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La place du livre dans notre société


C’est la rentrée littéraire avec la sortie de plus de 450 livres d’ici fin octobre, des forums et des salons comme celui de Nancy tout le week-end.

Article rédigé par

franceinfo – Jean Viard-Benjamin Fontaine

Radio France

Publié


Temps de lecture : 5 min

Chaque année, la rentrée littéraire est un casse-tête pour les libraires, comme ici au Mans en 2023. (FRANCE BLEU MAINE)

Jean Viard est sociologue et éditeur. Il pose donc un regard doublement aigu sur la place du livre dans une société où jeunes et vieux semblent moins lire qu’avant. Pourtant, le livre continue à jouer un rôle majeur.

franceinfo : Pourquoi les éditeurs continuent-ils à publier autant de livres ?

Jean Viard : Il y a moins de livres qui se vendent à 1 million d’exemplaires, comme cela s’est produit dans les années 1980. Quand Bernard Pivot faisait la promotion d’un livre, on pouvait atteindre ces chiffres phénoménaux. Est-ce grave ? Je ne crois pas. Nous vivons dans une société de la diversité. Vous écrivez, vous avez 1000 lecteurs, ce n’est pas si mal. On n’écrit pas pour viser le Goncourt mais pour diffuser nos idées, pour partager une certaine joie du beau, pour raconter une histoire. Le fait qu’il y ait beaucoup de livres correspond davantage à un principe démocratique. Pour les libraires, c’est sans doute plus problématique : comment mettre en valeur tous ces livres, comment assurer la rotation, etc. L’économie du livre est fragile, c’est une économie privée, de magnifiques librairies sont parfois obligées de fermer dans les centres-villes, où les loyers deviennent trop chers.

Justement, de nombreuses librairies dénoncent la vente de livres en ligne. Dans le même temps, Amazon n’a-t-il pas également conservé un intérêt pour la lecture ?

En tant qu’éditeur, je ne peux rien dire de bien d’Amazon sinon les libraires me tueraient, et ils auraient en partie raison. Au fond, d’abord, Amazon a remplacé les clubs de lecture qui ont disparu. Ensuite, deux tiers des Français vivent dans des maisons avec jardin, plus ou moins éloignées des centres-villes, et comme nous sommes entrés dans une société de livraison, les achats en ligne sont devenus une pratique courante (que ce soit avec Amazon, la Fnac, Decitre ou Mollat). Et effectivement Amazon a tendance à faire lire, ce n’est pas négatif, même si bien sûr, il faut privilégier la librairie qui est un lieu de rencontre, de discussion, de recherche et de découverte. Vous êtes là, vous feuilletez, vous regardez, le libraire vous parle si vous le connaissez et vous conseille. Cela est irremplaçable et c’est son rôle.

Lire c’est aussi partager avec les autres, pouvoir échanger, s’ouvrir. Est-ce là les bienfaits de la lecture dans la société ?

Il y a deux grands avantages. D’abord, lire permet de vivre plusieurs vies, et il est fondamental de se rendre compte qu’on peut avoir plusieurs vies, qu’on peut donc les changer. On lit la vie d’un Indien d’Amérique, celle d’un type dans une autre ville, celle d’un pêcheur quand on vit dans une ville de banlieue ouvrière, etc. Ensuite, écrire et lire permettent de réfléchir à changer le monde – qui bouge à toute vitesse. On a donc absolument besoin de livres, de réflexion et de débat. En France, le monde politique est malheureusement à 300 kilomètres de cette question : le livre, c’est la pensée du changement. Et c’est aussi découvrir la beauté, qui est essentielle à la vie humaine.

Grb2

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