provocateur pour faire réagir tout le monde »conclut Poulomi Basu.