La puissance d’Hydro-Québec menacée par le poids des véhicules électriques

La transition arrive et nous devrons faire des changements, sinon nous n’y arriverons pas.
, conclut Simon Brassard, l’auteur de l’analyse. L’étudiant en physique a été encadré dans ses travaux par Normand Mousseau, chercheur associé à la Chaire de transformation des transports de l’Université de Montréal et de Polytechnique.
Selon leurs calculs, si les 5 millions de voitures et camions légers du Québec devenaient tous électriques demain matin, il y aurait un risque de manque d’électricité dans le réseau d’Hydro-Québec pour assurer leur recharge durant l’hiver.
» De toute évidence, nous ne pouvons pas continuer dans l’état actuel, car le système électrique ne pourra pas supporter le changement. »
L’enjeu n’est pas de manquer d’électricité (les ressources sont grandes), mais plutôt de manquer de capacité pour fournir cette électricité à tous ceux qui en demandent en même temps. C’est ce qu’on appelle la puissance.
La puissance d’Hydro-Québec est actuellement de 37 gigawatts (GW). Certains jours de grand froid, le réseau est déjà à pleine capacité. Cependant, l’étude conclut que dans un hiver standard, nous aurions besoin d’au moins 3,65 GW avec le parc automobile électrifié actuel.
Il pourrait donc manquer au moins 10% de puissance (3,65 GW sur 37 GW) pour que les véhicules électriques puissent se recharger. Et les besoins augmentent avec le froid, mais aussi avec les années qui passent.
L’étude tient compte du fait que le nombre de véhicules de tourisme ne cesse d’augmenter, année après année, au Québec. Les besoins en puissance devraient donc augmenter en 2030 puis en 2040.
Calculs conservateurs
L’auteur de l’étude est resté très prudent dans ses calculs. Il n’a inclus que les véhicules de tourisme, et non les autres véhicules qui seront également électrifiés, comme les bus ou les camions de transport.
De plus, il considérait que les gens rechargeraient leur voiture à des moments différents, répartis tout au long de la journée. Cependant, nous savons que plus de gens le feraient probablement pendant l’heure de pointe du soir, en rentrant du travail. Il est donc probable que le besoin de puissance serait encore plus important.
Des véhicules de plus en plus lourds
Dans son calcul, l’auteur tient également compte de l’augmentation du poids du véhicule, puisqu’une voiture électrique pèse plus qu’une voiture à essence, à cause de la batterie. Un véhicule plus lourd a besoin de plus d’énergie pour se propulser.
Normand Mousseau se soucie beaucoup de la taille croissante des véhicules. Il y a un coût à ne pas s’en soucier
, il a dit. Le professeur voudrait une législation au Québec décourager les gens d’acheter de gros véhicules électriques
. Ainsi, il y aurait moyen de réduire considérablement la demande de puissance
.
» Une taxe est un moyen d’atteindre la sobriété énergétique. »
Pour ne rien arranger, même les modèles essence prennent du poids année après année, sans même être électrifiés.
Au fur et à mesure que les véhicules deviennent de plus en plus lourds, lorsqu’ils heurtent un piéton, cela fait de plus en plus mal. Et la capacité de freinage est réduite
se souvient Normand Mousseau, inquiet pour la sécurité.
Hydro-Québec garde confiance en sa puissance
La société d’État reconnaît que l’électrification du parc automobile augmentera la pression sur son réseau. D’ici 2032, l’augmentation prévue de la demande d’électricité au Québec, toutes régions confondues, correspond à environ 25 térawattheures (TWh) d’énergie et 4 GW de puissance.
» L’essor des véhicules électriques est responsable d’un tiers des besoins énergétiques supplémentaires et d’un peu moins de la moitié des besoins électriques supplémentaires sur 10 ans, soit 1800 MW [1,8 GW]. »
Mais le risque de panne d’électricité ne semble pas inquiéter l’entreprise publique : Nous n’anticipons pas, pour le moment, de défis à ce niveau.
Hydro-Québec rappelle qu’en effet, l’arrivée d’une telle quantité de véhicules électriques sur le réseau ne se fera pas du jour au lendemain. Nous saurons répondre à la demande au rythme requis
estime le porte-parole.
Hydro-Québec prévoit pouvoir répondre à des besoins supplémentaires d’ici 10 ans, en économisant de l’énergie, grâce à l’efficacité énergétique et aux efforts de ses clients pour mieux répartir leur demande, mais aussi en augmentant la puissance de ses centrales existantes et en misant sur le développement des éoliennes.
Hydro-Québec n’a pas de vision précise de la demande au-delà de 2032
En 2035, la vente de voitures neuves à essence sera interdite au Québec et au Canada et la transition vers un parc de véhicules 100 % électrique durera jusqu’en 2050, selon CAA-Québec.
Nos prévisions de demande ne vont pas aussi loin
avoue le porte-parole d’Hydro-Québec, Jonathan Côté. [Elles] se déroulent sur un horizon de dix ans.
La société d’État a quand même accepté de participer à l’exercice pour nous.
En 2050, si les usages observés aujourd’hui restaient 100% identiques, on estime que le pic d’impact des véhicules électriques sera d’environ 7 000 MW [7 GW]
a déclaré le porte-parole.
Parallèlement, Hydro-Québec pense que les voitures électriques entraîneront un déplacement de la pointe en fin de soirée, l’impact de ce déplacement permettrait d’économiser 1 GW. Donc, l’adoption des véhicules électriques aurait pour effet d’augmenter la pointe globale d’environ 6000 MW [6 GW]
.
Hydro-Québec prévoit que les progrès technologiques réduiront le poids des batteries et augmenteront leur capacité. Cela aura un impact sur la fréquence des besoins de charge
explique Jonathan Côté.
Solutions envisagées
Le développement de la recharge intelligente permet de programmer le temps de recharge en dehors des périodes de pointe. Pour réduire l’impact, il doit être rechargé la nuit
conseille Simon Brassard.
Aussi, Hydro-Québec mise sur l’avenir des technologies bidirectionnelles, comme le V2H (véhicule-à-domicile) et V2G (véhicule-à-réseau) considéré comme une excellente occasion
. La batterie du véhicule peut ainsi devenir une batterie pour la maison.
» Le défi pourrait se transformer en opportunité car les véhicules électriques pourraient devenir des outils de gestion des pointes de consommation. »
Moi, j’ai du mal à y croire
tempère le professeur Normand Mousseau. Lorsque nous aurons le plus besoin de puissance, je ne suis pas sûr que les gens penseront qu’il est temps de vider la batterie de leur véhicule électrique.
Les propriétaires de véhicules électriques du Québec ont remarqué que les performances de leur batterie diminuent grandement avec le froid. Selon le professeur, l’utilisation de l’électricité de leur voiture pour porter un toast ou faire la lessive pourrait leur faire craindre une usure prématurée de la batterie.
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