L’athlète non-voyant français a raté l’or du 100 m jeudi soir pour trois centièmes de seconde. Après trois médailles d’argent aux Jeux paralympiques, Timothée Adolphe a déjà en tête Los Angeles 2028, pour enfin aller chercher un titre.
Publié
Temps de lecture : 4 min
Trois centièmes de trop. Une poignée de centimètres qui oscillent de la joie à l’amère déception. Après le sonore « Timothée, Timothée » Tombé des tribunes du Stade de France et d’un départ canon, le Français Timothée Adolphe a été rattrapé par son grand rival, le Grec Athanasios Ghavelas, en finale du 100 m (catégorie T11, non-voyants), jeudi 5 septembre. Le sprinteur de 34 ans a bien failli réaliser son rêve d’or paralympique, qu’il court après depuis huit ans. Accompagné de son guide Charles Renard, Timothée Adolphe a dû se contenter de la 2e place en 11″05, à trois centièmes de seconde de l’or (11″02), avec trois centièmes d’avance sur le médaillé de bronze chinois Dongdong Di (11″08).
« C’est serré. Il y a de la frustration. On aurait aimé être les premiers joueurs olympiques et paralympiques français à sonner la cloche au Stade de France. (rituel réservé aux vainqueurs), a réagi Timothée Adolphe après sa course, la main sur l’épaule de son fils de 5 ans, Tilem. Maintenant, il faut être lucide, on a six grosses courses devant nous. On avait un public en or et on voulait être à la hauteur, mais c’est quand même une belle médaille. »
Sur ses deux courses au programme à domicile, le coureur de 34 ans, licencié au club Saint-Denis Emotion, a donc décroché l’argent à deux reprises. Sur 400 m dimanche, guidé par Jeffrey Lami, il a été devancé plus nettement par le Vénézuélien Enderson German Santos Gonzales (50 »75 contre 50″58). Il est resté longtemps au sol, accablé par la déception après s’être écroulé dans la dernière ligne droite.
« Nous sommes déçus, car nous voulions l’or. Nous avons de bien meilleures jambes. J’ai la base de vitesse la plus élevée, mais je ne suis pas nécessairement le plus résistant et cela s’est vu. » avait déclaré le coureur. Jeudi encore, il a pointé du doigt un calendrier peu propice aux performances chronométrées avec enchaînement d’efforts sur un temps réduit.
Après ces deux nouvelles places de vice-champion paralympique, Timothée Adolphe continue de gonfler sa légende de maudit des Jeux. Le Français compte désormais trois médailles d’argent – il a terminé 2e du 100 m avec son guide Bruno Naprix aux Jeux de Tokyo – et autant de déceptions cruelles.
La malchance colle aux pointes du « Guépard blanc », connu pour ses nombreuses disqualifications aux Jeux, mais aussi dans d’autres compétitions internationales (pour une poussette sur le dos ou un dossard oublié) alors qu’il y était favori. A Rio, en 2016, pour sa première expérience aux Jeux, Timothée Adolphe a vu son « Le rêve se transforme en cauchemar ». En demi-finale du 100 m, il se blesse au départ et ne parvient pas à atteindre la finale… pour un millième. Sur le tour de piste, dès son entrée en lice, Timothée Adolphe remporte sa course mais est disqualifié pour avoir mis le pied à l’intérieur du couloir voisin.
Aux Jeux de Tokyo, c’est un autre point de règlement qui a entraîné sa nouvelle disqualification. Alors qu’il dominait largement sa série, Timothée Adolphe a franchi la ligne sans être relié à son guide Jeffrey Lami, le lien ayant glissé des mains de son partenaire. « Ces disqualifications, on y pense forcément, le Français s’est confié en conférence de presse avant son entrée en compétition. Nous avons travaillé pour essayer d’anticiper tous les scénarios catastrophes qui pouvaient se produire afin d’y remédier rapidement, car, bien souvent, il s’agissait d’erreurs de pilotage. »
Six fois champion d’Europe, cinq fois médaillé mondial (dont un titre), le sprinteur, et également rappeur, n’est pas satisfait. « Aux Championnats du Monde 2023, nous étions un trio bronzé (lui et ses deux guides, sur 100 et 400 m). Cette année, nous sommes en argent. Alors bien sûr, aux Championnats du monde l’année prochaine, nous travaillerons pour être en or », a-t-il ajouté. il a assuré, médaille autour du cou.
Ses Jeux de Paris étaient à peine terminés que Timothée Adolphe avait déjà les yeux rivés sur l’autre côté de l’Atlantique : « Los Angeles 2028 sera mon dernier défi si on nous en donne les moyens, si on nous soutient pour aller chercher l’or qui nous manque. » Engagé de longue date pour une plus grande professionnalisation du parasport, le Français a profité d’un entretien avec le président de la République, Emmanuel Macron, juste après sa course, pour plaider sa cause et celle de ses guides.
« Pour monter sur la boîte aux Jeux en catégorie T11, nous avons besoin de ces athlètes qui, eux, peuvent prétendre à une sélection en équipe de France pour les relais 4×100 et 4×400 mpour jouer le rôle de guide, rappelle le sprinteur. On ne peut pas leur demander d’aller travailler, de se former individuellement et en tant que guide. Il faut continuer à valoriser ce rôle de guide. » Son partenaire dans le droit chemin depuis un an et demi, Charles Renard, partageait les mêmes sentiments d’amertume et de fierté mêlées et se disait déjà « prêt à retourner au travail, étape par étape vers Los Angeles ».