La production de voitures individuelles ne semble plus intéresser Tesla
Longtemps distrait par son rachat de Twitter, Elon Musk semble avoir décidé de reprendre le contrôle de Tesla et cela ne se passe pas sans heurts. Confronté à des difficultés pour écouler ses voitures, le milliardaire a opté pour un traitement de choc en annonçant dans un premier temps la suppression de 10 % de ses salariés, soit environ 14 000 personnes. Ces dernières semaines, ce chiffre est cependant bien plus élevé, d’autant que des équipes entières ont disparu, notamment celle dédiée au réseau de superchargeurs, alors même qu’elle constitue l’une des plus belles réussites du constructeur.
Si ces changements importants n’ont jamais été directement justifiés par l’intéressé, nous disposons de suffisamment d’indices pour comprendre son idée ou en tout cas pour émettre une hypothèse crédible. Tesla envisage-t-elle d’arrêter de produire et de vendre des voitures individuelles pour mieux se concentrer sur la conduite autonome ? À en juger par le succès spectaculaire du constructeur américain, dont le Model Y a été la voiture la plus vendue en Europe l’année dernière, l’hypothèse peut paraître absurde et pourtant de nombreux signes vont dans ce sens.
Première annonce de la mise aux arrêts de la Tesla moins chère, prévue en début d’année pour fin 2025, avant d’être remplacée par le Robotaxi, un véhicule entièrement autonome sans volant ni pédales qu’Elon Musk espère présenter cet été. Contrairement à un petit Model Y dont on espérait qu’il coûterait environ 25 000 $ HT en entrée de gamme, le Robotaxi ne serait pas vendu à des particuliers, il serait géré par Tesla sous forme de taxis autonomes, à l’instar d’un service comme Waymo de Google qui est actif dans quelques villes américaines. En supposant que Tesla réussisse à proposer une conduite entièrement autonome, ce qui reste une hypothèse majeure, vendre des voitures individuelles n’aurait plus de sens.
Pour y parvenir, il faudra toutefois relever certains défis majeurs. Pas sur le plan matériel, Tesla dispose d’une énorme capacité de production qui fera parfaitement l’affaire pour le Robotaxi, c’est sur le plan logiciel que la conduite autonome n’est pas encore prête. Pour résoudre ce problème, l’entreprise devra renforcer ses investissements dans l’intelligence artificielle et c’est précisément ce qu’elle compte faire. En témoigne la réouverture des embauches après un gel global décidé par Elon Musk, mais uniquement dans la division « Autopilot & Robotics », qui travaille justement sur le terrain.
A l’inverse, les licenciements ont principalement concerné la production, la recherche de véhicules neufs ou encore la vente. Les usines tournent désormais au ralenti, notamment celle de Shanghai qui était la plus grande et la plus importante, desservant à la fois le marché chinois et européen. Certes, cela répond à une baisse des ventes sur le marché des véhicules électriques, mais c’est un autre signe d’un changement de stratégie. La priorité n’est plus de produire toujours plus de voitures et de réduire toujours plus les coûts avant de devenir le plus grand constructeur automobile du monde, comme cela a longtemps été le cas.
S’il en fallait une preuve supplémentaire, le rapport environnemental pour l’année 2023 récemment publié par Tesla en apporte une preuve significative. Comme indiqué Automobile propre, la nouvelle édition ne promet plus d’atteindre une production de 20 millions de véhicules par an d’ici 2030, alors que c’était le cas pour les précédentes. Ce chiffre impressionnant quand on sait que l’entreprise a vendu dix fois moins de voitures l’an dernier aurait fait de Tesla le plus grand constructeur mondial : c’est autant de ventes que Toyota (11,2 millions de voitures vendues en 2023) et Volkswagen (9,2 millions) réunies. Le tout en un temps record et grâce à des méthodes de production radicales permettant de réduire considérablement les coûts.
Ces promesses ont totalement disparu du rapport environnemental 2023. Est-ce parce qu’Elon Musk s’est rendu compte que décupler les ventes en sept ans allait être impossible ? Ou que diviser les coûts de production par 50 % n’était finalement pas possible ? Quoi qu’il en soit, le PDG préfère désormais miser sur la conduite totalement autonome voire sur les robots, tous deux basés sur la même technologie basée sur l’intelligence artificielle et l’analyse des images captées par les caméras. Il en fait le cœur de sa nouvelle stratégie, quitte à menacer de partir avec son IA s’il n’obtient pas ce qu’il veut, à savoir plus d’actions Tesla.
Reste à savoir si le pari de la vision est tenable et si Tesla réussira enfin à proposer une véritable conduite autonome. Elon Musk le promet pour l’année suivante depuis tant d’années que cela semble très difficile à croire, mais on verra cet été si le constructeur met en avant de réels progrès en la matière.