La présence de l’ambassadeur de France Pierre Lévy parmi les rares diplomates occidentaux ayant accepté d’assister à la cérémonie d’investiture du président Vladimir Poutine, à Moscou, mardi 7 mai, a surpris, à plusieurs titres.
La première est que l’élection grâce à laquelle M. Poutine a obtenu un cinquième mandat présidentiel avec 88,5% des voix, du 15 au 17 mars, s’est déroulée dans des conditions tellement antidémocratiques que la France, comme la plupart des pays occidentaux, en a simplement pris acte. , soulignant que les électeurs russes avaient été privés d’un véritable choix et condamnant fermement le contexte de répression dans lequel il s’est déroulé. Pour mémoire, l’opposant Alexeï Navalny était décédé un mois plus tôt en prison, mi-février, dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées – M. Lévy avait également assisté, avec ses confrères occidentaux, aux funérailles de l’opposant à Moscou. Il est donc d’autant plus paradoxal que la France envoie son ambassadeur pour cautionner, par sa présence, une élection dont elle désapprouve les conditions.
La deuxième raison est que la grande majorité des pays occidentaux ont boycotté cette cérémonie. Hormis la France, aucun pays du G7 n’était représenté. Du côté des pays de l’Union européenne (UE), l’ambassadeur de France s’est retrouvé en compagnie uniquement de ses collègues de Hongrie, de Slovaquie – dont on sait la complaisance à l’égard de Moscou –, de Malte, de Chypre et de Grèce.
L’ambassadeur de l’UE est apparemment resté chez lui. L’Allemagne, de son côté, a choisi de rappeler son ambassadeur à Berlin pour consultations afin de marquer sa condamnation des cyberattaques attribuées à la Russie. À l’heure où la France continue de prôner et de promouvoir l’unité européenne, rompre ainsi les rangs revient à envoyer un incompréhensible signal de division. Les médias d’État russes n’ont pas hésité à le souligner.
Ambiguïté
La troisième raison est que, la veille de la cérémonie d’investiture, le même ambassadeur de France a été convoqué au ministère russe des Affaires étrangères, pour la troisième fois depuis début 2024, pour lui reprocher sa politique. « provocant » autorités françaises. Le Quai d’Orsay l’avait opportunément dénoncé « détournement des voies diplomatiques à des fins de manipulation de l’information et d’intimidation ». Honorer le Kremlin de sa présence vingt-quatre heures après avoir été réprimandé par son gouvernement est une étrange façon de manifester l’indignation de la France.
La quatrième raison, enfin, et non des moindres, c’est que ce président, intronisé mardi tel un tsar par le patriarche Cyrille, avait, le 24 février 2022, envahi sans raison l’Ukraine, Etat indépendant et mène depuis une guerre politique. guerre d’agression à grande échelle qui secoue tout le continent européen. Une cinquantaine de pays, dont la France, participent à l’aide militaire à l’Ukraine contre la Russie. M. Poutine fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.
Pour justifier la présence de son ambassadeur mardi, Paris a fait valoir que la France ne souhaitait pas « couper tous les ponts » avec la Russie. Préserver les canaux de communication en temps de guerre peut en effet s’avérer utile. Mais procéder ainsi, sans coordination avec nos partenaires européens, au moment précis où la Russie hausse le ton en évoquant une nouvelle fois la menace nucléaire, contredit la position très ferme affichée par la France ces derniers mois et relève plutôt de l’ambiguïté. que la stratégie.