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La percée des drones de combat turcs

Le tapis rouge est déroulé, ce 4 janvier 2024, au pavillon présidentiel de l’aéroport international Président Modibo Keïta, à Bamako, au Mali. Sur le tarmac de l’aéroport, devant les officiels venus les accueillir, des drones Bayraktar TB2 de fabrication turque sont exposés côte à côte. Le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta, président de la transition, est venu lui-même marquer l’importance du moment. L’arrivée de ces aéronefs sans pilote est mise en scène devant la télévision d’État, qui affirme que, grâce à ces équipements, « L’année 2024 s’annonce prometteuse pour l’armée malienne. » Sur les images, on peut en voir au moins quatre. Ils complètent ceux que le Mali a déjà reçus en 2023 et 2022.

Tinzaouatène sous le feu des drones

Huit mois plus tard, la région de Tinzaouatène – à la frontière avec l’Algérie où se sont réfugiés les indépendantistes touaregs après avoir quitté leur fief de Tessalit, reconquis en novembre par l’armée malienne et leur allié russe de la société Wagner – est sous le feu des TB2. Pour la seule semaine du 25 au 31 août, pas moins de trois attaques leur sont attribuées.

Le 25, ils ont frappé une concession du centre-ville, tuant officiellement une vingtaine de terroristes, des civils en réalité, selon des sources locales. Le lendemain, une frappe de drone a tué trois séparatistes alors qu’ils circulaient en 4×4, puis, le 30 août, deux postes de contrôle rebelles ont été frappés et rasés par des frappes de drones, tuant sans distinction ceux qui s’y trouvaient.

Le drone turc Bayraktar TB2 conquiert le ciel africain

Bien moins chers et plus accessibles que les drones occidentaux, notamment américains, dont les ventes sont soumises à des restrictions et conditions plus strictes que celles exigées par Ankara, les TB2 ont depuis longtemps fait leurs preuves. En Libye, en 2019, ils ont déjoué les offensives du maréchal Haftar en faveur du gouvernement légal. Ils ont été une aide précieuse à l’armée azerbaïdjanaise contre l’Arménie, au Haut-Karabakh, en 2020. En 2021, ils ont aussi sauvé le régime d’Addis-Abeba contre l’offensive tigréenne. Et surtout, le TB2 a permis à Kiev de déjouer l’offensive russe au début de l’invasion de l’Ukraine en 2022, au moins dans une mesure significative, au point que les Ukrainiens lui ont même dédié une chanson pour le célébrer. Depuis, le drone conçu par l’entreprise appartenant à la famille turque Bayraktar – l’un des fils de cette famille a épousé l’une des filles du président turc Recep Tayyip Erdogan – est le chouchou des armées africaines.

Un atout et un danger

Selon une note de l’Ifri de Léo Péria-Peigné, la moitié des vingt pays où le TB2 est vendu sont africains. On le retrouve aujourd’hui dans les forces aériennes des principaux États du Sahel : Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria. Outre la Libye et l’Éthiopie, il équipe aussi la flotte aérienne du Maroc et du Togo. Son utilisation, comme celle de tous les drones armés bon marché produits et vendus par la Turquie, la Chine et l’Iran sur le continent africain, est un atout indéniable aux mains de régimes pauvres confrontés à des groupes armés qui les menacent. Mais elle est aussi une source d’inquiétude pour les civils vivant dans les zones où ces drones sont utilisés. De nombreuses bavures ont déjà été signalées.

Au Mali, en plus de la frappe de drone du 25 août à Tinzaouatène, une autre frappe de drone a tué au moins cinq hommes lors d’une cérémonie de mariage le 16 février à Konokassi, dans la région de Ségou, a documenté Human Rights Watch. Le lendemain, lors de l’enterrement des victimes « Une deuxième frappe de drone a touché un groupe de personnes au cimetière de Konokassi, tuant cinq hommes et deux garçons », Un mois plus tard, le 16 mars, une dizaine de personnes du village touareg d’Amasrakad ont été tuées par une frappe de drone de l’armée malienne. Puis 14 personnes dont une dizaine d’enfants, le 23 mars, dans un village à la frontière burkinabè, rapporte RFI.

L’horreur a atteint son paroxysme le 3 décembre 2023, dans le village de Tudun Biri, dans le nord du Nigeria. Alors que les villageois se rassemblaient pour célébrer une fête musulmane, un drone de l’armée les a pris pour cible et les a bombardés, pensant qu’il s’agissait d’un rassemblement terroriste, tuant au moins 85 personnes.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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