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Il s’agit d’un recul majeur dans la législation environnementale. Au nom de la simplification administrative, la loi d’orientation agricole, actuellement examinée à l’Assemblée nationale, a dépénalisé les atteintes aux espèces et habitats protégés. Dans un amendement à l’article 13, voté à la majorité, le gouvernement a proposé de distinguer entre « préjudice intentionnel à des espèces protégées » de la « actes de bonne foi ».
L’amendement prévoit également « une présomption de non-intentionnalité » dans le cadre d’une obligation légale ou réglementaire ou en application d’un plan de gestion forestière (même si ces derniers ne contiennent rien sur les espèces protégées).
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré vouloir « simplifier la vie des agriculteurs ». L’objectif pour le rapporteur de la loi, le député Renaissance Éric Girardin, est de« mettre fin au paradigme coercitif qui entoure trop souvent les activités agricoles » et de « rationaliser les normes ».
Des débats houleux à l’Assemblée
Concrètement, l’amendement fait craindre les pires régressions. Comme le souligne France Nature Environnement, elle restreint considérablement la possibilité de sanctionner la destruction d’espèces, d’habitats naturels ou de sites géologiques protégés. Dans la grande majorité des affaires pénales actuelles, il est impossible de démontrer l’intention, seulement l’imprudence ou la négligence.
« Un chasseur qui tue une espèce protégée qu’il aurait confondue avec une espèce gibier, un individu qui provoque la mort d’une buse en utilisant des produits phytopharmaceutiques contre les rongeurs, un forestier qui abat un arbre comportant une cavité susceptible d’héberger des chauves-souris – des souris. dans une forêt bénéficiant d’un plan d’aménagement, un industriel dont les éoliennes autorisées auraient provoqué la mort de milans royaux… ne pourrait plus être poursuivi, même s’il n’a pris aucune précaution et n’a pas fait l’effort de se renseigner »alerte FNE.
« La pire régression des dix dernières années »
Le message envoyé est clair. S’il y a des dommages à l’environnement, la sanction sera faible. En cas de dommages irréversibles à la conservation des espèces animales non domestiques, des espèces végétales non cultivées et des habitats naturels, le préfet peut toujours prescrire des formations obligatoires de sensibilisation aux enjeux environnementaux, prévoit l’article.
A l’Assemblée, les débats ont été houleux. La députée Verte Delphine Batho a estimé que l’amendement était inconstitutionnel, contraire à la directive européenne sur le droit pénal de l’environnement et à la Charte de l’environnement. Elle a déploré que le Conseil d’Etat n’ait pas pu l’examiner, puisqu’il ne figurait pas dans le projet de loi initial.
Pour Morgane Piederrière, responsable du plaidoyer et des relations institutionnelles chez FNE, « c’est la pire régression des dix dernières années » : « Cet amendement va bien au-delà des activités agricoles, il envoie un message d’impunité à tous les porteurs de projets industriels, forestiers, chasseurs, et concernera toute destruction d’espèces et d’habitats protégés. »