La production de Boeing en partie paralysée par sa première grève sans précédent depuis 2008 – 13/09/2024 à 19:28
Les travailleurs syndiqués de Boeing dans la région de Seattle se mettent en grève le 13 septembre 2024 (AFP / Jason Redmond)
Plusieurs dizaines de milliers de salariés de Boeing ont lancé vendredi une grève sans précédent depuis seize ans, bloquant notamment la production sur sa base d’origine sur la côte nord-ouest américaine.
L’arrêt de travail a débuté après le rejet massif du projet de nouvelle convention collective, négociée depuis mars par Boeing et la branche locale du syndicat des machinistes (IAM) et qui devait succéder à celle datant de 2008 qui expirait jeudi à minuit.
Les plus de 33 000 membres du syndicat de l’avionneur dans la région de Seattle – sur quelque 170 000 employés – ont rejeté à 94,6 % l’accord annoncé le 8 septembre et ont approuvé un débrayage à 96 %, selon Jon Holden, président de l’IAM-District 751.
Il a également annoncé une action en justice contre Boeing auprès de l’agence fédérale du droit du travail (NRLB) pour pratiques déloyales lors des négociations.
Jon Holden, président du syndicat IAM-District 751, à Seattle le 12 septembre 2024 (AFP / Jason Redmond)
La dernière grève, en 2008, avait duré 57 jours.
Face au mécontentement des membres, M. Holden a déclaré qu’il ne pouvait pas « garantir que nous obtiendrons plus en faisant grève ».
La grève a paralysé les deux principales usines d’assemblage de Renton et d’Everett, qui produisent les 737 MAX les plus vendus, le 777 et le 767 (versions cargo et ravitailleur militaire), dont les livraisons accusent déjà des retards.
La production sur d’autres sites, y compris une usine de pièces détachées à proximité de Portland, dans l’Oregon, a également été interrompue, tout comme la remise à neuf de dizaines de 787 Dreamliners qui a lieu à Everett depuis plusieurs mois.
L’assemblage du Dreamliner n’est toutefois pas perturbé à ce stade car l’usine est située en Caroline du Sud (est) et n’est pas concernée par cette convention collective.
– « Tremblant » –
L’avionneur perçoit la plus grande partie du paiement (environ 60 %) à la livraison des avions. Il peut livrer ceux qui ont reçu le feu vert du régulateur FAA avant la grève, mais sa cadence de production ralentit depuis un incident en vol survenu début janvier impliquant un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines.
Un Boeing 777 en cours d’assemblage à l’usine d’Everett (nord-ouest), le 26 juin 2024 (POOL / Jennifer Buchanan)
« Pour un Boeing en difficulté financière, une grève est la dernière chose dont il a besoin », selon le site Internet spécialisé dans l’aviation Leeham News.
Selon les analystes de TD Cowen, une grève de 50 jours coûterait à Boeing entre 3 et 3,5 milliards de dollars en espèces et réduirait les revenus de 5,5 milliards de dollars.
« La grève affectera la production, les livraisons et les opérations, et menacera notre reprise », a déclaré vendredi matin le directeur financier de Boeing, Brian West, lors d’une conférence organisée par une banque.
« La grève injecte tellement d’incertitude » qu’il a refusé de faire la moindre prévision pour 2024 et 2025, assurant que la priorité était de « préserver nos liquidités ».
« Le message selon lequel l’accord de principe conclu avec la direction de l’IAM n’est pas acceptable pour ses membres est clair », a réagi Boeing, affirmant qu’il était « prêt à revenir à la table des négociations pour parvenir à un nouvel accord ».
Une semaine après son entrée en fonction le 8 août, le nouveau patron de l’avionneur, Kelly Ortberg, s’est engagé à « réinitialiser » les relations avec le syndicat.
Vers 17h20 GMT, l’action Boeing chutait de 3,72% à la Bourse de New York.
Les membres du syndicat des machinistes IAM-District 751 ont approuvé la grève du 12 septembre 2024 (AFP / Jason Redmond)
La convention collective rejetée comprenait une augmentation salariale de 25 pour cent sur quatre ans, un engagement à investir dans la région et la construction du prochain avion – prévu pour 2035 – autour de Seattle, qui était censé fournir des emplois pendant des décennies.
Boeing espérait que ces concessions seraient suffisantes pour éviter une grève. Sa situation financière est précaire depuis le crash de deux 737 MAX 8 en 2018 et 2019 (346 morts), et de nombreux problèmes de qualité de production.
« Ce n’est un secret pour personne que notre entreprise traverse une période difficile, en partie à cause de nos propres erreurs passées. (…) Une grève mettrait en péril notre rétablissement commun », a averti mercredi soir M. Ortberg, exhortant les salariés à ne pas « sacrifier » les progrès futurs à cause de « frustrations liées au passé ».
Mais les mécontents jugent la hausse des salaires trop éloignée des revendications du syndicat (+40% initialement) et le volet retraites insatisfaisant. « On nous a bradés », a déclaré jeudi à l’AFP Kamie Bryan, salariée de Boeing depuis 18 ans.
« Ils parlent d’une augmentation de 25%, mais ce n’est pas le cas », a déclaré Paul Janousek, dénonçant une présentation « trompeuse » de Boeing. Selon cet électricien de 55 ans, dont 13 ont travaillé pour l’avionneur, son augmentation n’atteindrait qu’environ 9% en raison de la suppression d’un bonus annuel.
Selon les règles de l’IAM, les grévistes recevront 250 $ par semaine à partir de la troisième semaine d’arrêt de travail.