La réalisatrice Manon Tacconi libère la voix des femmes victimes de violences sexuelles

Née à Aix-en-Provence puis ayant grandi à Agen, Manon Tacconi place le cadre avec la bouche dans le cœur, son film d’animation de fin d’études dans un sud ensoleillé, en bord de mer, où sous des extérieurs frivoles se dessine la question de violences sexuelles. Lors d’une beach party, Jess savoure une pause cigarette en cherchant son amie Alana, partie avec Théo, un de leurs amis. Elle entend d’abord ce qui ressemble à un câlin, puis distingue les vaines protestations d’Alana. Le lendemain, à la plage, elle essaie de faire parler son amie.

En quoi ce film questionne la difficulté à libérer la parole…

Ces dernières années, nous avons eu le metoo et la libération de la parole. Au quotidien, cette libération n’est pas si évidente, surtout entre amis. Certaines personnalités bien connues du monde du cinéma l’ont fait. Mais dans notre quotidien de femmes sans grand public, ce n’est pas si facile avec le poids du silence, la honte, le fait de ne pas savoir en parler ou de ne pas vouloir embêter. Avec ce film, beaucoup de femmes m’ont dit que cette histoire les renvoyait à telle ou telle amie. Nous vivons des choses dans notre sexualité. Parler ou regarder des films nous permet de réaliser que ce que nous vivons n’est pas normal.

Quelle est la genèse de ce film ?

J’ai commencé à y penser en juillet 2021. J’entendais des histoires d’amis et de jeunes autour de moi. Mais le véritable déclencheur a été une histoire racontée par ma sœur à propos de sa meilleure amie. Elle était complètement dévastée parce que c’était arrivé au sein de son groupe d’amis. Je me suis dit qu’il fallait absolument que j’en parle dans un film.

Comment voyez-vous le contraste entre le dessin et le langage très cru des personnages ?

Mon souhait n’était pas de faire un film lourd, pesant et terrible. Dans la partie à la plage, il y a de l’humour et de la comédie. Je voulais un langage assez cru parce qu’entre filles, on parle comme ça. Les mots utilisés sont crus mais ils ne parlent que de leur sexualité. Je voulais apporter quelque chose de léger et comique. Je ne voulais pas faire un film sur l’agressivité désespérée, lourde et pesante. Je voulais que le film me ressemble. Cependant, je suis très vif et j’aime rire.

Pourquoi avez-vous choisi de laisser l’agressivité hors champ ?

Je me suis beaucoup posé cette question. Je ne voulais pas que vous, en tant que spectateur, puissiez quantifier l’agression ou voir exactement ce qui se passe. Met-il la main dans son T-shirt, va-t-il plus loin ? Je voulais juste qu’on entende qu’elle a dit non et qu’il a continué. À partir de là, nous n’avons pas besoin de voir.

La bouche au coeur de Manon Tacconi, 4 minutes, France

Programmez F12. Le film est également disponible sur Arte.tv